Pepper Island, vintage épicé

Pepper Island, c’est un peu l’histoire d’un couple d’amoureux transcontinental victime d’un naufrage et qui trouve refuge sur une île ensoleillée, véritable jardin exotique de plantes aromatiques, avec pour seuls vestiges des cultures du monde une guitare sèche et tout un coffre de vieux vinyles des années 70. Beaucoup de funk, du blues, du rock des hippies, du groove d’Afrique, du reggae... Tout ça délicieusement rétro, et en parfaite adéquation avec cette accueillante île poivrée. Bref, tout pour que notre couple s’épanouisse à l’écoute de ces morceaux vintage, dansants et aérés.

Vous allez me dire «comment ont-ils fait pour écouter des vinyles sur une île déserte sûrement dépourvue d’électricité comme de la moindre et plus insignifiante centrale nucléaire»? Facile: avec de l’imagination. Quand on aime la musique, qu’on a une guitare et qu’Alzheimer nous les lâche, rien de plus facile alors d’écouter un disque, il suffit de regarder la pochette et de gratter, et de chanter. Alors notre couple s’y est mis, faisant danser oiseaux z’et poissons d’une manière tellement enjouée qu’ils venaient eux-mêmes s’offrir en repas dans leurs gamelles, eux qui ne manquaient en outre ni de poivre, ni de piment. 

Ça groove et ça brille façon soleil

Ayélé s’est mis à chanter de sa très belle voix, et Laurent s’est fabriqué une basse acoustique avec la carapace d’une tortue devenue subitement naturiste. La guitare, il se la partage suivant les morceaux. Avec le temps, le souvenir des morceaux de plus de 40 ans d’âge s’efface peu à peu, pour n’être plus qu’un subtil parfum, un condiment de plus dans des chansons devenues des compositions originales.

Et ça fonctionne, ça groove et ça brille façon soleil. Leurs accords et leur accord commun ont dépassé le public volatilo-aquatique et franchi les rivages perdus de l’île du Poivre, comme une bouteille ou whistle à la mer. Et des musiciens ont suivi les sons et les instructions pour rallier en pirogue notre couple et finaliser ces vieux nouveaux morceaux.

 

Nos deux Pepper Island en sont déjà à leur deuxième album et nous amènent furieusement, à nous qui entrons en grelottant dans l’hiver, de la chaleur et du bien-être. Comme ce Dream for two qui ouvre et ferme ce Motor love qui marche au carburant charmant, à l’essence d’épices et de tropiques. Plage 3 (oui, l’île a ainsi une dizaine de plages, toutes avec leurs petites originalités), un début en français nous fait craindre un instant l’invasion de colonisateurs dans notre paradis perdu, mais non, un Gloria rolling-stonien, rock et féminin, balaie toute menace d’un revers de guitare.

Like a queen

Pepper Island peut siffler alors Treat me like a queen, jouer des gimmicks blues sur la guitare black, danser du rock seventies aux herbes psychédéliques dans la lumière du matin, évoquer l’Afrique ou déterrer de vieilles rengaines country qu’on enlève bien loin des cow-boys du Texas. Plus près des rastas jamaïquains: «Allez, va faire un tour». Et le tour est bon, dépaysant, rafraîchissant au possible, même si pour nous, c’est bien la chaleur qui nous manque déjà qu’il ramène, grâce à ces superbes alizées vintage venus d’une île perdue, d’un autre temps, des sunlights. Dans cette brise, la voix séduisante d’Ayélé nous convainc tout à fait: un peu de poivre dans l’organisme, ça aide à passer les frimas. 

Pepper Island, «Motor love», chez Atmosphériques.