Décès à Nice de Madame Claude, célèbre tenancière d'un réseau de prostitution de luxe des années 1960

  • Fernande Grudet alias Madame Claude, le 5 mai 1986 à Paris, avant un talk-show télévisé.
    Fernande Grudet alias Madame Claude, le 5 mai 1986 à Paris, avant un talk-show télévisé. AFP/Archives - Michel GANGNE
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Centre Presse Aveyron

La célèbre tenancière d'un réseau de prostitution de luxe dans les années 1960-1970 Madame Claude, Fernande Grudet de son vrai nom, est morte samedi à Nice, où elle vivait depuis une quinzaine d'années.

Âgée de 92 ans, Fernande Grudet était hospitalisée depuis environ deux ans en raison de son grand âge, a précisé l'un de ses proches mardi à l'AFP. "Elle était très fatiguée", a-t-il ajouté, en souhaitant garder l'anonymat.

Selon son acte de décès, Fernande Joséphine Grudet, née à Angers en 1923, est décédée samedi après-midi à l'hôpital Cimiez de Nice.

"Elle emporte avec elle secrets d’alcôve et secrets d’État. C'était une légende", a réagi mardi auprès de l'AFP l'ancien patron de la PJ parisienne Claude Cancès.

Cette femme proxénète aux allures de grande bourgeoise a régné pendant une vingtaine d'années sur un réseau de 500 femmes et une poignée de garçons, qui se vendront pour 10.000 ou 15.000 francs la nuit (1.500 à 2.300 euros) en lui laissant une commission de 30%.

Son credo? Rendre "le vice joli" avec des filles qui n'ont pas l'air de prostituées et des clients dans les plus hautes sphères --hommes politiques et chefs d’État français et étrangers, comme le Shah d'Iran ou John F. Kennedy, célébrités du cinéma, hommes d'affaires comme le patron de Fiat Giovanni Agnelli.

En échange des confidences recueillies sur l'oreiller par les filles de Madame Claude, celle-ci s'assure les meilleures protections, celles de la Brigade mondaine et du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece, devenu DGSE).

"Je me souviens, alors que j'étais jeune inspecteur de la brigade mondaine dans les années soixante, à mes débuts, qu'elle nous renseignait", raconte Claude Cancès, auteur en 2014 d'un livre sur "La brigade mondaine".

"Nous avions mission de recueillir ses confidences, afin notamment de rédiger des +notes blanches+, pour informer par exemple sur les turpitudes des uns et des autres, célébrités ou hommes politiques. Et pour nos enquêtes sur les julots (proxénètes)", indique l'ancien patron de la PJ.

- Incarnation d'une autre époque -

C'était "une autre époque!", celle des "condés" (protection officieuse, dans le jargon policier, accordée à une prostituée ou un indicateur), résume-t-il. "Jusqu'à ce que cela cesse, car elle parlait trop. Je suis persuadé qu'elle a travaillé aussi pour les services secrets!", note Claude Cancès.

L'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing au pouvoir et le renforcement de la lutte contre le proxénétisme au milieu des années 1970 sonnent la fin de ses protections au plus haut niveau. Madame Claude, malgré une fuite aux États-Unis, sera condamnée et incarcérée plusieurs fois, jusque dans les années 1990, après avoir monté un nouveau réseau.

"Aujourd'hui, il n'y a plus de figures comme Madame Claude, mais des filles comme Zahia, qui incarnent la prostitution de luxe. Maintenant, les clients dont on parle ne sont plus des politiciens mais des joueurs de foot", a observé mardi la présidente du syndicat du travail sexuel (Strass), Morgane Merteuil.

Mme Claude était "l'incarnation d'une époque qui a changé", a poursuivi la présidente du Strass, malgré la survivance de certaines "affaires".

"Il n'y a plus forcément de réseaux attachés au pouvoir. Les hommes politiques peuvent avoir recours aux travailleuses du sexe, comme d'autres, à la différence qu'on les leur amène" physiquement, a-t-elle remarqué.

"C'était une patronne de bordel, qu'elle ait été gentille ou méchante, elle était représentative d'une certaine manière d'exploiter les travailleuses du sexe", a également commenté Morgane Merteuil. "Mais à cette époque, il y avait aussi des prolétaires qui travaillaient dans les rues", "tout près" des prostituées de la haute, employées par Mme Claude, a-t-elle souligné.

Son décès est survenu à quelques semaines du nouveau passage, prévu le 27 janvier, devant l'Assemblée d'une proposition de loi socialiste renforçant la lutte contre la prostitution.

Source : AFP

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