Brexit: complot anti-Cameron autour d'une épaule d'agneau rôtie

  • Le Premier ministre britannique David Cameron (d) et le maire de Londres Boris Johnson le 7 juillet 2015, quittant la cathédrale Saint Paul à Londres
    Le Premier ministre britannique David Cameron (d) et le maire de Londres Boris Johnson le 7 juillet 2015, quittant la cathédrale Saint Paul à Londres AFP/Archives - JACK TAYLOR
  • Le ministre de la Justice britannique  Michael Gove, le 2 mars 2016 à Londres
    Le ministre de la Justice britannique Michael Gove, le 2 mars 2016 à Londres AFP/Archives - BEN STANSALL
  • Le maire de Londres Boris Johnson, le 22 février 2016 à Londres
    Le maire de Londres Boris Johnson, le 22 février 2016 à Londres AFP/Archives - CHRIS RATCLIFFE
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Centre Presse Aveyron

Le complot s'est tramé lors d'un dîner secret, autour d'une épaule d'agneau rôtie. Deux ténors eurosceptiques du Parti conservateur britannique décident de faire dérailler le plan du Premier ministre David Cameron pour rester dans l'UE.

La scène se passe dans le nord de Londres, chez Boris Johnson, le remuant et très populaire maire de la capitale britannique, à qui l'on prête l'ambition de succéder à M. Cameron.

L'édile reçoit ce soir là l'influent ministre de la Justice Michael Gove, ami personnel de David Cameron. Les deux parlementaires sont assis côte à côte, sur un canapé dans le "salon élégamment bordélique" de Johnson, et la soirée a "un côté surréaliste", décrira l'épouse de M. Gove, l'éditorialiste au Daily Mail Sarah Vine.

Cette rencontre a lieu seulement quelques jours avant un déplacement crucial de David Cameron à Bruxelles, où le Premier ministre a arraché un accord censé contribuer à convaincre les Britanniques de voter pour le maintien de leur pays dans l'UE lors du référendum prévu le 23 juin.

Profondément divisé sur la question, le Parti conservateur est à couteaux tirés, entre partisans du "Brexit" (sortie de l'UE) et ceux qui veulent rester dans le giron européen.

"C'est une partie très risquée aux enjeux élevés, et il n'y aura pas de retour en arrière possible, que ce soit pour le Premier ministre ou pour ses adversaires", souligne l'éditorialiste Allister Heath dans le Telegraph.

Le journal résume la situation avec une caricature montrant une partie de rugby musclée entre des conservateurs qui se disputent un ballon aux couleurs de l'UE, et un David Cameron implorant: "Je croyais qu'on avait dit que les tacles étaient interdits!".

Petite revue des rangs. Si le Premier ministre peut compter sur le soutien d'une majorité des membres de son cabinet, il doit faire face à l'opposition de six ministres eurosceptiques, dont M. Gove.

A cela il faut ajouter un bon tiers des parlementaires conservateurs, le maire de Londres, et plusieurs piliers du parti, dont Michael Howard, qui fut le mentor politique de David Cameron.

- Guerre fratricide -

Et comme c'était finalement assez prévisible, le débat n'a guère tardé à virer à la foire d'empoigne, avec invectives et noms d'oiseaux.

Le ministre des Affaires étrangères Philip Hammond aurait ainsi qualifié le parlementaire eurosceptique Bill Cash de "tocard", et Boris Johnson a taxé de "foutaises" l'argumentaire de Cameron pour rester dans l'UE.

Pas vraiment du genre à laisser faire, David Cameron s'est lui gaussé des ambitions du maire de Londres, assurant n'avoir de son côté "pas d'autre projet que de servir au mieux" les intérêts du Royaume-Uni.

Boris Johnson a répondu dans le Sun, le journal le plus populaire dans le pays, en décrivant un David Cameron "accroché aux basques de Bruxelles".

Pourtant, "les deux camps n'en sont qu'à faire leurs gammes pour le moment. Ils n'ont pas encore vraiment ouvert les hostilités", déclare à l'AFP, James Forsyth, journaliste politique au Spectator.

"M. Cameron a toujours été indulgent avec Boris, parce qu'il ne l'a jamais vraiment considéré comme un rival. Mais Boris a fini par devenir sa plus grande menace pour sa place au numéro 10", Downing street, la résidence du Premier ministre, ajoute-t-il.

Aussi acrimonieuse soit-elle, cette guerre fratricide reste, pour l'instant, loin d'être aussi "brutale" que celle qui opposa les conservateurs sur la question du traité de Maastricht, et qui avait contribué in fine à la chute du Premier ministre John Major, largement battu par le travailliste Tony Blair en 1997.

A moins de quatre mois du référendum, David Cameron va devoir choisir entre ménager son camp pour pouvoir le rassembler après la consultation, ou "sortir la grosse artillerie" pour contrer les eurosceptiques, pense James Forsyth.

"Son tempérament le pousserait davantage à aller vers la deuxième option", avance-t-il en notant que Cameron "retient ses coups pour le moment".

Accessoirement, le Premier ministre fait aussi de la rétention d'informations en interdisant aux ministres pro-Brexit l'accès aux documents liés au référendum.

Pour Tim Bale, professeur en sciences politiques à la Queen Mary University de Londres, il y a un risque réel que ces multiples accrochages ne finissent par transformer "une situation compliquée en véritable crise".

David Cameron, ajoute-t-il, évolue dans un contexte pour le moins "inconfortable. Mais il n'est pas du genre à laisser faire".

Source : AFP

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