Mausolées de Tombouctou: un jihadiste malien condamné à neuf ans de prison par la CPI

  • Le jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi à La Haye, le 27 septembre 2016
    Le jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi à La Haye, le 27 septembre 2016 ANP/AFP/Archives - Bas Czerwinski
  • Le mausolée du Cheick Sidi Attawaty le 19 septembre 2016 à Tombouctou, a été détruit par les islamistes menés par le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi en 2012.
    Le mausolée du Cheick Sidi Attawaty le 19 septembre 2016 à Tombouctou, a été détruit par les islamistes menés par le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi en 2012. AFP/Archives - SEBASTIEN RIEUSSEC
  • Les mausolées de Tombouctou
    Les mausolées de Tombouctou AFP - Alain BOMMENEL, Jean-Michel CORNU
  • Une femme passe devant la Madrasa de Sankoré à Tombouctou, le 19 septembre 2016.
    Une femme passe devant la Madrasa de Sankoré à Tombouctou, le 19 septembre 2016. AFP/Archives - SEBASTIEN RIEUSSEC
  • Le jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi dans la Cour pénale internationale à La Haye, le 27 septembre 2016
    Le jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi dans la Cour pénale internationale à La Haye, le 27 septembre 2016 ANP/AFP - Bas Czerwinski
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Centre Presse Aveyron

Un jihadiste malien a été condamné mardi lors d'un verdict historique à neuf ans de prison par la CPI pour avoir démoli des mausolées protégés à Tombouctou, un jugement considéré comme un avertissement pour ceux qui détruisent le patrimoine de l'humanité.

Des dunes du Sahara à celles de la mer du Nord, au pied desquelles se dresse la CPI, le Touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été reconnu coupable d'avoir "dirigé intentionnellement des attaques" contre neuf des mausolées de Tombouctou (nord du Mali) et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.

"M. Mahdi, le crime pour lequel vous avez été reconnu coupable est très grave", a affirmé le juge Raul Pangalangan : "la chambre vous condamne à neuf années de détention".

Après avoir plaidé coupable à l'ouverture de son procès à la Cour pénale internationale (CPI), cet homme aux petites lunettes avait demandé pardon à son peuple, assurant être "plein de remords et de regrets".

Disant avoir été à l'époque sous l'empire de groupes jihadistes, il avait appelé les musulmans du monde entier à résister "à ce genre d'actions".

Mardi, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, en costume gris, chemise blanche et cravate rayée, a écouté la lecture du jugement l'air concentré, hochant de temps en temps la tête. En se rasseyant après la lecture du verdict, il a mis une main sur son coeur.

- Un "exemple" -

Les juges ont affirmé que l'accusé, né vers 1975, était un membre d'Ansar Dine, l'un des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d'être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.

En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il avait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées, détruits à coups de pioche, de houe et de burin.

Ces mausolées abritent des personnages vénérés considérés comme des protecteurs de la ville et qui sont susceptibles d'être sollicités pour des mariages, pour implorer la pluie ou contre la disette.

Ce sont ces rites, contraires à leur vision rigoriste de l'islam, que les jihadistes ont tenté d'éradiquer, d'abord par la sensibilisation, avant d'en venir à la destruction des mausolées.

A Tombouctou, des habitants se sont félicité de la décision des juges, y voyant "une leçon" et "un exemple". En 2012, l'accusé "était comme Dieu sur Terre", a ainsi témoigné Mohamed Issa Touré, jeune guide touristique à Tombouctou joint par l'AFP. "Aujourd'hui, on lui montre qu'il n'est rien. C'est bien pour l'exemple", a-t-il lancé.

"C'est un crime très, très grave", a réagi de son côté la procureure de la CPI, Fatou Bensouda : "c'est un crime de guerre et (ceux qui commettent ce crime) seront tenus pour responsables".

- Motif d'espoir? -

Ce jugement est "une étape historique dans la reconnaissance de l'importance du patrimoine pour les communautés qui l’ont préservé au fil des siècles et au-delà, pour l’humanité tout entière", a de son côté réagi la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, citée dans un communiqué.

Ce procès a vu une avalanche de primeurs: premier accusé à reconnaître sa culpabilité, Ahmad Al Faqi Al Mahdi est le premier jihadiste à être jugé à La Haye et le premier accusé dans le cadre du conflit malien.

Bamako a exprimé le souhait que le jugement "fasse jurisprudence dans la protection du patrimoine mondial". Il est aussi "un motif d'espoir pour toutes les victimes de l'idéologie barbare" des jihadistes, a ajouté le gouvernement malien dans un communiqué.

Les ONG, qui avaient regretté au début du procès que les charges contre l'accusé n'aient pas été élargies pour inclure les autres crimes reprochés à la Hisbah, dont des crimes de torture ou de viols, ont appelé le Mali à "jouer un rôle plus actif" dans les poursuites. Amnesty international, de son côté, a rappelé "les centaines de civils tués, torturés ou violés" et invité la procureure à continuer ses enquêtes.

Alors que de nombreux sites sont régulièrement détruits en Syrie ou en Irak, ce jugement envoie "un signal fort" contre la destruction de biens culturels, a affirmé dans un communiqué la Minusma, la mission des Nations unies au Mali.

Mais même si la liste des sites en danger ne cesse de s'allonger, d'autres poursuites ne seront pas évidentes. Ni l'Irak, ni la Syrie n'ont signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. Sans décision de l'ONU, aucune enquête n'est possible.

Source : AFP

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