Louis Laugier : « L’Aveyron, un département où il est facile de travailler ensemble »

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    Louis Laugier : « L’Aveyron, un département où il est facile de travailler ensemble »
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Centre Presse / Christophe Cathala

La contestation semble se durcir chez les opposants au projet de super-transformateur électrique, soutenu par RTE à Saint-Victor-et-Melvieu. Ne craignez-vous pas un nouveau Notre-Dame-des-Landes sur ces terres aveyronnaises ?

Je ne suis pas certain que l’on puisse dire que la situation se durcit. Il existe une minorité radicale dans son expression, mais il est difficile pour autant d’en tirer des conclusions. Tous ces projets génèrent systématiquement des réactions, où que l’on soit. L’opposition réagit de manière plus ou moins apaisée, et nous avançons étape par étape, sans s’imposer une règle générale. C’est aussi le cas avec les éoliennes. Plus d’une centaine de mâts sont implantés en Aveyron, cent autres sont en instruction, les procédures suivent leur cours. Et les choses évoluent toujours. Ainsi à St-Victor, RTE a fait évoluer son projet à deux reprises dans le sens de l’apaisement... Il faut bien préciser que c’est un projet d’intérêt général soumis à une enquête publique, dont on ne connaît pas encore le résultat, sous l’autorité du tribunal administratif. Les commissaires enquêteurs sont indépendants...

Justement, cette enquête a été perturbée par les opposants : cela peut-il remettre en cause son résultat ?

Nous avons pris des mesures d’éloignement des bureaux où le public pouvait rencontrer le commissaire enquêteur, ceci pour recréer un climat apaisé. Et cet éloignement n’a pas empêché les personnes de venir. Mieux encore, à St-Victor, le registre a recueilli plus de cent expressions citoyennes. Et ailleurs ces registres se sont aussi remplis. Alors, c’est sûr, on a passé une étape compliquée, l’enquête ne s’est pas déroulée de façon habituelle mais n’a pas été perturbée pour autant. Le plus important, c’est l’étape démocratique : moi, j’invite au dialogue et à l’échange. Et notamment avec les élus dont l’opinion a été écoutée, y compris par RTE, et continuera à l’être.

Cette volonté de dialogue, vous l’avez privilégiée avec les dossiers économiques tendus comme Bosch, Sam et Snam, où même les partenaires sociaux ont souligné votre implication. Comment avez-vous créé ce dialogue ?

Mais les partenaires sociaux comme les élus ont fait un très grand travail. Le rôle du préfet est de mettre en relation les bonnes personnes et d’avoir sur le terrain une vision exacte du ressenti des salariés. Il m’appartient d’être à l’écoute et de transmettre les bons messages.

Pour Sam Technologies, ma satisfaction est grande de voir le dossier abordé de cette façon, et au bénéfice du Bassin de Decazeville, qui plus est. C’est un territoire qui a été sinistré mais qui recèle encore un énorme potentiel générant de grandes perspectives, en matière de formations et de partenariats multiples, par exemple. C’est une zone d’emploi conséquente avec une grande culture industrielle. C’est pour cela que nous pouvons conserver un regard optimiste sur le Bassin.

Pour Bosch, l’usine d’Onet est confrontée à un contexte international autour de l’avenir du diesel. Il faut attendre les annonces de la direction, beaucoup d’échanges sont en cours, beaucoup de possibilités voient le jour, même si ce n’est pas simple. On y travaille...

Pas simple non plus, le problème du loup. Comment peut agir un préfet surtout si le plan gouvernemental ne satisfait personne ? Que dire aux pro comme aux anti loup ?

L’approche entre la défense du pastoralisme et celle de la biodiversité est difficile à concilier. Personne ne nie la présence du loup désormais. Mais quelle est son ampleur sur le terrain ? Le ratio de pertes -200 brebis tuées pour un million de bêtes- n’est pas celui des Hautes-Alpes. Mais pour un éleveur, le rapport à sa bête va bien au-delà de l’attachement matériel. Cet attachement est très affectif. Cela crée des tensions parfois très vives. Mais je travaille sur la question tous les mois avec les syndicats agricoles, et je loue la correction et la courtoisie du débat. Le rôle du préfet est d’appuyer certaines mesures autour de l’accompagnement de proximité. On a une démarche pro-active de l’application du plan dans les difficultés rencontrées par les éleveurs. Le plan loup n’est pas achevé, faut-il le préciser, attendons d’en voir la suite...

Vous évoquez souvent la qualité des relations que vous entretenez avec vos interlocuteurs. Est-ce à ce point si remarquable ?

On est dans un département où il est facile de travailler ensemble. Il y a ici une vraie capacité de dialogue, et un dialogue de qualité, quels que soient les interlocuteurs. En Aveyron, les partenariats se renforcent au lieu de se diluer, et l’on a des interlocuteurs exigeants parce qu’ils le sont avec eux-mêmes, parce qu’ils s’investissent beaucoup. Le rôle des services de l’état est de mettre à leur disposition, celle des élus en particulier, leurs expertises. Notre rôle est d’accompagner le développement du territoire et pas seulement de contrôler.

À propos de contrôles, la sécurité est au cœur de vos préoccupations. L’Aveyron est-il toujours aussi sûr par les temps qui courent ?

Totalement. On a une population très civique. Voilà encore une qualité, comme l’est le travail des forces de l’ordre. En matière de contrôles, on peut parler des routes. Ils y sont nécessaires et participent de la politique de sécurité au sens large. Même si la situation s’améliore un peu -moins d’accidents, de blessés et de tués qu’en 2016 - elle reste fragile. Et l’on continue à développer les radars autonomes : il y a en aura un entre La Primaube et Millau mais aussi entre Rodez et Laguiole... Ils contribuent à faire baisser la vitesse.

Le terrorisme a-t-il rebattu les cartes dans l’organisation de la sécurité ?

C’est un dossier qui aura marqué mon passage. C’est quelque chose de nouveau qui nous a obligés à revoir nos méthodes de fonctionnement. Le plus dur a été de convaincre du bien-fondé de nos actions dans un département où les gens considèrent à tort être préservés. Là encore, les élus, les travailleurs sociaux, les milieux scolaires, les professions exposées ont joué le jeu. Cela a demandé beaucoup d’échanges et de travail durant deux ans.

Et la radicalisation, existe-t-elle en Aveyron ?

Nous sommes extrêmement vigilants sur la question. Nous suivons de près 70 personnes dont 30 « fichés S »...

Qu’est ce qui vous a le plus marqué en 26 mois ?

L’assassinat d’une jeune technicienne agricole à Mayran. On a reçu sa famille... C’est un événement très douloureux à vivre. Après, chaque rencontre, chaque visite chez un entrepreneur, un agriculteur, amène des moments forts. Les choses les plus simples peuvent nous marquer. Sinon bien sûr le passage du Tour de France, ou le dossier de la Légion, qui se déroule bien et qui est très important pour l’Aveyron...

Premier dossier sur la pile que vous laissez à votre remplaçante ?

Le loup, les contacts avec l’encadrement de Bosch, la poursuite du dossier de la RN 88, la situation des mineurs non accompagnés...

Plein de dossiers, donc. Et des regrets aussi ?

Non... On accepte le fait de ne pas mener tous les dossiers à leur terme. Le préfet n’est qu’un maillon. Il lui faut s’assurer qu’il n’y a pas de rupture dans la chaîne. Les choses doivent rester inscrites dans la continuité.

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