Désert médical : l’appel du professeur aveyronnais Michel Laroche

Abonnés
  • Le professeur Michel Laroche. Le professeur Michel Laroche.
    Le professeur Michel Laroche. Repro CPA
  • Le livre « Recherche médecin désespérément » est sortien mars dernier. Le livre « Recherche médecin désespérément » est sortien mars dernier.
    Le livre « Recherche médecin désespérément » est sortien mars dernier. Repro CPA
Publié le
Philippe Routhe

Le rhumatologue aveyronnais, professeur au CHU de Toulouse, a récemment publié un livre dans lequel il dresse un constat implacable sur la santé de la médecine en France. Et propose ses solutions. De quoi faire réfléchir…
 

Il y a quelques mois de cela, le professeur Michel Laroche, professeur de rhumatologie au CHU de Toulouse et originaire de l’Aveyron, a publié un ouvrage intitulé : " Recherche médecin désespérément". Un ouvrage qui trouve tout son écho après la tribune publiée dimanche dernier par le JDD par des élus dénonçant l’avancée des déserts médicaux en France. C’est un des combats de ce médecin spécialisé dans les maladies osseuses.

Dans son livre, Michel Laroche se veut volontairement pragmatique, tirant ses solutions d’expériences personnelles vécues tout au long de sa vie de praticien. Dressant des constats sans concession, il propose quelques remèdes de cheval. Interdire les installations dans les départements ou agglomération suffisamment pourvus ; gommer les inégalités de revenus entre généralistes et spécialistes ; remettre le médecin généraliste au cœur du système ; sélectionner des étudiants qui ont envie de soigner tout le monde, raccourcir la durée des études, etc. Autant de propositions étayées.

Michel Laroche livre également son approche en matière de coût de la santé. Décrivant des situations frôlant l’absurdité, défendant le dossier médical partagé, dénonçant "le marketing inutile" des laboratoires pharmaceutiques, tout en reconnaissant avoir "profité de ce système" durant trente ans, il pointe ces dérives où l’on a parfois préféré "les résultats d’une étude falsifiée à l’expérience d’un médecin objectif… ". La fin de vie, les rivalités et solidarités déplacées entre médecins ainsi que la dépénalisation du cannabis qu’il appelle de ses vœux sont quelques-uns des autres sujets qu’il explore dans ce livre. " Bien évidemment c’est pour interpeller la profession, les décideurs politiques et autres que j’ai écrit ce livre. Parce qu’on va dans le mur…", explique-t-il.

Dans ce récit, le médecin qu’il est, avec ses joies et ses déceptions, croise le citoyen et le recours qu’il a eu au système de santé, tel un quidam, en soutenant son épouse ou ses parents face à la maladie. Et des deux côtés de la barrière, la situation qu’il décrit ne laisse rien présager de bon.

Dans ce livre, le professeur Laroche s’est surtout efforcé à déterminer un bon diagnostic. Le premier étant qu’il y a urgence.

" Les mesures prises ne suffisent pas"

Une tribune vient d’être publiée sur le JDD dénonçant l’inaction de l’État face à l’avancée des déserts médicaux. Cela vous inspire quoi ?

C’est bien, mais c’est une de plus. Tout le monde ne cesse de s’alarmer sur ce sujet. Et ce que propose madame Buzyn, au ministère de la Santé, ne suffit pas. Il y a urgence. Plus 20 % de médecins à former, cela ne suffit pas.

Vous prônez également une autre approche…Modifier les critères de sélection est une très bonne chose. Il n’y a pas que les filles qui ont seize en maths qui peuvent accéder à la profession. L’empathie, la mémoire, l’envie de travailler sont aussi des critères. Ceci dit, plus j’y réfléchis, moins je vois comment éviter les mesures de coercitions. Mais c’est compliqué car tous les gouvernements craignent la grogne des internes. Obliger quelqu’un à exercer là où il n’a pas envie cela ne passera pas non plus. Il faut en tout cas raccourcir les durées d’études. Aujourd’hui, on enseigne comme si internet n’existait pas. Il est normal qu’un interne qui a passé dix ou onze ans à étudier décide de poser sa plaque là où il a envie. Or, ce raccourcissement d’études n’est pas vraiment compliqué et ferait gagner de l’argent à beaucoup de monde.

Dans ce livre, vous prônez différentes mesures concrètes. Avez-vous eu des retours ?Je l’ai écrit pour interpeller, pas pour gagner ma vie. Je l’ai bien évidemment envoyé au Président de la République et à son épouse. Son cabinet m’a répondu que je devais être sûr qu’il se préoccupait de la médecine en France. Bref, ils ne l’ont pas lu… Le maire d’Onet-le-Château, commune dans laquelle une école porte le nom de mon père, m’a gentiment proposé une réunion débat en septembre. Tout comme le maire d’Escalquens, où j’habite aujourd’hui. Mais pas plus…

Vous avez mûri votre réflexion.
Je ne suis pas assez compétent en politique pour me lancer là-dedans. Mais en médecine, il me semble que j’ai quelques solutions à proposer. Ce livre devait sortir il y a trois ans, avant les élections présidentielles, mais l’éditeur a fait faillite.

L’Aveyron semble se distinguer dans son approche de recrutement des internes. Vous en pensez quoi ?
C’est bien, très bien même. Moi-même j’ai embarqué des internes sur l’Aubrac pour les sensibiliser au bien vivre. Mais c’est dur dans leur condition, quand ils ont leur compagne installée à Toulouse, de leur faire comprendre que dans quelques années, ils seront sans doute mieux en Aveyron qu’au cœur de Toulouse.

Vous plaidez aussi pour le médecin généraliste.
Il faut le remettre au centre de la médecine. C’est évident. Mais il faut également qu’il travaille la nuit. Il ne peut pas dire à 18 heures le vendredi c’est terminé. C’est une vocation d’être médecin généraliste.

Vous êtes pessimiste quant à l’avenir ?
Assez oui. Ça explose de tous les côtés. On nous dit que ça ira mieux dans dix ans, mais c’est maintenant. Dans les hôpitaux de périphérie, c’est la catastrophe. Il y a des infrastructures de dernier cri, mais aucun spécialiste dedans. Mais l’on ne peut pas se former dans ces hôpitaux. Je prends l’exemple d’un interne en cardiologie. Il n’y a aucun stage d’accueil à l’hôpital de Rodez parce qu’ils sont tous en libéral. Comment fait-on ?

Justement…
Je suis convaincu par la réalité de mon constat. Ensuite, bien évidemment, je n’ai pas toutes les solutions. Je pense que quelques-unes sont bonnes mais on peut débattre. Malheureusement, on attend une véritable catastrophe pour procéder à des changements en profondeur. Quoi qu’il en soit, je maintiens que les mesures préconisées aujourd’hui ne sont pas suffisantes.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?