Didier Estival : "Ce qui m’intéresse, c’est aussi des susciter des réactions"

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    Didier Estival dans l’atelier où il passe le plus clair de son temps. Centre Presse - AD
Publié le , mis à jour
Aurélien Delbouis

Artiste protéiforme passé par la peinture ou la sculpture, Didier Estival se consacre pour l’heure exclusivement au dessin. Sous ses plumes Sergent-major, l’encre de chine donne vie à un bestiaire fantasmé. Dans une autre série, la voilà qui réveille des portraits de famille par trop proprets… Rencontre avec un peintre singulier.

Il le dit sans pudeur, ni fausse modestie, l’art à toujours fait partie de lui. "Comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Déjà à l’école, quand les autres étudiaient, moi je dessinais."

Homme de théâtre, passé par la sculpture et la peinture, Didier Estival est un des artistes aveyronnais qui comptent. Autodidacte venu s’installer à Rodez après "plusieurs vies", le quinquagénaire avec son œuvre protéiforme, s’affirme comme la figure de proue de cet art singulier dans lequel il consent parfois à se laisser enfermer. "J’ai fait des allers retours entre le dessin, la peinture, la sculpture, et les installations. Mais j’ai aujourd’hui mis la peinture en suspend pour me consacrer exclusivement au dessin. J’avais envie de revenir au noir et blanc, aux traits. Retrouver un côté peut-être plus archaïque."

"Il y a des choses à dire pourquoi s’en cacher."

Dans son atelier ruthénois, Didier Estival s’amuse avec les formes, les traits, les hachures. Il s’amuse aussi des réactions des autres devant certaines de ces pièces qui sous une apparente normalité suggèrent certains des pires penchants de l’Homme. "Susciter des réactions est toujours plus intéressant. Il y a des choses à dire pourquoi s’en cacher."

Dans sa série "Portraits de famille", l’immobilisme apparent des clichés laisse entrevoir une réalité bien différente, souvent dérangeante. "Je m’amuse avec des secrets de famille, parfois bien enfouis, avec les rumeurs, les on-dit. Ces anecdotes se transforment en histoires inédites et parfois peu recommandables comme un pied de nez aux années qui passent."

Entre collage surréaliste et lecture du passé

L’intervention de l’artiste relève à la fois du collage surréaliste et d’une lecture finalement réaliste du passé. Il y est question de choses qui n’apparaissent pas mais que tout le monde sait : la guerre, les conflits sociaux, les pulsions de mort et de sexe, la pédophilie, l’inceste… Rien de très neuf. "En ajoutant du grotesque et de l’humour, je trouve que j’apporte finalement un côté apaisant aux secrets de famille."

Pour ses "associations libres" du nom d’une autre de ses séries, l’artiste renoue avec l’improvisation. Sous sa plume Sergent-Major, son trait chemine, se plie, se perd pour mieux retrouver avec une énergie qui lui est propre, une indépendance d’action. "On n’est pas loin de l’idée d’association libre en psychanalyse et de cette idée de laisser libre cours à ses pensées." Les corps se chevauchent, humains ou animaux, les échelles se brisent, un bras se transforme en serpents, une tête d’oiseau jaillit d’un corps d’homme… Une iconographie du Jugement dernier où la frontière entre Enfer et Paradis finalement s’efface.

"Une forme de catharsis"

Dans son atelier, l’œuvre de Didier Estival prend forme. Elle guide aussi l’artiste dans les méandres de sa psyché, l’aidant parfois à passer les épreuves quand ce grand mélancolique, hypersensible assumé perd un peu le fil. "Il y a évidemment une forme de catharsis dans ce que je fais. Et même si aujourd’hui, j’avoue être un peu plus tranquille dans ma pratique artistique, certaines peintures m’ont bien aidé à passer des épreuves, des moments plutôt chaotiques… Ceux ne sont pas les meilleures."

Lui qui avec sa plume et son encre retrouve un peu des gestes de son enfance n’en a pas fini de faire mûrir son œuvre. Une œuvre qui, il espère, lui survivra. "La peinture, le dessin, font partie de moi. C’est quelque chose de sérieux qui m’implique et dans lequel je m’implique pleinement. J’ai besoin de ça. Je vis à travers ça en attendant la mort. Il y a là, quelque chose de l’ordre de l’immortalité, de l’ego. Je ne serai bientôt plus là mais mes œuvres vont me survivre. C’est important pour moi de laisser cet héritage."

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