Éviction, responsabilisation, insertion : accompagner les auteurs de violences conjugales

  • À Lille, le Service de contrôle judiciaire et d'enquête (SCJE) mise sur l'éviction et la responsabilisation pour prévenir la récidive des violences conjugales.
    À Lille, le Service de contrôle judiciaire et d'enquête (SCJE) mise sur l'éviction et la responsabilisation pour prévenir la récidive des violences conjugales. lolostock / IStock.com
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Relaxnews

(AFP) - "Si le conjoint n'est pas suivi, il restera violent" : à Lille, le Service de contrôle judiciaire et d'enquête (SCJE) mise sur l'éviction et la responsabilisation pour prévenir la récidive des violences conjugales.

Lorsqu'il a dû quitter son domicile après un "différend avec sa belle-famille", Wassim aurait pu "se retrouver à la rue". Mais depuis mars, il est logé, avec deux autres hommes, dans un appartement proche de Lille mis à disposition par le SCJE en attendant son jugement.

"Ca m'a aidé à passer cette période difficile et à chercher un travail", confie à l'AFP cet homme de 44 ans. "Et aussi à me débrouiller davantage dans la vie quotidienne."

Depuis sa création en 2001, le SCJE, association de loi 1901 forte de 147 salariés répartis sur 18 antennes en France, assiste les magistrats dans la lutte contre la délinquance et la récidive. Et accompagne les auteurs de violences conjugales sur une durée moyenne de six mois, en amont du jugement, généralement au cours du contrôle judiciaire.

En cas de signalement, "la première priorité est de protéger la victime et d'éviter que ce ne soit à elle de quitter le domicile conjugal. C'est pourquoi l'éviction est immédiate", explique sa directrice générale, Isabelle Bruère. Mais "si le conjoint n'est pas suivi, il restera violent. L'accompagnement des auteurs est complémentaire de celui des victimes."

Juristes et psychologues

Lorsque l'auteur ne peut être logé par un tiers, il se voit proposer un hébergement temporaire dans l'un des six appartements du SCJE dans la métropole, financés par la préfecture. Il bénéficie alors d'un "accompagnement personnalisé" mené par des équipes pluridisciplinaires - juristes, psychologues, travailleurs sociaux.

Convocations, aide à la recherche d'emploi, points de situation réguliers: les auteurs - exclusivement des hommes - doivent "comprendre pourquoi ils sont là", souligne Mme Bruère. Le rapport dressé à l'issue de cette période est transmis aux magistrats et oriente la décision judiciaire, souvent une sanction "adaptée": stage, sursis probatoire ou suivi médical.

En avril, Ahmed, 27 ans, a rejoint Wassim en attendant son jugement, prévu en septembre. "La psychologue m'a aidé à me calmer", confie ce garagiste. Contrairement à son colocataire, il ne comprend pas encore le sens de sa présence, vue comme une "condamnation" précoce.

"Le plus dur, c'est de ne pas voir ma famille. J'ai une petite fille de trois mois...", souffle-t-il.

Pourtant, si après un séjour en prison "les détenus ressortent souvent désocialisés et risquent de repasser à l'acte", "les risques diminuent fortement si on les aide, s'ils ont un logement, un travail, qu'ils peuvent travailler sur leur responsabilisation", explique Mme Bruère.

"Maîtriser ses gestes"

En complément du travail individuel, le SCJE propose aussi stages et ateliers collectifs où les auteurs sont invités à échanger sur leur parcours et leurs émotions, pour "aider à les responsabiliser".

"Au début, il y a souvent beaucoup de déni. Les ateliers de groupe, avec l'écoute d'une personne dans la même situation qu'eux, aident beaucoup au déclic. Ils réalisent qu'ils ne sont pas seuls", explique Julien Delcourt, responsable du service d'accompagnement social et d'insertion professionnel au SCJE.

"On travaille de plus en plus sur la responsabilisation pour les aider à comprendre le passage à l'acte. Cela passe par la gestion du conflit et des étapes de la violence, les manières de mieux maitriser ses gestes".

Bien que ces violences soient "très difficiles à détecter car elles touchent à la sphère de l'intime", une étude menée à l'été 2020 a permis de suivre le parcours de 1.700 auteurs de violences conjugales depuis 2015, rappelle à l'AFP la procureure de la République de Lille, Carole Etienne.

"On s'est aperçus que plus la prise en charge est pluridisciplinaire, plus elle est satisfaisante." Aujourd'hui, le système est "efficace" car "le taux de récidive est de seulement 2%". "Il faut à tout prix le ramener à zéro", espère-t-elle.

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