Christine Angot, narratrice apaisée, femme toujours en colère

  • L'écriture de Christine Angot s'est apaisée, et son dernier livre, "Le Voyage dans l'Est", est l'un des plus posés qu'elle ait écrits.
    L'écriture de Christine Angot s'est apaisée, et son dernier livre, "Le Voyage dans l'Est", est l'un des plus posés qu'elle ait écrits. FRANCOIS GUILLOT / AFP
Publié le
Relaxnews

(AFP) - L'écriture de Christine Angot s'est apaisée, et son dernier livre, "Le Voyage dans l'Est", est l'un des plus posés qu'elle ait écrits.

Mais la romancière, à 62 ans, est toujours en colère contre le traitement réservé aux victimes d'inceste.

Ce récit clair et structuré, aux éditions Flammarion, revient sur les épisodes de viols subis par l'autrice de la part de son père. Ils avaient déjà donné lieu à deux livres très durs, "L'Inceste" (1999) et "Une semaine de vacances" (2012).

Christine Angot y tient: à chaque roman, la narratrice n'est pas tout à fait elle-même, et jamais la même.

Cette fois-ci, "dans la narration, c'est posé de manière relativement calme, et sans les accès de colère que pouvait avoir la narratrice de +L'Inceste+ par exemple. C'était une jeune femme adulte dans un état différent, et avec une écriture plus expressionniste peut-être. Là c'est totalement autre chose: à cet instant il se passe ça, à cet autre instant, ça, et ça, et ça", explique-t-elle à l'AFP.

Ce "calme" face à l'horreur des faits surprend au départ, après une oeuvre réputée difficile d'accès. Mais le lecteur y gagne de précieux repères pour la compréhension d'un écrivain qui a suscité haines et admirations peut-être excessives.

- Terrible portrait du père -

Avant de trouver cette forme chronologique, assez classique, Christine Angot raconte avoir longtemps tâtonné. Jusqu'à tenir un début, une phrase qui l'emmène à la première rencontre, à 14 ans, avec un père qui avait déserté avant même sa naissance.

Le reste en découle, dessinant le portrait terrible, mais juste, d'un homme qui refuse "une relation père-fille normale".

Restituer cette vérité dans la littérature est ce qui anime Christine Angot aujourd'hui.

"Pour écrire un livre il faut vivre dedans. Il y a une satisfaction à y parvenir, jour après jour: pour moi vivre dans un livre est la plus grande des joies. Et quand je n'arrive pas à entrer dans un livre, la vie m'intéresse beaucoup moins", sourit l'autrice.

Même si "ce livre était dur à écrire, tout le temps", pour elle "il y a une joie d'être en train de créer, d'aborder une scène, d'y aller au plus clair possible".

- "Ne pas m'en remettre" -

Mais aussi une rage qui ne s'éteint pas. "Je me suis dit: il y a quelque chose qui n'est pas vu, qui n'est pas compris, que les gens sur cette question de l'inceste n'intègrent pas (...) Le rapport sexuel n'est dans l'inceste qu'un instrument de l'humiliation de l'enfant, puisqu'on lui dénie par la caresse sa filiation, et donc son intégration dans la société", avance la romancière.

Elle évoque une autre victime d'inceste, Valérie Bacot, condamnée pour avoir tué un beau-père qui l'avait violée, épousée, battue, prostituée. Christine Angot aurait préféré, plutôt qu'une peine de prison symbolique, un acquittement. "Elle a été victime depuis ses 12 ans du crime d'inceste", et le procès a lieu "quatre mois après l'affaire Duhamel, le livre de Camille Kouchner, #MetooInceste, la libération de la parole, les grandes déclarations" déplore-t-elle.

"Ce qui me rend malade, dans le traitement réservé à certains de ceux qui ont parlé ou écrit certaines choses, c'est ce qu'il signifie. Ça, ça me rend dingue. Durablement. Je ne peux pas m'en remettre, jamais", accuse l'autrice.

Face à l'inceste, "il y a, si on veut être généreux, une forme de complaisance, d'aveuglement (...) Et je ne dois pas m'en remettre, il ne faut pas. Parce que le jour où je me dis, bon, voilà, tant pis, c'est comme ça... je serai moi aussi passée dans la collaboration".

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?