L’aide à domicile en Aveyron, un secteur en pleine évolution

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  • Le nombre de particuliers concernés par l’aide à domicile ne cesse de grandir.
    Le nombre de particuliers concernés par l’aide à domicile ne cesse de grandir. Photos José A. Torres
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RICHAUD Guilhem

Alors que la population aveyronnaise ne cesse de vieillir, et a, pour sa grande majorité, la volonté de rester chez elle plutôt que d’être pris en charge dans des établissements spécialisés, le secteur de l’aide à domicile en Aveyron a de plus en plus de mal à répondre à la demande. Pour faire face, il est en pleine période d’adaptation.

Les chiffres montrent l’importance du phénomène. À l’heure actuelle, les hommes et femmes âgés de 75 ans et plus représentent 13,8 % de la population aveyronnaise, soit 38 674 personnes. Le département dispose de 5 342 places institutionnelles et 74 % des personnes âgées dépendantes sont actuellement prises en charge à domicile ; elles seront 82 % en 2040.

Et comme 27 % de la population est actuellement âgée de plus de 65 ans, le nombre de personnes qui auront besoin d’aide, dans les dix prochaines années, ne va cesser de grimper. Problème, aujourd’hui, le système d’aide à domicile en Aveyron, qui repose principalement sur des associations à but non lucratif, arrive à saturation. Il ne peut plus faire face à la demande, résultat, notamment, des politiques publiques menées depuis de nombreuses années déjà dans le département, de favoriser le maintien à domicile.

Des centaines de postes vacants

Aujourd’hui, il manque plusieurs centaines de personnes dans ce secteur. Dans les maisons de retraite, ce n’est pas mieux. Le besoin, sur les seuls Ehpad aveyronnais, serait de l’ordre de 1 000 postes. Des chiffres monumentaux qui posent question dans une période où le chômage est très bas en Aveyron. Alors pour les structures d’aide à domicile, plus question de se faire la guerre. S’il y a une dizaine d’années, AMDR et Udsma, les deux principales structures associatives, assumaient une concurrence, notamment sur les zones urbaines, aujourd’hui, ce n’est plus du tout d’actualité. "Aucune structure n’est en mesure de répondre à la demande, confirme Laure Pradeilles, directrice de la fédération ADMR de l’Aveyron, qui regroupe les 44 associations locales. Nous avons fait plus d’un million d’heures de prestations en 2020 et ce chiffre a continué à augmenter en 2021. Pour faire face, nous avons dû réduire nos actions dans certains domaines pour se concentrer sur nos interventions auprès des publics les plus fragiles."

Car en théorie, l’aide à domicile ne s’adresse pas uniquement aux personnes âgées ou handicapées. Les associations proposent également du service, comme de l’aide aux devoirs, du bricolage, du jardinage… Des activités qui pourraient être plus lucratives, mais qui ne sont plus une priorité.

Fusion UMM-Udsma

Derrière l’ADMR, leader dans le domaine en Aveyron, avec son réseau très implanté sur l’ensemble du département, son million d’heures effectuées chaque année et ses 1 300 salariés, l’Udsma et l’Union des mutuelles millavoises (UMM) ont décidé, en décembre de fusionner leurs branches services à domicile pour créer Eop la, qui devient ainsi le premier acteur dans les grandes villes du département (voir la carte page 5). "Comme toutes les autres structures d’aide à domicile, nous n’avons pas les moyens de répondre à la demande et nous espérons que cette fusion permettra de donner à nos salariés des avantages supplémentaires qui pourront être des arguments pour recruter, détaille Bernard Niel, le président de cette nouvelle structure mutualiste, qui revendique 290 salariés et plus de 200 000 heures de prises en charge par an. Désormais, avec le vote de l’avenant 43, on peut avoir, dans ces métiers un véritable déroulement de carrière, des promotions, des formations… Et cette nouvelle structure, plus grande, doit permettre de travailler là-dessus."

Car pour toutes les structures, le problème est le même : elles manquent de main-d’œuvre. Et si l’adoption cette année de la hausse de la rémunération par les parlementaires, est une avancée, elle ne règle pas tout. Notamment les soucis d’attractivité de métiers qui, dans l’imaginaire collectif, restent souvent dévoyés. Alors les structures réfléchissent à des idées pour convaincre. Eop la a décidé d’équiper ses salariés sur le terrain de voitures, qu’ils peuvent utiliser aussi, sous certaines conditions, à titre personnel. L’ADMR y réfléchit aussi, mais cette décision n’est pas forcément facile à prendre quand il s’agit d’équiper plus d’un millier de personnes. Pour le moment, la fédération a décidé de rehausser l’indice de remboursement kilométrique, qui n’avait pas bougé depuis de nombreuses années. Le sujet du transport, dans un département rural comme l’Aveyron n’est pas anecdotique. D’autant plus que les salariés de ces structures, qui sont principalement des femmes, ayant des salaires assez faibles, et qui doivent bien souvent parcourir plusieurs dizaines voire centaines de kilomètre chaque jour.

Des réflexions communes

La filière est également engagée sur la formation, qu’elle soit en interne, pour intégrer les nouveaux arrivants et les accompagner, ou en externe, avec des interventions régulières auprès des lycéens dans les filières du social et du médico-social. "On essaie de leur expliquer qu’il y a certains avantages, avec notamment pas mal d’autonomie, reprend Laure Pradeilles. C’est un métier très différent de ce qu’ils voient quand ils font des stages dans des structures comme les Ehpad." D’ailleurs, certains salariés qui travaillaient dans des maisons de retraite ont, depuis le début de la crise sanitaire, pris la décision de basculer vers l’aide à domicile.

ADMR, Udsma, Assad et Adar planchent également sur la création d’un groupement d’employeurs pour l’insertion et la requalification d’un public éloigné de l’emploi. Cela devrait également se faire avec le Département, qui a parmi ses compétences le financement d’une partie ou de l’entièreté de la prise en charge des aînés et des personnes en situation de handicap. C’est d’ailleurs lui qui, en 2022 et pour les années suivantes, va assumer la moitié de la revalorisation salariale obtenue grâce à l’avenant 43. À l’échelle de l’Aveyron, cela représente une enveloppe de 2,4 M€, qui sera donc prise en charge à 50 % par l’État et le reste (1,2 M€) par le Département. Pour les salariés, cette somme devrait permettre une revalorisation salariale de 12 à 15 % des aides à domicile.

Le Département lance une expérimentation

Dans sa loi de financement de la Sécurité sociale 2022, la majorité présidentielle a décidé d’accorder des fonds pour mener des expérimentations sur la prise en charge et l’accompagnement des aînés. Le Département de l’Aveyron a décidé de postuler pour proposer une expérimentation afin de trouver "de nouveaux modèles territoriaux innovant de prise en charge qui pourraient, en cas de bilan positif, être dupliqué". Concrètement, l’institution et ses partenaires, l’ensemble des acteurs de la prise en charge des aînés, souhaitent créer un "continuum de prise en charge globale", à partir de 60 ans adapté aux besoins des bénéficiaires qui permet de faire le lien entre le domicile, où l’objectif est de s’appuyer davantage sur les outils numériques innovants, la domotique et des aménagements du quotidien qui doivent permettre de favoriser le plus longtemps possible cette situation, l’habitat intermédiaire, où les bénéficiaires conservent une réelle autonomie, et enfin l’Ehpad, qui doit être modernisé et s’ouvrir sur l’extérieur.Face à cet objectif, le Département souhaite reprendre en main la gestion complète des Ehpad (publics), afin notamment de prendre la maîtrise d’ouvrage sur les travaux, parfois lourds, de transformation qui sont souvent nécessaires. L’institution veut aussi être "le chef de file des politiques d’aménagement et d’adaptation de l’habitat au vieillissement et de l’habitat inclusif". L’objectif de cette collaboration est de mettre en place des dispositifs de prévention de la dépendance et de repérage de la fragilité.
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