Effervescence des médias LGBTQ+ malgré la précarité

  • Les médias LGBTQ+, dont l'histoire est marquée par la disparition de publications emblématiques, affichent une nouvelle vitalité sous l'impulsion du numérique.
    Les médias LGBTQ+, dont l'histoire est marquée par la disparition de publications emblématiques, affichent une nouvelle vitalité sous l'impulsion du numérique. AlexLMX / Getty Images
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ETX Daily Up

(AFP) - Si Têtu demeure le titre le plus connu du grand public, les médias LGBTQ+, dont l'histoire est marquée par la disparition de publications emblématiques, affichent une nouvelle vitalité sous l'impulsion du numérique tout en bataillant pour trouver un modèle économique.

Fin mai disparaissait en catimini la publication gay Illico/E-llico.com, après plus de 30 ans d'existence - un record de longévité parmi les médias LGBTQ+ - ses nouveaux propriétaires ayant décidé de développer uniquement les "activités marchandes dédiées à la communauté LGBT".

Cette cessation d'activité vient s'ajouter à une longue liste de publications LGBTQ+ disparues ces dernières décennies, parmi lesquelles Gai-Pied, Lesbia, La dixième Muse ou Yagg.com, et ce malgré un public de fidèles.

Relancé depuis 2018 avec succès, le magazine gay francophone de référence Têtu, lancé en 1995 par Pierre Bergé, homme d'affaires et compagnon d'Yves Saint-Laurent, n'a pas échappé aux soubresauts entre reventes et liquidations judiciaires.

"La presse se porte mal" et "c'est assez difficile de faire vivre des médias LGBT" comme d'autres généralistes, analyse Christophe Martet, directeur de publication du site d'information LGBTQ+ Komitid.

Pour cet ancien de Têtu et cofondateur de l'ancien site Yagg, les titres LGBTQ+ peinent aussi à obtenir les aides à la presse et "la reconnaissance que c'est une presse comme les autres".

Autre difficulté, "c'est souvent bénévole", pointe Antoine Patinet, directeur de la rédaction du magazine Têtu. "Il y a beaucoup d'offre entre internet, fanzines, etc. mais avoir un média LGBT viable commercialement pour payer les salaires, c'est compliqué", relève-t-il.

Outre le fait que "les gens - et pas que de la communauté - sont habitués à de l'information gratuite", les éditeurs de médias "ont eu du mal pendant longtemps à mettre en place des stratégies d'abonnement", estime-t-il.

"C'est dans l'ADN de notre communauté de vouloir que les gens aient accès à l'information surtout quand elles concernent la santé, l'épidémie de VIH ou la prévention", expose le journaliste.

- Enthousiame des jeunes générations -

Au sein de la revue lesbienne "Well, Well, Well", l'ensemble de la rédaction de professionnelles est bénévole, du coup "la parution est complètement irrégulière, quand un numéro est prêt, on le sort", explique sa fondatrice Marie Kirschen.

Chaque numéro est financé avec les gains obtenus de la vente du précédent. Depuis son lancement en 2014, quatre numéros de Well Well Well, à 15 euros l'unité, ont été publiés avec un tirage de 3.000 exemplaires chacun.

Il demeure difficile d'exister pour un média lesbien entre un lectorat restreint et "un moindre pouvoir d'achat" chez les femmes, souligne Marie Kirschen.

Décrocher des annonceurs reste une gageure. "Beaucoup de clichés lesbophobes jouent contre nous" faisant que les femmes lesbiennes "ne sont pas vues comme des cibles potentielles de marques féminines", explique la journaliste.

Malgré tout "le nombre de médias communautaires augmente" comme "la quantité des sujets (LGBTQI+) traités dans les médias généralistes", observe Yasmina Cardoze, coprésidente de l'Association des journalistes lesbiennes, gay, bi-e-s, trans (AJL). Entre sites internet, podcasts, réseaux sociaux, "il y a un réel enthousiasme à faire de la presse LGBTQI+", ajoute-t-elle.

Il existe "une demande des jeunes générations pour en savoir plus sur l'histoire LGBT+, sur les termes, la théorie, les questions militantes", note Marie Kirschen.

Preuve de cet engouement, le succès rencontré l'an dernier par la campagne de financement participatif de XY Media, premier média audiovisuel transféministe, qui a recueilli plus de 90.000 euros pour se lancer, contre 12.000 initialement visés.

Pour ce média militant, financé par dons et subventions, la gratuité est "nécessaire". Une partie du contenu étant destinée aux personnes trans, "qui est une population particulièrement précarisée, il nous faut garder ce contenu le plus accessible possible", défend l'équipe fondatrice.

Dernière levée de fonds réussie dans le milieu médiatique LGBTQ+, celle de Lauriane Nicol, fondatrice du compte "Lesbien raisonnable" sur Twitter et Instagram, avec près de 50.000 euros récoltés pour créer une plateforme d'information et de contenus lesbiens en ligne.

Si la journaliste n'a pas encore arrêté son modèle économique, celle-ci relève que "lorsqu'un projet paraît costaud", prêt à rémunérer ses participants, "les gens sont prêts à mettre de l'argent".

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