Le Millau Jazz festival, ce trentenaire toujours aussi rebelle

On entre dans notre troisième décennie, on a l’obligation de se renouveler et de coller toujours plus à la musique d’aujourd’hui." Philippe Fayret est aux commandes du Millau Jazz festival depuis 31 ans, et pourtant, il n’y a dans sa voix aucune lassitude. Bien au contraire. Pour l’administrateur de l’association qui organise ce rendez-vous, devenu une référence régionale voire nationale, mais aussi pour tous les membres du bureau et les bénévoles très actifs, avec la force de l’expérience, la motivation de continuer à innover et à se renouveler est toujours là. Alors à l’aube d’une édition 2022 qui s’annonce caniculaire, toute l’équipe dirigeante a décidé de revoir un peu la recette de l’évènement. Avec une vingtaine de rendez-vous au programme, on retrouve forcément quelques valeurs sûres, comme la balade en musique du premier jour et les échappées dans les villages du Millavois. Mais pour le reste, c’est une petite page qui se tourne. Fini les rendez-vous au théâtre de Millau et surtout, terminé le grand concert du lundi sur la place Foch, toujours dans la cité du gant. Depuis trois ans, le festival a investi le magnifique cadre des jardins du château de Sambucy. Un véritable havre de paix, en plein centre-ville, qui est désormais le lieu de résidence de toutes les soirées millavoise. Pour autant, hors de question de renoncer au rendez-vous gratuit traditionnellement offert aux Millavois. "Ce sera la soirée du mardi, confirme Philippe Fayret. C’est un rendez-vous important parce que pour certains spectateurs, qui n’ont pas pu venir à nos soirées payantes les années précédentes, ce sera la première fois qu’ils pourront accéder aux jardins." Alors pour l’occasion, le Millau jazz festival a programmé une soirée en fanfare. Au premier sens du terme. Nola French connection, un groupe rennais, se produira sur la scène pour une musique de fanfare aux accents de la Nouvelle-Orléans. "Ce sont des artistes qui ont été formés là-bas par des musiciens locaux, reprend le spécialiste. Ils ont travaillé leur répertoire au cœur du berceau de cette musique." Dans la foulée, c’est The Brooks, un groupe canadien très funk, porté notamment par Alan Prater, un chanteur qui pendant cinq années a accompagné Michael Jackson dans ses tournées qui se produira. Et on devrait retrouver un peu du sens du show qu’avait le roi de la pop.

Métissage, influences multiples et danse

Et ensuite ? Pour les trois autres grandes soirées (jeudi, vendredi et samedi), le mot d’ordre est très clair : "Nous avons voulu donner une esthétique très actuelle, prévient Philippe Fayret. C’est un jazz métissé, électrique, parfois même électronique par moments. Ce sont des musiques très contemporaines, avec différentes composantes."

Cela se traduit par la présence de beaux noms de la scène mondiale du jazz, comme celle de Guillaume Perret, un saxophoniste électrique, qui s’est notamment fait connaître du grand public pour avoir signé, il y a quelques années, la bande originale d’un documentaire sur l’espace avec Thomas Pesquet, lui-même saxophoniste amateur, lequel avait d’ailleurs joué, dans la station spatiale internationale, un des morceaux de l’artiste.

On notera aussi la présence, vendredi, de Mammal Hands, un groupe issu de la très dynamique scène britannique, qui propose un jazz hypnotique, minimaliste et puissant. Dans la foulée, le cubain Roberto Fonseca, déjà venu en 2019, et qui a fait ses preuves dans le Buena Vista Social Club viendra présenter un nouveau projet, "Yesun", qu’il ne jouera que douze fois en Europe cette année. Là encore, il promet un jazz aux influences multiples, allant de la musique classique à l’électro, en passant par le funk, le rap pour le reggaeton. Un grand bazar totalement volontaire et ingérable qu’on devrait aussi retrouver le lendemain, pour une soirée de clôture au cours de laquelle les organisateurs envisagent déjà d’enlever les chaises du public. Le violoniste Théo Ceccaldi vient proposer un projet qu’il a monté avec Kutu, un groupe de deux chanteuses éthiopiennes très énergiques. Une alliance qui résume à elle seule le jazz actuel dont le festival de Millau se veut d’être la tête de pont.