Quésaco : la pop apocalypse, la bande-son de l’éco-anxiété des jeunes générations

  • Billie Eilish a parlé des conséquences dramatiques du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité dans son morceau "All the Good Girls Go to Hell".
    Billie Eilish a parlé des conséquences dramatiques du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité dans son morceau "All the Good Girls Go to Hell". Michael Tran / AFP
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - L’Organisation des Nations unies est catégorique : la crise climatique est en train d’atteindre une portée destructrice inouïe. La gravité de la situation pousse de nombreux musiciens à se saisir de la question environnementale dans leurs textes, donnant ainsi naissance à "la pop apocalypse".


La pop apocalypse n’est pas un style musical consacré, comme l’explique le média américain Vox. Il s’agit plutôt de l’incarnation en chansons de l’éco-anxiété ambiante. Si n’importe qui peut souffrir de ce trouble anxieux d’un genre nouveau, il est particulièrement répandu chez les jeunes générations. Ainsi, 60% des 16-25 ans de dix pays, du Nord comme du Sud, disent en souffrir, selon une étude 2021 parue dans la revue The Lancet Planetary Health.

Les fans de musique ne sont pas épargnés par cette angoisse climatique, quel que soit leur âge. Des chercheurs de l'université de Glasgow ont constaté que 54% des mélomanes britanniques s’accordent à dire que "la lutte contre le dérèglement climatique devrait être une priorité absolue maintenant, avant tout autre chose".

Rien d’étonnant donc à ce que de plus en plus de musiciens se fassent l’écho des revendications environnementales d’une partie de la population mondiale. Billie Eilish en tête. La chanteuse américaine a organisé des conférences sur la crise climatique à Londres, en marge de sa dernière tournée mondiale, baptisée du nom de son deuxième album, "Happier Than Ever". Elle a également parlé des conséquences dramatiques du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité dans son morceau "All the Good Girls Go to Hell", tiré de de son premier opus, "When We All Fall Asleep, Where Do We Go ?".Vivre ses angoisses en musique

D’autres artistes lui ont emboîté le pas. En 2020, le New York Times a analysé les classements musicaux de Billboard des deux dernières décennies, et a recensé au moins 192 références aux multiples conséquences du dérèglement climatique. Childish Gambino fait ainsi allusion au réchauffement de la planète et à la réduction de la biodiversité dans son titre "Feels Like Summer", tandis que le groupe Gojira se penche sur les (trop) nombreuses menaces qui pèsent sur la forêt amazonienne dans le morceau "Amazonia".

À l’heure où les réseaux sociaux servent d’exutoire à toute une génération, des jeunes éco-anxieux mettent en scène leur angoisse climatique sur TikTok. Le tout, sur des chansons "pop apocalyptique" comme "Orange" du groupe Pinegrove. "Je m'inquiète pour notre planète toutes les semaines. Je suis consciente que je ne fais pas assez tous les jours, je suis blessée [...] mais il y a des lueurs d'espoir pour la Terre", explique la musicienne Limbo à ses 222.000 abonnés sur TikTok, dans une vidéo publiée, le 22 avril, à l’occasion de la Journée de la Terre.


Véritable cri de détresse ou démarche faussement sincère qui s’inscrit dans le sillage du "sadfishing" ? La question peut faire débat, mais Sarah Jaquette Ray, professeure d'études environnementales à l'université d'État polytechnique de Californie et autrice de "A Field Guide to Climate Anxiety", y voit surtout un besoin d’entraide. "L'antidote à nos sentiments angoissés est le même antidote qu'à la crise climatique : la communauté", a-t-elle déclaré à Vox.

Sortir de sa torpeur pour agir

La pop apocalypse permet aux mélomanes gagnés par l’angoisse climatique de vivre pleinement leurs peurs profondes de fin du monde et leur colère face à l’inaction politique. Elle les encourage non pas à se complaire dans ces émotions négatives, mais plutôt à les canaliser pour devenir acteur du changement. C’est là l’une des vertus de l’éco-anxiété et, par extension, de son incarnation musicale. "[Elle] traduit une lucidité, laquelle donne envie de créer des lieux d’utopie, de joie, de lien, de rencontre qui peuvent permettre de redonner confiance en un avenir perçu comme compromis", a expliqué Alice Desbiolles, médecin et autrice de "L'Éco-anxiété : vivre sereinement dans un monde abîmé" à ETX Studio.

Aussi alarmistes soient-elles, les chansons de pop apocalypse laissent entrevoir une (petite) lumière au bout du tunnel. Elles ne sont pas seulement un outil de protestation pacifiste : elles aident aussi à la construction d’une identité contestataire dans la mesure où elles restent gravées dans les esprits. Ces morceaux encouragent leurs auditeurs à sortir de leur torpeur pour se préparer aux changements environnementaux à venir.

La preuve avec Bartees Strange. Cet auteur-compositeur américain a quitté son emploi dans une association environnementale en 2020, afin de se consacrer pleinement à sa musique. Il a depuis sorti deux albums, "Live Forever" and "Farm to Table", dans lesquels il aborde des thèmes qui lui sont chers, dont le défi climatique. Dans "Escape the Circus", Bartees Strange aborde la question —épineuse— de la répartition, entre les individus et le collectif, ainsi que des efforts à fournir face à l’urgence. "Nous faisons tous partie de ce cirque/ Tous sur nos propres chevaux", chante-t-il. Une injonction à agir, maintenant.

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