La science reste mitigée sur l'usage de drogues psychédéliques au travail

  • Internet regorge de témoignages d’actifs qui consomment des drogues psychédéliques à petites doses pour améliorer leur productivité.
    Internet regorge de témoignages d’actifs qui consomment des drogues psychédéliques à petites doses pour améliorer leur productivité. Tom Merton / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Prendre des microdoses de drogues psychédéliques permet-il vraiment de gagner en productivité ? Cette pratique, communément connue comme le "microdosing", interroge la communauté scientifique. Elle est divisée quant aux effets réels de ces substances sur les capacités cognitives.


Une molécule intéresse tout particulièrement les chercheurs. Il s’agit de la psilocybine. Elle est extraite d’un champignon hallucinogène, le psilocybe. Cela fait quelques années que cette substance fait l’objet d’articles dans des revues scientifiques pour ses bienfaits dans le traitement des maladies psychiatriques. Consommé à doses très faibles, ce composé psychédélique permettrait de lutter contre l’anxiété, la dépression, les addictions ou encore les troubles alimentaires. Il pourrait également aider les actifs à mieux gérer leur charge de travail, selon une étude parue récemment dans le Journal of Psychoactive Drugs. Benjamin Korman, chercheur postdoctoral à l’université de Constance (Allemagne), est arrivé à cette conclusion en comparant la consommation de psilocybine de 217.963 salariés américains à temps plein et le nombre d’heures supplémentaires qu’ils effectuent durant l’année. Il s’est notamment appuyé sur des données provenant du National Survey on Drug Use and Health (2002-2014).

Cela a permis de montrer, dans un premier temps, l’existence d’une corrélation positive entre la psilocybine et le nombre d’heures supplémentaires. En d’autres termes, les individus consommant plus ou moins régulièrement des champignons hallucinogènes ont tendance à travailler davantage que ceux qui s’en abstiennent. Cependant Benjamin Korman a constaté que la relation entre les deux s'inversait en prenant en compte des facteurs socio-démographiques, tels que l’âge, le genre, le niveau d’études et la situation familiale. Les consommateurs de psilocybine ont, en moyenne, travaillé 3,60 minutes en moins par semaine que les autres, selon le site spécialisé PsyPost qui a pu consulter les conclusions de l’article de Benjamin Korman. Ce chiffre peut sembler anecdotique mais il augmente considérablement à l’échelle de la population américaine. Les salariés qui prennent des champignons hallucinogènes font, dans l’ensemble, 44.348.400 d’heures supplémentaires en moins par an.

Des résultats contrastés

Cette "économie" d’heures supplémentaires serait propre à la psilocybine puisque Benjamin Korman n’a pas observé le même phénomène avec d’autres substances psychédéliques (LSD, mescaline etc.). Les résultats de cette étude sont toutefois à prendre avec précaution en raison des limites de sa méthodologie. "Le mécanisme psychologique liant la consommation de psilocybine aux heures supplémentaires effectuées par les employés n'a pas été étudié. Les raisons théoriques pour lesquelles la consommation de psilocybine peut être associée aux heures supplémentaires effectuées par les employés n'ont donc pas été vérifiées", a déclaré Benjamin Korman à PsyPost.

Quoi qu’il en soit, cet article témoigne de l’intérêt grandissant pour les psychédéliques dans le développement personnel et professionnel. Les forums en ligne et les réseaux sociaux regorgent de témoignages d’actifs qui consomment des champignons hallucinogènes et du LSD à petites doses pour améliorer leur productivité, leur créativité et leur concentration. Cette pratique est répandue dans la Silicon Valley, même si son efficacité réelle reste encore à démontrer.

Les recherches sur les effets réels des psychédéliques sur les capacités cognitives tirent des conclusions contrastées. Certains travaux indiquent un bénéfice significatif du microdosage, tandis que d'autres affirment le contraire. Des chercheurs néerlandais ont constaté, dans une étude datant de 2019, que des micro doses de truffes hallucinogènes permettraient d’améliorer les performances en matière de pensée convergente et divergente, c’est-à-dire notre capacité à résoudre des problèmes de manière créative. Un article, publié en 2022 dans la revue Translational Psychiatry, affirme, au contraire, que de la psilocybine en petite quantité n’a aucune influence sur la créativité, le bien-être et les fonctions cognitives.

Difficile donc d'avoir, à l’heure actuelle, un avis définitif sur l’utilité des drogues psychédéliques dans un contexte professionnel. Mais la seule certitude concerne leur illégalité, étant donné que ces substances sont considérées comme des stupéfiants un peu partout dans le monde. La prudence est donc de mise.

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