Les proches aidants en quête de valorisation, d'accompagnement et d'écoute

  • 57% des parents ayant un enfant en situation de handicap déclarent se sentir seuls face à leur rôle d'aidants.
    57% des parents ayant un enfant en situation de handicap déclarent se sentir seuls face à leur rôle d'aidants. Drazen_ / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Plusieurs millions de Français viennent régulièrement en aide, chaque année, à une ou plusieurs personnes en perte d'autonomie, sans que cela soit perçu comme une activité professionnelle. On les appelle à juste titre aidants, proches aidants ou aidants familiaux. Mais quelle que soit leur dénomination, le constat demeure le même : ils souffrent d'isolement, d'exclusion et d'épuisement. A l'occasion de la Journée nationale des aidants, le 6 octobre, une enquête de l’Unapei montre l'ampleur de cette détresse, tout comme l’impact que ce rôle peut avoir sur la vie personnelle et professionnelle.

Quelque 9,3 millions de personnes "déclarent apporter une aide régulière à une personne en situation de handicap ou de perte d’autonomie vivant dans le même logement ou ailleurs" en France, dont 500.000 mineurs âgés de 5 ans ou plus, d'après une enquête rendue publique par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Parmi elles, pas moins de 3 millions de personnes âgées de 5 ans et plus affirment apporter à la fois une aide à la vie quotidienne et un soutien moral. Un rôle qui n'est pas sans conséquences sur le quotidien de ces aidants, comme le révèle une enquête, quantitative et qualitative, menée par l’Unapei, avec Planète Publique, à l'occasion de la 14e Journée nationale des aidants.

L'étude se concentre plus spécifiquement sur 3.940 parents d'enfant(s) en situation de handicap (trouble du neurodéveloppement, en situation de polyhandicap ou handicap psychique) de tout âge, dont 80% de femmes. Elle comporte deux volets, quantitatif et qualitatif, le second reposant sur quatorze entretiens réalisés à distance. Parmi les principaux enseignements, figure la détresse psychologique à laquelle sont confrontés ces parents, que ce soit en raison d'un sentiment d'isolement ou d'exclusion, d'un manque de reconnaissance, ou de l'impossibilité de pouvoir faire leurs propres choix que ce soit vis-à-vis de leur vie personnelle ou de leur carrière.

Un sentiment de mal-être et d'isolement

"Le bien-être est une notion adaptable. Pour moi, ce n’est pas d’aller au restaurant en amoureux ou de faire un spa entre copines. C’est plutôt de s’asseoir sur le canapé cinq minutes sans voir son enfant crier ou aller mal. Le bien-être, c’est de voir rire mon enfant", a expliqué Marion, l'une des personnes interrogées pour les besoins de l'enquête. Laquelle révèle que seulement 43% des parents sondés se sentent heureux, contre 68% de la population générale (en 2018), et près d'un quart se sentent pessimistes et découragés, contre 11% de l'ensemble de la population. "On se questionne constamment : qu’est-ce qui est le mieux pour mon enfant ? Comment savoir s’il va bien ? Mes choix sont-ils les bons ? C’est une grande responsabilité et le corps encaisse beaucoup", confie une autre maman.

Près de la moitié des répondants (46%) considèrent également que le regard de la société sur le rôle de parent d’une personne en situation de handicap est négatif, et près de six sur dix (57%) déclarent se sentir seuls par rapport à leur situation. Le manque de valorisation, tout comme l'absence de temps libre ou de loisirs, contribuent également à la dégradation de la santé mentale de ces parents. Près d'un quart d'entre eux (23%) confient se sentir exclus de la société, et 45% affirment que leur rôle n'est pas reconnu à sa juste valeur, tandis que plus de la moitié des sondés indiquent n'avoir que rarement le temps de s'adonner à des activités synonymes de plaisir. Au final, 74% des répondants ne pensent pas être libres de choisir leur vie.

"Cette enquête révèle au combien les répercussions de la situation de handicap de leurs proches sont nombreuses sur le quotidien des parents. Pourtant, ils ne peuvent pas se résoudre à devoir choisir entre la vie de leur enfant et la leur. Si les parents partagent la même priorité, c’est-à-dire la garantie d’un accompagnement pérenne pour leur enfant, leurs besoins doivent également être écoutés. La société dans son ensemble doit s’engager à leurs côtés", explique Nadine Maudet, vice-présidente de l’Unapei.

Un impact sur la vie professionnelle

Le rôle d'aidant familial n'a pas qu'une incidence sur le parcours de vie des principaux intéressés, il impacte également leur carrière. Une importante part du panel (54% et 62% respectivement) évoque une influence sur le choix du métier et sur l'évolution de carrière. A ce titre, près des deux tiers des répondants (64%) estiment que les réorientations professionnelles potentielles sont insuffisantes pour pallier les inconvénients de leur situation. "On réduit son temps de travail, on opte pour un poste avec une liberté de temps et davantage de souplesse. Je n’ai pas réellement fait la carrière que je voulais faire", confie Mohamed, l'un des parents interrogés par l'Unapei.

Et c'est sans compter sur les préoccupations auxquelles doivent faire face les parents d'enfants en situation de handicap quant à l'avenir, et ce bien que 84% des sondés indiquent être fiers du chemin parcouru avec leur(s) enfant(s). Une écrasante majorité (95%) fait notamment état d'une certaine appréhension quant à l'avenir de leur(s) enfant(s) après leur mort. "J’ai désormais 75 ans, les années passent et je m’inquiète pour l’avenir de mon fils. Que va-t-il devenir ? C’est la grande question. Je suis soutenue par ma famille mais pas par la société", déplore une maman.

Face à ce constat, l'Unapei a établi une liste de vingt-et-une propositions pour venir en aide aux parents tout comme à leurs proches. Il s'agit notamment d'améliorer l'accompagnement des personnes en situation de handicap, de créer et développer des solutions de relais, de soutenir les aidants en évaluant régulièrement leurs besoins et attentes, et de renforcer certaines aides.

L’enquête est composée d’un volet quantitatif principal et d’un volet qualitatif complémentaire. Le premier repose sur un auto-questionnaire individuel en ligne, essentiellement composé de questions fermées, mais s’appuyant largement sur des échelles de réponses, collectées du 28 janvier au 24 mai 2023. Le volet qualitatif a reposé sur 14 entretiens semi-directifs à distance (téléphone ou visioconférence), auprès d’un échantillon raisonné de parents ayant accepté d’être recontactés lors de leur réponse au questionnaire.

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