Ne vous sentez pas obligé de rire à toutes les blagues de votre patron

  • Le salarié qui se force systématiquement à rire aux boutades de son patron peut ressentir une dissonance émotionnelle.
    Le salarié qui se force systématiquement à rire aux boutades de son patron peut ressentir une dissonance émotionnelle. Yurii Yarema / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - L'humour est souvent sous-estimé dans la sphère professionnelle. Pourtant, ce trait de personnalité peut être bénéfique sur la cohésion d’équipe et la performance globale d’une entreprise. Mais il peut aussi nuire au bien-être des salariés, si ces derniers se sentent dans l’obligation de rire aux plaisanteries de leur supérieur.

C’est en tout cas ce qu’affirme une étude récemment parue dans l'Academy of Management Journal. Ses auteurs ont émis l’hypothèse selon laquelle l’humour n’a pas forcément le même impact positif au travail, en fonction de celui ou celle qui le pratique. Ainsi, quand quelqu’un de haut placé dans la hiérarchie fait preuve d’humour, ses subalternes se sentent souvent obligés de rire à ses plaisanteries.

En sociologie, ce phénomène porte le nom de "jeu superficiel" ("surface acting", en anglais). Il se réfère à un état émotionnel où l’on feint des émotions qui ne sont pas réellement ressenties. À la longue, les conséquences du jeu superficiel peuvent être néfastes, surtout en termes de santé mentale. Le salarié qui se force systématiquement à rire aux boutades de son patron peut ressentir une dissonance émotionnelle, ce qui peut être une source supplémentaire de stress au travail.

Les auteurs de l’étude en ont eu la preuve après avoir mené une expérience auprès de 212 volontaires, d’après Business Insider qui relaie les conclusions de cette recherche. Les participants ont été divisés en groupes de trois à cinq personnes pour prendre part à ce que les chercheurs leur avaient décrit comme étant un cercle de discussion. Dès qu’ils arrivaient dans la librairie où se déroulait cet événement, les volontaires étaient reçus par un acteur professionnel qui avait la cinquantaine. Ce dernier se présentait à eux comme étant le vice-président des ventes de la librairie.

Si son titre officiel ne changeait pas, l’acteur adoptait un comportement différent en fonction des groupes de volontaires. Dans certains cas, il portait une tenue vestimentaire formelle et se présentait aux participants de manière officielle, en utilisant le terme Monsieur suivi d'un nom de famille, ce qui lui conférait une certaine autorité. Dans d’autres, il avait des vêtements plus décontractés et encourageait les volontaires à lui parler comme à un ami.

Les universitaires ont parfois demandé à l'acteur de faire des blagues aux personnes qui l'entouraient, afin de voir comment ces dernières allaient réagir à ses traits d’humour. Il s’avère que les participants avaient tendance à se forcer à rire à ses plaisanteries. Mais leurs réactions étaient particulièrement exagérées quand l'acteur incarnait une figure d’autorité à leurs yeux, et non juste une personne sympathique.

Faire semblant, tout un travail

Il ne fait nul doute que ce phénomène est amplifié en entreprise. Si votre patron est un plaisantin dans l’âme, il y a fort à parier que vous riez aux éclats à la moindre de ses boutades. Et ce, même si elles vous donnent à peine envie d’esquisser un sourire. Il en va peut-être de votre prochaine promotion ou augmentation salariale. "Lorsque le chef raconte une blague qui n'est pas hilarante, l'employé doit décider s'il doit faire semblant de rire ou non. Cette décision demande de l'énergie, quelle qu'elle soit. S'il fait semblant de rire, c'est un travail émotionnel supplémentaire qui détourne de l'énergie du travail", a expliqué Randall Peterson, cosignataire de l’étude, à Business Insider.

Car simuler des émotions - positives ou négatives - est un travail en soi. Le faire quotidiennement est éreintant, tant sur le plan psychique que physique. Randall Peterson et ses confrères affirment que, sur le long terme, le jeu superficiel peut contribuer au mal-être et au désengagement des salariés. Mais qu’en est-il du patron ? Se rend-il compte des effets délétères que peut avoir son penchant pour les blagues et autres jeux de mots ? Pas nécessairement. Les rires et les sourires sont souvent perçus comme des signes d’adhésion, même s’ils sont forcés. Un dirigeant peut se sentir galvaudé par les réactions de son auditoire à ses plaisanteries et les multiplier au bureau, créant ainsi un cercle vicieux.

Cependant, cela ne veut pas dire que la drôlerie n’a pas sa place au travail. L’humour est d'une grande utilité pour faire passer des messages, dédramatiser des situations complexes, améliorer l'ambiance au travail et doper la performance. À condition de ne pas en abuser. "Il est possible de faire une overdose d'une bonne chose ! Plus n'est pas toujours mieux. L'humour, c'est un peu comme la marmite : un peu suffit largement, et tout le monde n'aime pas ça", souligne Randall Peterson à Business Insider. Comme toujours, tout est une question de modération.

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