JO Paris 2024 : comment les Jeux antiques sont nés à Olympie, le berceau grec olympique ?

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  • La flamme olympique débutee son périple en Grèce ce mardi 16 avril 2024. La flamme olympique débutee son périple en Grèce ce mardi 16 avril 2024.
    La flamme olympique débutee son périple en Grèce ce mardi 16 avril 2024. MAXPPP - MARIOS LOLOS
Publié le , mis à jour
Richard Gougis (Midi Libre)

Ce mardi 16 avril 2024, des prêtresses allument la flamme olympique à Olympie, en Grèce, point de départ d'un incroyable périple jusqu'à l'ouverture des JO à Paris le 26 juillet. 

Les JO de Paris prennent vie ce mardi 16 avril 2024, à 3 000 km, à Olympie, en Grèce. Là, dans ce Péloponnèse qui abrite au Sud-Ouest de la Grèce les principaux sanctuaires, sommeille la source de l’olympisme. Tous les quatre ans, ce n’est pas un filet d’eau mais de fumée qui la fait renaître. Une grande prêtresse procédera à l’allumage de la flamme pour les prochains Jeux d’été devant le temple d’Héra, à l’aide d’un miroir parabolique captant les rayons du soleil pour garantir la pureté du feu. Elle implorera pour cela l’aide d’Apollon, dieu de la lumière, puis transmettra le feu sacré au premier porteur de la flamme. Un geste qui lancera le long relais vers Paris.

"La flamme, une invention de l'ère moderne"

Pourtant, tout ce folklore n’existait pas il y a plus de 16 siècles lors des Jeux d’Olympie, comme le rappelle Éric Perrin-Saminadayar, professeur d’histoire et d’épigraphie du monde gréco-romain et directeur de la Faculté des sciences humaines et sciences de l’environnement à Paul-Valéry (Montpellier). "C’est une invention de l’ère moderne lors des JO d’Amsterdam en 1928. À Olympie, le feu n’était allumé que pour les sacrifices effectués en préambule des épreuves sportives. Car la grosse différence avec les Jeux d’aujourd’hui, c’est qu’il s’agissait alors d’une célébration religieuse", explique-t-il.

De fait, en Grèce, le feu sacré brûlait en permanence dans chaque cité au sein du foyer d’Hestia. C’était le cas à Elis, la cité la plus proche, et non dans le sanctuaire même d’Olympie. Autre différence de taille, comme le rappelle le professeur d’histoire, "l’essentiel n’était pas de participer mais de gagner pour montrer qu’on venait d’une cité puissante. Les vainqueurs avaient droit à des honneurs équivalents à ceux qu’on donnait aux dieux, allant même jusqu’à abattre des murailles pour les faire entrer dans la cité". Là où les Jeux actuels, devenus paralympiques, se veulent ceux de l’inclusion, ceux d’Olympie étaient ceux de l’exclusion : réservés aux Grecs et interdits aux femmes. Seuls les Romains furent acceptés plus tard.

Quant à la genèse de ce qu’on appelait alors un "concours", elle repose sur un mythe : "Celui d’un roi local, Oenomaos, qui avait promis de marier sa fille à quiconque le battrait dans une course de chars dont le vaincu était mis à mort. Mais comme il disposait d’un attelage invincible, le prétendant y laissait régulièrement la vie. Jusqu’à ce que le jeune Pélops séduise au préalable la fille d’Oenomaos, qui lui donna des atouts pour battre son père, avec l’aide du dieu Poséidon. Après avoir gagné la course et tué Oenomaos, Pélops, qui donnera son nom au Péloponnèse, décidera d’organiser un grand concours à Olympie pour expier son crime".

Seulement un vainqueur

Ce concours naquit en 776 avant J.C. Les premiers Jeux se disputaient sur un stade sans gradins ni talus. Mais ils marquèrent un tournant dans l’histoire de la Grèce : "Ils servent un peu d’année zéro, comme Jésus Christ pour les chrétiens. Cette période coïncide avec le moment où les Grecs commencent à explorer la Méditerranée, où l’écriture est réinventée avec l’alphabet grec, où une espèce d’identité se crée et les concours en font partie intégrante".

La notion de trêve olympique est alors toute relative. Elle ne concerne que sportifs, pèlerins et suiveurs, mais les combats, eux, continuent entre cités guerrières. Comme toute fête religieuse, les Jeux débutaient par une procession partant d’Elis, à 35 km, et accompagnant une centaine de bœufs vers le sacrifice sur le sanctuaire d’Olympie. "Il n’y avait pas de podium ni de classement, seulement un vainqueur par épreuve, précise l’historien. Les athlètes sacrés recevaient une couronne d’olivier et une bandelette de lin ou de laine qu’ils pouvaient accrocher au temple consacré aux dieux".

"Rapprocher les peuples"

C’est cette dimension religieuse qui poussa en 393 l’empereur Romain Théodose à interdire ces Jeux qu’il considérait comme païens. En 426, le site d’Olympie fut enseveli sous une couche d’oubli, puis redécouvert au XVIIIe siècle. L’esprit olympique tenta de renaître de ses cendres… "La première tentative date de 1796-1798, pendant la Révolution française. Il y en eut une autre en Angleterre jusqu’à l’initiative de Coubertin qui visait d’abord à mettre en avant des sports plutôt aristocratiques d’élite". Ils se sont démocratisés depuis, laissant les cinq anneaux remplacer les dieux sur l’autel du sport. Mais Éric Perrin-Saminadayar rappelle qu’ils "se sont réinventés comme un moyen de rapprocher les peuples… Le côté universel des Jeux demeure mais la dimension politique rattrape encore très vite celle du sport, on le voit avec la guerre en Ukraine". Une autre histoire, sur fond de feu plus vraiment sacré.

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