Pierre Samson : «Ils représentaient plus que des personnes, ils sont un esprit»

Encore «secoué» par l’annonce du drame, et la voix étreinte d’émotion, Pierre Samson peine à trouver ses mots. Parmi les douze victimes de l’attentat perpétré hier au siège de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, quatre dessinateurs de presse. Quatre grands noms. Charb, Cabu, Wolinski, Tignous. Ils avaient tous croisé la route de Pierre Samson du temps du «Satiricon», magazine toulousain qu’il avait fondé en 1995 et auquel tous avaient contribué. «Ils dessinaient gratuitement pour moi, se souvient ce dernier. « Avec cet attentat, c’est un dixième de la confrérie qui s’en va. En France, nous sommes moins de 50 dessinateurs de presse. Aujourd’hui (hier, NDRL), quatre des plus grands noms disparaissent. »

«Ils ont été massacrés pour des idées»

Bernard Verlhac, alias Tignous, était l’un de ses amis les plus chers. «Perdre un proche est déjà une terrible souffrance, mais je suis atterré de cette mort, lâche amèrement Pierre Samson. Tous étaient éminemment pacifiques, ils n’auraient pas tiré sur un lapin. Ils ont été massacrés pour des idées, des opinions. Tout mon être refuse cette idée.» Et le Toulousain d’ajouter: «Ils représentaient plus que des personnes, ils sont un esprit. Chaque semaine, des milliers de Français attendaient leurs dessins, comme des rendez-vous réguliers. Ils étaient familiers aux Français, c’est d’autant plus douloureux.»

Et maintenant ?

Pour le dessinateur pourtant, c’est bien plus que la liberté d’expression qui était ciblée. «Ce qui en ressort, c’est la volonté de tuer. Tuer tous ceux qui ne pensent pas comme eux. C’est bien plus sauvage que ça, s’indigne Pierre Samson. Charlie Hebdo a toujours clairement affiché son combat manifeste contre l’esprit religieux et notamment les institutions qui génèrent l’obscurantisme religieux. Avec la religion, vient souvent la tentation de posséder la vérité et donc de penser que les autres ont forcément tort. Ils ne supportent pas la liberté d’esprit vis-à-vis de la religion que mes confrères avaient. Ils étaient évidemment dans leur collimateur. D’ailleurs, avant de tirer, les assaillants ont interpellé les quatre dessinateurs, ils savaient à qui ils s’en prenaient.» Et maintenant ? Pour Pierre Samson, pas question de céder à la peur, de poser le crayon. «La presse a une grande responsabilité pour perpétuer l’esprit du dessin de presse, pour ne pas l’éradiquer. Pour qu’il ne se perde pas par bienpensance ou par terreur. Ce drame révèle que le dessin de presse est une véritable arme. Plus qu’un épice, il est un véritable ingrédient de la vie politique.»