INTERVIEW. Salon de l'agriculture : pour Jacques Molières, le président de la chambre d'agriculture, "Gardons un Aveyron spécifique !"

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  • Jacques Molières qui a succédé à Jean Laurens en novembre 2010, quittera la présidence de la chambre d’agriculture de l’Aveyron au début de l'année 2025. Jacques Molières qui a succédé à Jean Laurens en novembre 2010, quittera la présidence de la chambre d’agriculture de l’Aveyron au début de l'année 2025.
    Jacques Molières qui a succédé à Jean Laurens en novembre 2010, quittera la présidence de la chambre d’agriculture de l’Aveyron au début de l'année 2025. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
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Philippe Routhe

Au début de l’année prochaine, Jacques Molières quittera la présidence de la chambre d’agriculture de l’Aveyron. Il a succédé à Jean Laurens en novembre 2010 et, en quinze ans, n’a jamais véritablement varié dans son discours qui pourrait se résumer par : "garder un Aveyron spécifique". À l’aube du 60e Salon international de l’agriculture, il ne cache pas une certaine colère. Face d’une part à la crise agricole actuelle, qui souligne le doute général qui s’empare du monde paysan, mais aussi à la direction que pourrait prendre le département dans les années à venir s’il n’y prend pas garde, appelant les agriculteurs aveyronnais "à ne pas lâcher".

Quel regard portez-vous sur la colère qui secoue actuellement le monde agricole ces derniers temps, en France mais aussi en Europe ?

La raison de ce mécontentement tient dans le ras-le-bol général de cette profession d’agriculteurs. Plus que le revenu, c’est de la raison d’exister en tant que paysan dont il est question. Sur les revenus, le schéma aveyronnais c’est un tiers d’agriculteurs qui vit très bien, un tiers qui vit correctement et un dernier tiers qui a du mal à joindre les bouts. Mais savoir démarquer les produits, garder une agriculture à taille humaine, que les hommes et les femmes soient le maillon central du schéma est ce qui guide l’agriculture aveyronnaise. Il y a 15 ou 20 ans, nous avons opté pour cette direction et nous avons fait les bons choix. Aux nouvelles générations de prendre le relais. Mais je pense que l’Aveyron doit garder sa spécificité avec, avant toute chose, des actifs importants.

Ce modèle-là reste-t-il toutefois viable ?

C’est comme cela que nous avons gardé une agriculture économique. Un modèle qui a permis le développement d’une filière agroalimentaire dynamique et forte. Et l’on peut aussi parler d’environnement. L’Aveyron, c’est aussi le quatrième département de France à générer de la Pac avec 80 % de territoire enherbé. Et que je sache, l’herbe restitue du carbone.

À mon avis, ce schéma aveyronnais est porteur d’avenir. Il faut le garder et continuer à valoriser les produits. Il faut garder un Aveyron spécifique. Regardez : quand il y a une baisse de consommation du roquefort, c’est dommageable pour roquefort, mais aussi pour le département tout entier. D’où l’intérêt de garder et de soutenir une agriculture spécifique. C’est pourquoi je bondis quand je vois que certains, ici en Aveyron, sont prêts à lâcher sur le photovoltaïque au sol. Je pense notamment à ce qu’il se passe à Laissac. Si on ne garde pas l’Aveyron spécifique, on va le tuer. Ce message je le martèle depuis longtemps. Et j’appelle les agriculteurs à ne pas lâcher. Sinon, dans quelques années, il n’y aura plus d’agriculture, et plus personne ne viendra. Les touristes ne viendront en tout cas pas voir les champs photovoltaïques…

Il en va de l’attractivité du département et de la profession agricole selon vous ?

On a mis des outils en place pour accompagner le développement d’une agriculture à taille humaine. Il y a 204 demandes d’installation pour cette année. Il y en avait plus de 150 l’année dernière. Ce qui est mis en place fonctionne. L’agriculture attire encore. Pas assez, certes, mais cela est en train de changer. Il faut pour cela garder des fermes liées à l’élevage. Il faut tout mettre en œuvre pour que ceux qui s’installent aient un beau métier, leur proposer une vision globale à vingt ou trente ans. À eux après d’être bon gestionnaires, c’est également important aujourd’hui pour la pérennité des exploitations.

40 % de la population agricole a plus de 50 ans

L’agriculture dans ce département est un bel exemple et personne ne le reniera. Après, cela reste fragile. 40 % de la population agricole a plus de 50 ans. Il y a un beau challenge à relever, mais si on copie ce que font d’autres départements, et je repense à nouveau à cette problématique de photovoltaïque au sol, on va se tromper.

L’élevage doit-il rester une priorité en Aveyron ?

Il ne faut surtout pas le lâcher. Et, je le répète, cela concerne aussi toute la filière agroalimentaire. Douze entreprises aveyronnaises seront présentes au Salon de l’agriculture, avec le soutien de la chambre régionale. De même que les filières Lacaune et Aubrac. L’élevage mérite d’être très accompagné.

Il faut aussi une agriculture qui s’ouvre vers l’extérieur, qui accueille des gens pas forcément issus du sérail…

On s’aperçoit que depuis 2 ou 3 ans, on voit les installations augmenter. On voit des gens qui ont la quarantaine se reconvertir en agriculture. C’est très bien. Mais c’est par le biais d’une action collective que l’on réussira ce challenge. Le Département et la Région en ont bien conscience d’ailleurs. De même que les Français dans leur très grande majorité reconnaissent l’importance du travail des paysans. La mobilisation actuelle le montre.

Il faut néanmoins s’adapter au changement de la société, sur le climat…

Oui, il faut s’adapter. Le stockage de l’eau fait partie de ces sujets-là. La simplification des diverses procédures sur ce sujet sera nécessaire. Globalement, je dirai qu’il faut laisser le monde rural vivre.

Vous faites écho aux lourdeurs administratives…

Oui. Il faut arrêter d’emmerder les paysans. Et arrêter de laisser croire qu’ils font tous n’importe quoi. Notamment sur le plan écologique. Par exemple, concernant le plan écophytosanitaire. Je rappelle au passage que l’Aveyron est au 87e rang sur l’utilisation de produits phyto. Et tout ce qu’on demande à un agriculteur pour cette utilisation est insensé. Il y a des dizaines d’exemples en la matière. Sur le plan environnemental, l’agriculture, grâce à la recherche, l’innovation, les analyses, a fait plus que bien d’autres secteurs. Alors il faut savoir à un moment appuyer sur pause. Pour reprendre le slogan de la mobilisation paysanne, il faut retrouver du biaïs, du bon sens.

Justement, en parlant de slogan, au début des années 1990, Raymond Lacombe avait lancé "pas de pays sans paysans"…

(Il coupe). Et ce slogan est toujours d’actualité. Plus que jamais même. C’est sur ce slogan que l’agriculture aveyronnaise s’est constituée et doit continuer à se bâtir.

(1) La société Total Quadran souhaite mettre en place et exploiter une centrale photovoltaïque au sol sur la commune de Laissac-Séverac l‘Eglise, La zone de production occuperai une surface d’environ 8 ha.

Salon : "Rester au plus près des éleveurs"

Après une année soulignée par une absence remarquable, le Département de l’Aveyron et la chambre d’agriculture ont bataillé pour retrouver la place qui, selon eux, est la leur dans ce grand rendez-vous de l’agriculture : le hall dédié à l’élevage, le hall 1. Aux côtés des Upra Lacaune et Aubrac, et du stand du Coram, celui des races de massifs, le Département va vanter ses atouts et l’agriculture aveyronnaise vanter, elle, toutes ses spécificités.

Cet attachement à ce hall de l’élevage s’explique notamment parce qu’il demeure le plus emblématique de ce salon et le plus représentatif de ce qu’il se passe en Aveyron. C’est aussi le hall incontournable pour tous les milliers de visiteurs. Et celui par le biais duquel l’Aveyron agricole sait pouvoir puiser une grande partie de son développement.

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