Le cinéma français affiche sa bonne santé à Cannes mais l'avenir s'assombrit

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AFP

Le cinéma français affiche une santé insolente au Festival de Cannes malgré la crise, mais de nombreux nuages menacent la production nationale, alors que le débat sur le financement du cinéma français n'est toujours pas clos.

Selon le président du CNC Eric Garandeau, interrogé par l'AFP, la France atteint même un niveau "historique" dans la compétition cannoise, à environ 45% de participation française entre films nationaux et coproductions.

Cette bonne santé du cinéma, Frédéric Goldsmith, délégué général de l'Association des producteurs de cinéma, l'explique à l'AFP par le "rayonnement du savoir-faire et de la créativité" made in France.

Pour M. Garandeau, c'est le fait d'un système de soutien public "sain et robuste", qui joue un rôle "d'amortisseur de crise et d'accélérateur de croissance".

Malgré cela, "on peut légitimement s'interroger sur l'avenir", lâche Frédéric Goldsmith.

Depuis la polémique lancée fin décembre par le producteur Vincent Maraval, qui dénonçait entre autres les trop gros salaires des acteurs, le débat est loin d'être clos.

La France a certes produit l'an dernier un nombre record de films (279) mais avec moins d'argent, notamment de la part des télévisions qui représentent un tiers du financement.

Et pour certaines, quand elles investissent, c'est plus dans les films à gros budget que dans les films "du milieu" (entre 4 et 7 millions d'euros). Or, selon le patron du CNC, "les films les plus rentables sont souvent des films au budget moyen qui d'un seul coup plaisent au public".

Ces films "sont de plus en plus difficiles à produire, parce qu'ils sont ambitieux, originaux et ne visent pas d'emblée le succès commercial", explique Frédéric Goldsmith.

Le réalisateur de "The Artist", Michel Hazanavicius, dénonce lui "la dangereuse inflation" qui menace le système en raison de films de plus en plus chers, la faute à une filière qui préfèrerait se payer en totalité avant la sortie d'un film plutôt que de toucher une rémunération en fonction des résultats au box-office.

Pour le patron du CNC, il faut "mettre en adéquation les intérêts des uns et des autres, que tout le monde ait envie de défendre le film, depuis la salle jusqu'à la vidéo à la demande".

Difficile quand les principales organisations de producteurs et de distributeurs n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une nouvelle convention collective, au point qu'un médiateur a été nommé.

"Délocalisations"

Au coeur du conflit, la mise en place de seuils minimaux de rémunération notamment pour les ouvriers et techniciens du cinéma. S'ils étaient appliqués, la France deviendrait "le pays le plus cher d'Europe en matière de tournage", a assuré au Film Français Nicolas Traube, président de Film France, chargé de l'accueil des tournages.

Or, les délocalisations de tournages augmentent déjà, favorisées par la guerre fiscale que mènent des pays comme la Grande-Bretagne et la Belgique, aux crédits d'impôt bien plus avantageux.

Le Parlement français a bien amélioré son dispositif lui permettant d'être plus compétitif, mais Bruxelles ne l'a toujours pas validé, contrairement à celui des Britanniques.

Autre dossier bloqué, celui de la TSTD, sigle barbare derrière lequel se cache l'extension de taxes dues par les télévisions pour soutenir la création cinématographique. Le CNC, dont le budget est à la baisse (700 millions d'euros contre 800 millions en 2011), souhaite voir cette taxe étendue à l'ensemble des supports de diffusion des chaînes sur internet et aux fournisseurs d'accès qui véhiculent des programmes.

"Jusqu'ici il n'y a pas péril en la demeure, mais il faut que des décisions soient prises", assure Eric Garandeau qui ne digère pas non plus les prélèvements à répétition sur son budget pour colmater les déficits publics (150 millions d'euros).

Enfin cinéastes et producteurs sont avec le gouvernement vent debout pour défendre l'exception culturelle, exigeant que le secteur audiovisuel soit exclu des négociations à venir sur les accords de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

Remis lundi à François Hollande, le rapport Lescure sur l'adaptation des politiques culturelles au numérique, devrait notamment proposer de taxer les smartphones pour financer les contenus et d'assouplir la chronologie des médias, selon une source proche du dossier.

Parmi les dispositifs prévus par la mission Lescure, il s'agit de "mettre à contribution les fabricants et importateurs d'appareils connectés" pour financer la création de contenus culturels.

Source : AFP

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