Économie. Alors que se tient ce week-end à Onet le salon des antiquaires, tour d’horizon d’une profession présentée comme «sinistrée», victime d’une crise autant culturelle qu’économique, plus sensible en France qu’en Afrique du Sud...
"C’est une profession sinistrée. Les trois quarts des antiquaires ont mis la clé sur la porte, en fin de carrière. On est aujourd’hui une dizaine sur le département à disposer encore d’une boutique. On est des dinosaures." Les dinosaures en question, Christian Souyris et René Vernhes, ont ouvert il y a cinq ans la Cité des Antiquaires, zone Bel-Air à Rodez. Les deux associés totalisent 50 ans de métier et affichent 80 000 km annuels au compteur. Pour pouvoir acheter et vendre sur ce marché asphyxié, le duo sillonne en effet la France et participe tous les mois aux déballages professionnels de Béziers, de Montpellier ou de Lyon. Ouverts aux acheteurs étrangers, ces salons taillent de nouvelles perspectives vers les pays exportateurs d’antiquités émergents.
La locomotive sud-africaine
Rapide leçon de géopolitique sur cet échiquier marchand où les antiquaires français déballent par milliers. Après le 11-Septembre, les Américains, jusque-là très bons clients, ont marqué le pas; en crise, les Égyptiens et les Italiens accusent un net recul; les Sud-Africains et les Belges, portes d’entrée vers les pays de l’Est, tirent actuellement la locomotive. "Ces déballages nous sauvent. En local, on est limité. Il n’y a pas ici d’industrie de pointe et on a donc un pouvoir d’achat modéré. On est d’ailleurs plus connu en Alabama qu’à Rodez !", assure Christian Souyri, un brin narquois.
Meubles anciens vs design scandinave
Au contexte économique morose se juxtapose également une révolution culturelle imparable. L’ancien, le beau, l’objet d’époque, n’a plus cours. On se meuble différemment, en kit, jetable, on déménage plus souvent, et donc allégé. "C’est une crise sociétale. Et les antiquités, c’est très culturel. On vend quoi aujourd’hui ? Même plus du rêve. Le mobilier des jeunes, c’est un extra-large écran TV et un Iphone. Si vous leur parlez meuble, ils vous parlent Ikéa", constate le sociologue devenu antiquaire par passion.
Restaurateur de meubles, Manuel Joao a décidé il y a dix ans "d’amener le meuble jusqu’au bout" et d’ouvrir son échoppe d’achat, vente et restauration, aux Moutiers, à Rodez. L’artisan observe évidemment le récurrent fléchissement du marché, le détrônement de l’ancien par le meuble contemporain et le changement de mentalité. Pourtant, pour lui, le marché ne s’en maintient pas moins en Aveyron, avec un noyau solide de clients "plutôt âgés", amateurs de meubles du 18e et du 19e. Pouvoir offrir la restauration de ces mêmes meubles est bien sûr une complémentarité très intéressante. On retrouve d’ailleurs dans la profession cette tendance, les activités secondaires, comme l’ébénisterie ou la menuiserie, prenant le dessus.
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