Fabrice Bénichou : "Un sportif, c’est bête et con"

  • A 48 ans, Fabrice Benichou revient sur une vie qui n'a rien d'un long fleuve tranquille.
    A 48 ans, Fabrice Benichou revient sur une vie qui n'a rien d'un long fleuve tranquille. Repro CP
  • Fabrice Bénichou accueilli en grande pompe à Comps-la-Grand-Ville à la fin des années 80.
    Fabrice Bénichou accueilli en grande pompe à Comps-la-Grand-Ville à la fin des années 80. Jean-Louis Bories
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Mathieu Roualdés

Entretien. L’ancien boxeur Fabrice Bénichou, triple champion du monde dans les années 80, revient de l’enfer. Et assure désormais: "Je vais mieux !" Aujourd’hui, à 48 ans, celui qui a séjourné un temps à Comps-la-Grand-Ville revient sur ses grandes années moins de deux ans après sa dernière tentative de suicide. Rencontre inédite avec un personnage hors du commun qui n’a rien perdu de sa légendaire gouaille.

L’ancien boxeur, triple champion du monde dans les années 80, revient de l’enfer. Et assure désormais : "Je vais mieux !" Aujourd’hui, à 48 ans, celui qui a séjourné un temps à Comps-la-Grand-Ville revient sur ses années passées au panthéon des sportifs français moins de deux ans après sa dernière tentative de suicide. Sa thérapie consiste désormais à confier sa vie à la fois riche et tourmentée au grand public. Rencontre avec un personnage hors du commun qui n’a rien perdu de sa légendaire gouaille.

SON ACTUALITE

Que devient Fabrice Bénichou 

Je fais du coaching sportif, de la préparation physique, de la remise en forme. Je travaille également, avec la ville de Sens (Yonne), sur un projet d’une salle de boxe. 

Aujourd’hui, êtes-vous mieux dans votre tête après votre dernière tentative de suicide, il y a moins de deux ans 

Je vais beaucoup mieux. Je suis toujours sous traitement mais je me sens bien. La preuve, je peux de nouveau travailler, aller de l’avant, construire.

SA RENAISSANCE

Comment êtes-vous sorti de la dépression?

Grâce à mon nouvel entourage. J’ai des gens tellement positifs et constructifs autour de moi désormais que je ne peux que voir la vie en rose.

Comment Fabrice Bénichou se voit-il vieillir désormais ?

Il espère aller bien, il a rencontré l’amour, il se relève, il y croit à nouveau et il voit vraiment la vie en rose ! Tout réexiste pour moi depuis que je prends mon traitement. J’ai la chance d’avoir été soigné par un grand docteur en psychiatrie. Ce mec-là m’a sauvé la vie !

Lorsque vous étiez tout en haut de l’affiche sur le ring, pensiez-vous connaître des moments aussi difficiles après l’arrêt de votre carrière ?

Pas du tout! Quand on est tout en haut, on n’y pense pas. On est sur un petit nuage. Les sportifs pensent sport, mangent sport, c....sport. Ils ne pensent à rien d’autre. Un sportif, c’est bête et con de toutes les manières. Mais ce n’est pas nouveau, ça a toujours été comme ça.

Finalement, le plus dur des combats est celui de la vie... 

Oui, car il y a de la triche. Sur un ring, il y a des règles, il y a des valeurs. Dans la vie, il n’y en a pas. Si un gars veut vous avoir, il n’hésite pas.

Les boxeurs ont souvent du mal à gérer leurs "après carrière". Est-ce propre à ce sport ?

On a du mal à gérer car on n’y est pas préparé. Alors que dans les autres sports, on prépare les sportifs à cela. Quand il y a un bon entourage, ça se passe bien. Mais quand l’entourage est pourri, comme dans 90% des cas dans la boxe, ça fait mal.

Vous avez souvent donné de vous l’image d’une "grande gueule" alors que finalement, vous êtes timide... 

C’est vrai, je suis quelqu’un de très timide. La grande gueule, je la faisais devant les caméras, devant le public pour faire le spectacle mais au fond, je suis plutôt réservé. Un boxeur, c’est un artiste.

On a souvent parlé du poids de votre famille sur vous lorsque vous n’alliez pas bien. Votre père vous a escroqué. Aujourd’hui, pensez-vous qu’il aurait été bon pour vous de vous détacher plus rapidement de ce qu’on appelait "le clan Bénichou?

Mon père, car c’est de lui que tout le monde parle, c’est un gars qui a fait des choses magiques. C’est grâce à lui que je suis devenu champion du monde. En France, il a été traité comme une merde alors qu’ailleurs il était accueilli par des «Monsieur Bénichou».

C’était un sacré phénomène. Ici, on l’a tellement catalogué comme le gars accroché à ma patte qu’on lui payait des coups à boire, des prostitués, on lui donnait billet à gauche, à droite... On le traitait comme un moins que rien et on ne le valorisait pas par rapport à l’homme qu’il était. Donc, il est parti en "vrille", il a pété un câble comme tout le monde. Comme moi, j’ai pu faire. Maintenant, il s’est repris. Il a refait sa vie en Amérique du Sud. C’est un sacré bonhomme et j’ai beaucoup d’admiration et de respect pour lui. Tous ceux qui en disent du mal ne lui arrivent pas à la cheville !

LA BOXE AUJOURD'HUI

On dit que la boxe est une magnifique école de la vie. Est-ce toujours votre avis ?

C’est une école exceptionnelle de la vie ! Ce sport vous apprend des valeurs. Il vous fait vous connaître vous-même. Dans la boxe, vous vous dépassez toujours, vous devenez toujours meilleur que vous êtes. Ce sport vous donne une assurance physique mais surtout intellectuelle incroyable. C’est le plus noble des sports. Cela étant, il y en a plein d’autres qui sont formidables comme le judo ou le rugby par exemple.

Vous avez souvent dénoncé le milieu de la boxe et son système avec tout ce qu’il comporte (magouilles, corruption...). Depuis votre époque, cela ne semble pas avoir franchement évolué...

C’est comme ça depuis la nuit des temps et ça ne changera pas ! Il y a plein de problèmes. Maintenant, s’il n’y a pas ces mecs-là qui font partie du milieu et qui justement organisent les combats, il n’y a plus de boxe et plus de boxeurs. C’est une arme à double tranchant. Soit on boxe sans et on ne peut pas grimper, soit on veut être un champion et on s’entoure de ces gens qui gangrènent la boxe. C’est un choix à faire.

Il n’y a donc pas vraiment de solutions... 

Si, il faut une Fédération qui ait des c... C’est un peu le cas maintenant. La boxe est en train de changer de l’intérieur. Maintenant, je pense que la solution est de faire comme les Américains. À savoir, posséder une fédération très puissante qui décide des promoteurs, de tout.

Vous êtes un des derniers représentants de l’âge d’or de la boxe. La France a depuis connu peu de champions (Mormeck, Asloum, Monshipour...). Voyez-vous une possible relève ?

Bien sûr. C’est cyclique. C’est vrai que depuis Mormeck, il n’y a plus rien. Mais forcément, un jour, nous connaîtrons de nouveaux champions.

Un champion de boxe doit certes être un grand athlète mais ne doit-il pas surtout être un grand personnage ?

C’est un complément. Vous prenez Mohammed Ali, c’est un personnage, c’est son savoir, c’est tout. Mais effectivement, pour être un grand champion, je pense qu’il faut un certain charisme. Moi, j’ai souvent joué avec les médias par exemple. J’ai joué un rôle. J’étais comme un artiste.

Fabrice Bénichou accueilli en grande pompe à Comps-la-Grand-Ville à la fin des années 80.
Fabrice Bénichou accueilli en grande pompe à Comps-la-Grand-Ville à la fin des années 80. Jean-Louis Bories
 

SA CARRIERE

Vous avez souvent dit «j’aurais pu faire mieux» lorsque vous étiez boxeur. Est-ce toujours le cas avec du recul ?

J’aurais pu faire mieux (Il répète plusieurs fois la phrase).

Pourtant, votre palmarès est un des plus beaux de la boxe française (triple champion du monde, quintuple champion d’Europe)...

Mes titres ? Tous ont été gagnés "à l’arrache" ! C’était du gâchis car j’aurais pu avoir une très belle carrière mais il y a eu des gens autour de moi qu’il ne fallait pas...

Malgré cela, aujourd’hui tout le monde vous reconnaît comme un grand champion de la boxe... 

Absolument ! Malgré mon âge, quand je sors dans la rue, je vois des gens venir vers moi me féliciter. C’est vraiment génial et hyper-touchant. C’est vraiment le plus beau des titres. Même si les autres ne sont pas mal non plus (rires).

Vous avez souvent réalisé des "come back" dans votre carrière. Qu’est-ce qui vous motivait ?

Je voulais finir sur une belle note. J’avais envie d’aller au bout des choses.

Et là, vous terminez votre carrière en 1998 en échouant en finale du championnat d’Europe face à un jeune Anglais, Spencer Oliver alors que tout le monde vous donnait gagnant... 

J’étais prêt pour gagner, j’étais fort et j’aurais dû le bouffer. Mais dans ma tête, je n’y étais plus. J’étais très caractériel. J’étais une vraie tête de con et j’ai perdu ce combat...

On dit que vous avez volontairement lâché ce combat. Regrettez-vous ce choix aujourd’hui ?

Oui, je le regrette. J’en ai pris conscience aujourd’hui car je me suis soigné. À l’époque, j’étais déjà en totale dépression. Je n’étais vraiment pas bien mais je ne m’en rendais pas compte. J’étais très mal dans ma tête alors que j’avais tout pour gagner.

On vous a souvent critiqué pour votre manque de style lorsque vous boxiez. Mais vous avez toujours compensé et gravi les sommets par votre courage. Est- ce finalement la qualité première que doit avoir un boxeur 

Bien entendu. Le courage, c’est la qualité principale à avoir. C’est cela qui fait un champion. Le style, mon style? Il faut tout relativiser parce que même s’il était parfois un peu confus, je ne prenais pas de coups. J’en prenais évidemment comme tous les boxeurs mais pas la quantité qui aurait dû m’arriver à la face car j’amortissais très bien. Et ça peu de gens le voyaient.

Votre coach emblématique Jean Molina a souvent dit "Fabrice est né pour la boxe mais il n’aime pas ce sport". Était-ce vrai ?

Je ne sais pas. J’avais beaucoup d’admiration pour ce sport mais je n’aimais pas le monde de la boxe, sa mentalité, les gens dedans...

Finalement, qu’est-ce qui a été le plus dur à gérer lorsqu’on a une carrière comme la vôtre ?

C’est de garder les pieds sur terre.

Les aviez-vous ?

Pas du tout (rires) ! J’avais un sentiment de toute puissance. Bref, toutes les émotions humaines ressortent dans la boxe. Notamment à cause des personnes qui t’entourent. C’est un peu comme dans le milieu artistique. Il y a des roublards partout, des mecs qui en veulent à ton pognon... Les boxeurs, ce sont des chevaux de course. Quand on gagne, il y a tout le monde autour. Quand on perd, il n’y a plus personne. C’est limite si on ne fait pas un peu pitié...

L'AVEYRON

Conservez-vous des souvenirs de votre passage en Aveyron ?

Bien évidemment! Comment peut- on oublier cela? Tous les gens de Comps-la-Grand-Ville où j’étais ont été adorables. Quelque part, mes titres leur appartiennent un peu.

Comment Fabrice Bénichou avait-il posé ses valises à Comps ?

C’était par le biais d’un ami de mon père qui vivait dans le coin depuis un moment.

Avez-vous toujours des contacts avec l’Aveyron ?

Non, je n’ai plus de contact. Parfois, j’ai des nouvelles avec mes enfants qui ont été scolarisés à Rodez.

Aura-t-on un jour l’occasion de vous revoir en Aveyron 

J’espère. J’aimerais en tout cas. 

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