La fabuleuse histoire du sport aveyronnais

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Publié le , mis à jour
Jean-Michel Cosson

Après « Les grands événements de l’Aveyron au XXe siècle », l'historien Jean-Michel Cosson nous entraîne dans une fabuleuse épopée en brossant un vaste panorama de l’évolution du sport en Aveyron, de ses exploits et de ses champions, du Moyen Age à nos jours.

Fortifier les muscles de Marianne

Jusqu’à la loi du 27 janvier 1880, qui rend la gymnastique obligatoire à l’école, le sport français ne connaît guère de développement notable. L’escrime, le tennis, la canne, le bâton, la gymnastique et l’équitation sont autant de disciplines réservées à la bourgeoisie et aux militaires, qui en assurent, à la fois, le contrôle et l’instruction. Les campagnes, pour leur part, se contentent des jeux traditionnels, qui ne revêtent, toutefois, aucun caractère sportif. Hygiène sportive et traditions militaires: une dualité de fond En réalité, tant que la France respire la ruralité, les responsables de la santé publique ne s’intéressent que de très loin au développement des exercices physiques. Ils estiment en effet que les travaux agricoles, au plein air, suffisent amplement à assurer la bonne santé de la Nation.

Le cri d'alarme des médecins

Révolution industrielle, exode rural et croissance urbaine vont, en quelques décennies, déchirer ce tissu social millénaire. Confinés désormais au fond des mines ou dans des ateliers obscurs et mal aérés, les déracinés de la terre voient leurs conditions de vie et d’hygiène, rapidement se dégrader. Les maladies infectieuses, telle la tuberculose, trouvent, dans ce vivier, un terrain favorable pour se développer à foison. Les médecins lancent alors un cri d’alarme ! Une lente dégénérescence physique est en train de toucher le monde ouvrier, notamment la classe d’âge des 7 à 14 ans. Pour la combattre, ils proposent que des exercices de plein air et des jeux soient intégrés au programme d’enseignement. Les tenants d’un sport hygiénique et démocratique vont, dès lors, se heurter au monopole exercé par l’armée sur les activités physiques, notamment la gymnastique. Non que la Grande Muette fût hostile à toute mesure permettant le développement des exercices physiques. Bien au contraire !

Le sport, un «excellent agent pour le débourrage physique»

Depuis la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine, l’armée française a besoin d’hommes motivés, de santé vigoureuse, alliant la force physique et l’adresse quand sonnera l’heure de la Revanche. Mais elle tient tout autant à conserver le contrôle d’une activité, dont elle estime être le dépositaire. D’où son intérêt à ne pas se laisser voler la place par la société civile. Dès lors, cette dualité influencera largement le développement sportif, jusqu’au premier conflit mondial. D’un côté, le sport plaisir, considéré comme marginal et utilitaire; de l’autre, le sport patriotique et militarisé, «excellent agent pour le débourrage physique qui doit précéder l’entrée dans l’armée moderne». Une chose, cependant, était acquise: la pratique des exercices physiques devenait un facteur essentiel de l’hygiène morale et physique de la jeunesse française. L’éducation physique à l’école: une introduction laborieuse mais décisive.  

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Problème d’éducation militaire

Pour apprendre aux élèves, il faut d’abord former des maîtres, capables de dispenser cette matière. C’est dans ce cadre que Jules Ferry intervient, le 3 juin 1882, à la fête fédérale de la gymnastique: «L’Université reconnaît que le problème de l’éducation nationale n’est pas suffisamment résolu dans un pays comme la France par la culture intellectuelle et morale, la culture physique doit s’y ajouter. Voilà pourquoi la loi a rendu obligatoire l’enseignement de la gymnastique. Mais la gymnastique est inséparable de l’éducation militaire, celle-ci est le but, l’autre le moyen; le problème que pose devant nous ce grand et heureux développement des sociétés de gymnastique c’est un problème d’éducation militaire… Nous croyons que l’éducation militaire ne pénétrera complètement dans nos mœurs scolaires qu’après que l’instituteur sera devenu lui-même un professeur des exercices militaires.» 

Leçons de gymnastique et de maniement des armes

Dans les écoles normales, la gymnastique n’est, en effet, qu’épisodiquement enseignée. Si le programme de 1832 l’a bien inscrite dans les textes, en 1836, on espère toujours l’arrivée, à Rodez, «d’un capitaine ayant des connaissances spéciales». En 1860, considérant que ses élèves, presque tous paysans, sont des jeunes gens le plus souvent gauches et lourdauds, le directeur de l’école normale de Rodez décide d’engager un sergent du 46e, chargé d’assurer les leçons de gymnastique et de maniement des armes. L’enseignement intègre alors de plus en plus la gymnastique dans ses programmes. Deux manuels à l’usage des instituteurs et institutrices sont publiés dans la foulée: le manuel de gymnastique et des exercices militaires en 1880 et le manuel de gymnastique à l’usage des écoles primaires et secondaires de filles et des écoles normales d’institutrices, en 1884. La gymnastique y conserve bien sûr le monopole, basée sur les exercices de formation, d’ordre, de marches et de mouvements d’ensemble, inspirés de la tradition militaire.

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L'armée française à la manoeuvre

En 1883, le directeur de l’école normale des garçons peut s’estimer satisfait des premiers résultats: tous ses élèves ont appris à nager et, pour la première fois, note-il, «un élève a subi avec succès l’examen du certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique». L’enseignement de la gymnastique concerne aussi les élèves maîtresses de l’école normale de Rodez. Un rapport de 1889 note que «les exercices de gymnastique ont lieu tous les jours, de 10 heures à 10h25, dans la cour, lorsque le temps est beau, dans une portion de couloir, quand il pleut; mais cet espace est trop restreint, et, dès maintenant, nous sentons vivement la nécessité d’un préau couvert. Nous n’avons pu, pour la même raison, installer les appareils envoyés par le Ministère et nous devons, pour cette année, nous borner à la gymnastique sans appareils, mouvements du corps avec haltères, bâtons, etc.». De son côté, l’armée française ne tient pas à ce que l’éducation physique scolaire lui échappe.

Sous la poussée des idées pacifistes, l’enthousiasme s’estompe

Après l’instauration du service militaire obligatoire (1889), l’état-major se hâte de mettre en place une structure, chargée d’initier les jeunes élèves aux exercices militaires avant la fin de leur cycle scolaire. Deux années sous les drapeaux se révèlent, en effet, notoirement insuffisantes pour espérer former des jeunes gens à la discipline et au patriotisme. Ces valeurs doivent leur être inculquées très jeune. Pour y pourvoir, le Ministère de la Guerre et de l’Instruction Publique crée les bataillons scolaires, de l’école primaire aux lycées, sous la férule d’instructeurs militaires ou d’instituteurs formés à cet effet. Ces bataillons connaissent d’abord un vif succès puis, sous la poussée des idées pacifistes, l’enthousiasme s’estompe. Le port de l’uniforme et le maniement des armes sont délaissés dès 1907, les exercices se bornant désormais à des évolutions gymniques. (À suivre)

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