L’appui des généralistes aux urgences, une solution aux contours flous

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Centre Presse

Dans un contexte délicat, le député Thomas Mesnier (LREM) a rendu public un rapport sur l’organisation du Samu en France, qui préconise notamment de s’appuyer davantage sur les médecins généralistes. Président du conseil de l’Ordre des médecins de l’Aveyron, Didier de Labrusse nous explique aujourd’hui ce qu’il en attend.

Pensez-vous qu’il soit nécessaire de « repenser » l’organisation des Samu en France ?

Le système est à bout de souffle, c’est la position officielle de l’Ordre des médecins. On ne peut pas nier qu’il y a un encombrement aux urgences, et parfois des conditions dans lesquelles elles n’ont pas répondu de manière correcte. Le système dysfonctionne de plus en plus souvent.

Pensez-vous, comme le député Mesnier, que le Samu a dévié de sa mission de traiter seulement les urgences vitales ?

Tout à fait. Je suis aussi d’accord avec lui lorsqu’il dit que la moitié des personnes qui se retrouvent aux urgences... n’auraient pas dû être là !

Quelles sont les causes de cette situation ?

Elles sont multifactorielles. Tout d’abord le fait que toute la « bobologie » aille aux urgences (qui voient passer quelque 20 millions de personnes chaque année en France, NDLR). Il y a aussi probablement un manque de personnel... Mais il faut aussi régler le problème au départ. Les gens viennent aux urgences parce qu’ils ne trouvent pas leur médecin. Tous les médecins se sont mis sur rendez-vous, sans doute parce qu’il en avait assez de voir arriver des patients jusqu’à 22 heures dans leurs cabinets.

Le renouvellement des médecins est-il assuré en France ?

Les politiques nous disent qu’on assure ce « renouvellement » en formant 3 300 généralistes par an pour 1 900 départs en retraite. Ce qu’on ne dit pas, c’est que seuls 15 % de ces nouveaux médecins se tournent vers la médecine générale. Quel sénateur ou député n’a pas envie de faire des effets de manche en disant : « Il faut obliger les médecins à s’installer à la campagne » ? Avec la politique du « y’a qu’à-faut qu’on », on ne fait que du replâtrage...

Quelle est la situation en Aveyron ?

On arrive à réinstaller plus de généralistes qu’il n’en part en retraite. En revanche du côté des spécialistes, c’est la catastrophe. Et on ne fait rien actuellement pour boucher ce trou démographique.

Le rapport du député Thomas Mesnier propose de faire intervenir les généralistes dans les centres Samu, avec les urgentistes, pour traiter les cas les plus simples...

Dans l’Aveyron, des généralistes interviennent déjà et font la régulation dans les locaux du Samu. Pour ce qui est de les faire intervenir aux urgences, il y a des blocages administratifs extraordinaires, et se pose aussi la question de savoir qui va payer pour cela. L’hôpital de Rodez s’est prononcé contre... et les urgentistes ne sont pas non plus favorables à la chose. Cependant le nouveau directeur de l’hôpital de Rodez travaille avec la Commission médicale d’établissement à la mise en place d’une maison médicale de garde, qui pourrait trouver sa place dans un local à côté des urgences. Il en existe déjà une à Albi et bientôt une autre à Castres.

Cela est-il de nature à solutionner les problèmes ?

Cela permettrait de donner le choix aux personnes qui se présentent aux urgences. Par exemple, dire à un couple avec un bébé à 38,2 degrés de fièvre : soit vous attendez six heures aux urgences... soit, à la porte juste à côté, il y a un médecin généraliste.

Les pouvoirs publics ont leur rôle à jouer dans l’amélioration de cette situation...

À l’exception du sujet des antibiotiques, à aucun moment les acteurs de santé publique n’impliquent la totalité des acteurs, à savoir patients, médecins, hôpitaux et caisses de sécurité sociale. Il faudrait une campagne d’éducation populaire pour apprendre aux jeunes mamans ou aux jeunes couples que si leur bébé à 38 de fièvre et le nez qui coule, cela peut attendre le retour de leur médecin. Il faudrait une mobilisation de tous les acteurs de santé autour de cette problématique. Les seules campagnes sanitaires concernent les maladies telles que le diabète, le cancer, l’hypertension artérielle... or ce ne sont pas ces malades qui encombrent les urgences.

L’encombrement peut-il être rentable pour l’hôpital ?

Tout à fait, c’est une source de revenus ! Vous entendez râler les patients, les urgentistes... mais combien de directeurs d’hôpital se battent réellement pour désengorger leurs urgences ? C’est l’une des sources de financement de l’hôpital. Quelqu’un qui se présente avec la gorge rouge qui fait mal, cela rapporte une somme de l’ordre de 300 €. Les hôpitaux fonctionnent à la T2A, la Tarification à l’acte, le même fonctionnement que dans les cliniques privées. Ils ont tout intérêt à faire du chiffre...

« Je n'incrimine personne »

Simone s’est rendue il y a quelques semaines aux urgences pour y accompagner un cousin victime d’une entorse au cours d’une rencontre sportive. Arrivée un samedi soir vers 21 h 15, on l’a renvoyée en salle d’attente après les formalités d’admission en lui disant : « Maintenant, vous avez entre 5 et 6 heures d’attente ». « La salle d’atttente était bien remplie, mon cousin m’a dit qu’il préférait partir et revenir le lendemain », explique Simone. Le dimanche matin, retour aux urgences ruthénoises vers 8 h 30, nouvelles formalités d’admission et retour dans la salle d’attente avec, là aussi, 5 ou 6 heures d’attente annoncées, du fait que les services étaient « surbookés ». Le cousin blessé quitte la salle vers 11 heures, partira en radiologie et sortira finalement vers 13 h 30 avec traitement, ordonnance et un rendez-vous chez un orthopédiste dans les semaines suivantes. « Mon sentiment est qu’il n’y a pas assez de monde. Je n’incrimine pas le personnel. J’aimerais cependant qu’on m’explique pourquoi le service était surbooké... alors que la salle d’attente était vide... Peut-être l’heure de la relève des équipes ? Je n’incrimine pas le personnel mais les gens viennent pour un oui ou pour un non ».
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