Les conséquences du confinement, l’autre menace qui plane sur les Ehpad

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  • Le gouvernementpréconise de confiner les résidents des Ehpad dans leur chambre.
    Le gouvernementpréconise de confiner les résidents des Ehpad dans leur chambre. Jean-Louis Bories
  • Alors que les visites des familles sont interdites, le personnel des Ehpad a un rôle encore plus important à jouer auprès des résidents.
    Alors que les visites des familles sont interdites, le personnel des Ehpad a un rôle encore plus important à jouer auprès des résidents. Repro CPA
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Guillaume Verdu

Dépression, isolement, perte d’autonomie… La mesure prise pour lutter contre le covid-19 peut provoquer des effets néfastes sur les résidents.

Préconisé par Olivier Véran, le ministre de la Santé, "l’isolement individuel" est la dernière mesure qui doit permettre de protéger les résidents des Établissements d’hébergements de personnes âgées dépendantes (Ehpad) contre le coronavirus. Seulement, si l’isolement permet de limiter la propagation de l’épidémie, il peut aussi poser des problèmes sur la santé des personnes âgées.

"Cette disposition provoque beaucoup de restrictions, parfois dures à vivre, explique Pierre Roux, directeur de l’Ehpad Les Caselles, à Bozouls, et délégué départemental de l’Association des directeurs de services aux personnes âgées (AD-PA). Il n’y a plus de repas dans la salle à manger, la plupart des activités sont supprimées. Cela s’ajoute à l’absence des familles, car les visites sont interdites." Cette situation n’est pas sans conséquences sur l’état psychique ou physique de certains résidents.

David Morin, directeur de l’Ehpad de Saint-Chély-d’Aubrac, a déjà pu le mesurer. "Nous n’avons pas attendu les recommandations du gouvernement pour procéder à un confinement dans les chambres. Chez nous, c’est le cas depuis le 20 mars", indique-t-il. Il évoque chez certains de ses pensionnaires "des pertes de repères, des troubles du comportement, des signes de dépression ou encore une tendance à moins s’alimenter". Voire des "syndromes de glissement" dans les situations les plus extrêmes. "Sur nos 65 résidents, c’est le cas pour 2 ou 3 personnes, précise David Morin. Il y en a par exemple une atteinte d’un cancer qui se laisse mourir plus rapidement."

Le risque de l’isolement est aussi d’accélérer la perte d’autonomie, par une dégradation de l’état physique. "Un corps âgé a tendance à perdre beaucoup de masse musculaire rapidement, avance Pierre Roux. Le manque de mobilité peut entraîner des troubles articulaires et dans certains cas la perte de la marche."

"Ne laisser tomber personne"

Face à cette situation, les Ehpad essaient de trouver les solutions pour maintenir leurs résidents en bonne santé. Même si cela n’est pas toujours facile. "Beaucoup de notre temps est consacré à l’hygiène et aux précautions pour lutter contre l’épidémie, rappelle le directeur de l’établissement de Bozouls. Nous essayons de cibler tout ce qu’il faut faire pour ne laisser tomber personne."

Cela passe par un soutien des résidents en remplaçant la présence perdue depuis la fin des visites des familles. "Avec les moyens modernes, les personnes âgées restent en contact avec leurs proches, mais cela ne remplace pas les visites, estime David Morin. Surtout que cette génération n’a pas tellement l’habitude de ces outils."

Alors il faut ruser pour être à proximité sans mettre personne en danger. À l’image d’une employée de La Rossignole, à Rodez, qui lance une partie de Scrabble avec des résidents, avec masques, gants et désinfection du jeu.

"Nous profitons du beau temps et de notre espace extérieur en les laissant faire des promenades, lance Elsa Rouquette, qui travaille aux Caselles, à Bozouls. Mais cela se fait dans le respect des gestes barrières : ils se promènent un par et un et s’ils peuvent se parler un petit peu, c’est seulement de loin."

"Desserrer l’étau"

Certains établissements ont aussi décidé d’assouplir les mesures d’isolement. "Nous desserrons l’étau en organisant quelques activités collectives, relève Alain Bercegol, directeur de l’Ehpad Marie-Vernières, à Villeneuve-d’Aveyron. Nous avons des projections de films ou encore des séances de gym, pour quatre ou cinq personnes maximum et en respectant les mesures barrières." De même, il déjeune à tour de rôle avec les résidents "enclins à la dépression", afin de briser tout sentiment de solitude.

D’autres directeurs envisagent d’aller plus loin. "La question que l’on se pose actuellement, c’est de savoir si on ne va pas autoriser les visites pour les personnes les plus en difficulté, évoque David Morin. Mais le problème, c’est que si on le fait pour deux ou trois, pourquoi ne pas le faire pour toutes ?"

Plutôt que d’envisager cette mesure, son confrère Pierre Roux note quant à lui que la situation est de mieux en mieux vécue par les personnes âgées. "Les signes de vie reviennent, positive-t-il. Les résidents s’habituent et ont davantage le moral que la semaine dernière." Certainement le meilleur allié pour surmonter la situation actuelle.

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