Parler salaire entre collègues, un tabou qui contribue à entretenir l'inégalité salariale hommes-femmes

  • En France, depuis le 4 novembre à 16h16, les femmes ont commencé à travailler "gratuitement" et ce jusqu'à la fin de l'année 2020.
    En France, depuis le 4 novembre à 16h16, les femmes ont commencé à travailler "gratuitement" et ce jusqu'à la fin de l'année 2020. hyejin kang / IStock.com
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Relaxnews

(ETX Studio) - En France, 44% d'hommes et femmes ne savent pas combien gagnent leurs collègues qui occupent un poste similaire au leur. Briser ce tabou représente pourtant un axe essentiel pour sensibiliser aux inégalités salariales de genre dans les entreprises, souligne une enquête réalisée par le collectif féministe Les Glorieuses. 

4 novembre, 16h16. L'heure et la date ne correspondent pas à l'annonce du gagnant des élections américaines, mais au moment à partir duquel les femmes ont commencé à travailler "gratuitement" en France. Et ce jusqu'à la fin de l'année 2020. Une estimation calculée par la newsletter féministe Les Glorieuses, qui en 2016 lançait cette action pour sensibiliser à l'écart salarial hommes-femmes dans notre pays. 

"Pour calculer cette date, nous avons rapporté d'écart de salaire entre les femmes et les hommes en France (15,5% selon des chiffres Eurostat 2020) au nombre de jours ouvrés en 2020, donc 253. Ainsi, nous avons pu obtenir la date du 4 novembre à 16h16 et 48 secondes, moment où les femmes pourraient toutes s'arrêter de travailler en France du fait des inégalités de salaire", explique Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses.

Cette année, le mouvement des Glorieuses est symbolisé par le hashtag #4Novembre16h16 sur les réseaux sociaux et s'accompagne d'une pétition ainsi que de la publication d'un sondage compilant plus de 7 000 réponses d'hommes et de femmes vivant et travaillant en France. 

L'enquête met en lumière les pistes d'amélioration à instaurer dans les entreprises pour faire avancer la cause de l'égalité salariale entre les sexes : plan de relance économique féministe, congé paternité obligatoire... Ainsi qu'une plus grande culture dans les entreprises concernant le salaire des employés. À poste égal, 44% des personnes interrogées expliquent ne pas connaître le salaire de leurs collègues occupant un poste similaire. 

Un pourcentage qui illustre bien le manque de transparence qui perdure dans les entreprises françaises, estime la Lucile Quillet, autrice de l'ouvrage "Libre de prendre le pouvoir sur ma carrière". "En France, on fait de la question du salaire une affaire de négociation personnelle, alors que tout le monde n'est pas armé. Si vous vous sentez légitime mais que vous avez peur de demander une augmentation par peur qu'on vous oppose un non ou parce que vous souffrez du syndrome de l'imposteur, vous n'allez pas oser demander plus. Ce manque de transparence arrange les entreprises puisque cela leur fait réaliser des économies", note la journaliste. 

Le syndrome de l'imposteur évoqué par la journaliste est un mécanisme psychique décrit sous ce nom par deux psychologues américaines à la fin des années 70. Il  désignant l'incapacité d'une personne à reconnaître ses propres compétences professionnelles à leur juste valeur. Un phénomène formulé au masculin, mais qui touche majoritairement les femmes. 

"Et toi, combien tu gagnes ?" 

Toujours selon l'enquête menée par Les Glorieuses, 80% des femmes et 70% des hommes interrogés se disent prêts à parler ou à partager des informations sur leur rémunération afin de "faire avancer la cause de l'égalité salariale". "Ce n'est pas étonnant que les hommes soient d'accord, si l'on part du principe qu'ils n'ont pas grand-chose à perdre. Je pense qu'il y a un besoin global de ce type d'information, qui peut s'avérer nécessaire pour tout le monde, y compris pour les entreprises. Car plus on est transparent, moins il y a de rumeurs, de spéculation, d'accusations de favoritisme, etc", commente Lucile Quillet. 

Peut-on pour autant, si l'on apprend en discutant qu'on est effectivement moins bien payé que certains collègues dont le poste et le niveau d'expérience est similaire aux nôtres, s'en servir pour exiger une augmentation ? Lucile Quillet recommande d'adopter une autre stratégie.

"L'argument selon lequel une personne est mieux rémunérée que soi n'est jamais une bonne tactique à mon sens. Malheureusement, chez nous, on obtient rarement gain de cause en pointant une injustice. Mieux vaut mettre en avant son investissement, ses compétences, ce qu'on apporte à l'entreprise et sa volonté d'évoluer. Et si on obtient un refus pour une augmentation de salaire, il faut garder en tête qu'il existe d'autres leviers de négociation. On peut par exemple demander le recrutement d'un stagiaire ou d'un assistant pour soulager notre charge de travail, une formation pour monter en compétence, etc...", suggère l'experte. 

En plus du syndrome de l'imposteur, une foule de raisons peuvent dissuader de demander une augmentation : peur de paraître égoïste si l'entreprise traverse une passe difficile sur le plan financier, impression d'être trop gourmande si l'on a "déjà" été augmentée quelques années auparavant... "Il faut toujours essayer. On peut vous dire non, bien sûr, mais cela ne donnera pas une mauvaise image de vous, du moment que votre demande est légitime", tranche toutefois Lucile Quillet. 

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