La Selve : retour au temps pas si lointain de la bénédiction des troupeaux pour la Saint – Roch

  • Le clocher de La Selve. Le clocher de La Selve.
    Le clocher de La Selve. repro CP
  • porte Notre dame porte Notre dame
    porte Notre dame repro CP
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CORRESPONDANT

Au matin de la Saint-Roch, sitôt la messe dite, de très bonne heure par conséquent, M. le curé, revêtu du surplis et de l’étole, coiffé de son bonnet carré, descendait sur la place du village, accompagné des enfants de chœur chargés du bénitier et de la croix, pour la bénédiction des troupeaux.

Il prenait place sur les degrés de la croix monumentale de fer forgé.

Et un spectacle pittoresque se déployait devant lui. Des troupeaux, venus de tout le village, affluaient dans l’espace libre : bœufs, vaches, veaux, chevaux, brebis, chèvres ou cochons, oies et canards, voire dindons…

Chacun voulait confier sa principale richesse à la bénédiction du Ciel et au patronage du saint montpelliérain, si populaire dans tout le Rouergue. Le Christ ne nous a-t-il pas appris à demander à Notre Père, le pain de chaque jour ?

C’était un beau vacarme où se mêlaient mugissements, hennissements, bêlements, grognements, Quand la gent volatile y allait de ses coin-coin et de ses glouglous, cela devenait inexprimable.

Sans compter que les hommes criaient et que les femmes glapissaient.

Enfin bêtes et gens finissaient par se caser et par s’apaiser. Et M. le curé, d’une voix forte qui, éventuellement, aurait pu dominer le tumulte, lisait les prières pour la bénédiction du bétail, après avoir chanté sur le mode solennel les antiennes et les répons. Les hommes s’étaient respectueusement découverts et les femmes, pieusement, se signaient.

Après quoi, le vieux prêtre annonçait qu’il allait donner, tel St-François, la bénédiction spéciale aux abeilles et aux ruches.

Et il bénissait les quatre points cardinaux.

Tandis que les troupeaux réintégraient leur ferme, M. le curé reprenait le chemin de l’église. Mais, passé la vieille porte qui donne accès au bourg, armé de l’aspersoir, il bénissait inlassablement, le long de la vieille rue montante, les denrées destinées au bétail, que les gens n’avaient pas manqué de disposer devant leur porte à cet effet : sacs de blé, d’avoine ou de pommes de terre… Nul n’aurait voulu manquer cette bénédiction : "Nous vous prions, Seigneur, de nous donner les fruits de la terre et de nous les conserver" !

Dans les jours qui suivaient, M. le curé, armé de son bâton, parcourait d’un pas rude et ferme, les hameaux d’alentour et les fermes isolées, pour donner à chaque troupeau la bénédiction de Dieu.

Voilà comment mes yeux ont vu, jadis, ce touchant et pittoresque spectacle. Pittoresque par la couleur, touchant par la foi qu’il témoigne. Plus que d’autres, le paysan est en butte aux caprices de la nature ; mieux que d’autres, peut-être, il sent la nécessité de recourir au Maître qui dispose de la nature.

Cela se passait il y a un quart de siècle, dans ce riant village du Ségala finissant, serti déjà, comme dans un écrin, au fond des pentes verdoyantes du Lagast.

Tout le Rouergue pratique la bénédiction des troupeaux. Dieu veuille que l’habitude jamais ne se perde. Il m’a semblé que celle-ci, dans sa forme colorée, méritait d’être transcrite.

Texte tiré des "Souvenirs de l’Escloupiè" du chanoine Charbonnel transmis par les Archives départementales à Rodez.
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