Droit au sommeil ou à la fête ? A Paris, le retour des terrasses éphémères ravive le débat

  • Bouffée d'oxygène pour les uns, "cauchemar" pour les autres, le retour mercredi des terrasses éphémères à Paris fait ressurgir le débat entre "droit à faire la fête" et "droit au sommeil".
    Bouffée d'oxygène pour les uns, "cauchemar" pour les autres, le retour mercredi des terrasses éphémères à Paris fait ressurgir le débat entre "droit à faire la fête" et "droit au sommeil". Ludovic MARIN / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Bouffée d'oxygène pour les uns, "cauchemar" pour les autres, le retour mercredi des terrasses éphémères à Paris fait ressurgir le débat entre "droit à faire la fête" et "droit au sommeil" qui s'est considérablement durci ces dernières années dans la capitale.

Plus de six mois après avoir été contraints de baisser leurs rideaux en raison du Covid-19, cafés et restaurants vont de nouveau être autorisés à accueillir du public - uniquement en terrasse et sous réserve de respecter une série de mesures sanitaires.

Comme à Londres mi-avril, où les pubs avaient été pris d'assaut, l'affluence devrait être au rendez-vous en dépit d'une météo qui s'annonce capricieuse.

"Les gens attendent de pouvoir ressortir (...) et c'est très bien", se réjouit Frédéric Hocquard, adjoint chargé de la vie nocturne à la mairie de Paris. "On a besoin de retrouver un espace extérieur de convivialité".

Cafetiers et restaurateurs risquent toutefois de devoir composer cette fois-ci avec certains habitants sur le qui-vive, réticents à renouer avec les décibels sous leurs fenêtres après avoir profité d'un calme relatif pendant les périodes de confinement et couvre-feu.

Bruitparif, l'observatoire du bruit en Ile-de-France, a enregistré une baisse de 6 à 20 décibels lors du premier confinement dans les quartiers les plus animés de Paris.

Ces données ont apporté de l'eau au moulin de certains riverains qui ont multiplié dernièrement les prises de parole en prévision de la réouverture des terrasses, puis de la suppression totale du couvre-feu, décalé progressivement de 19h à 21h puis 23h.

- "Pétage de plombs" -

"Il est évident que le seuil d'acceptabilité va avoir énormément baissé", prévient Gilles Pourbaix, président du Réseau Vivre Paris, qui s'attend à un retour "très violent" des terrasses. "Les Parisiens ont repris dans beaucoup de quartiers dits festifs l'habitude de dormir la nuit, et de nouveau ce droit va leur être retiré".

"Tout le monde est d'accord pour aider les restaurateurs mais il faut juste parvenir à trouver un juste équilibre", abonde Amélie Terrien, du collectif "Droit au sommeil".

"Les endroits où vous avez une terrasse de restaurant ça passe, mais quand vous en mettez dix à la suite sous les fenêtres, c'est intenable, c'est un cauchemar", ajoute-t-elle, n'écartant pas un "pétage de plombs" de certains riverains.

Dans sa ligne de mire, les terrasses éphémères installées dans des rues étroites, les unes à côté des autres, et le dépassement de l'autorisation des 22h00 - contre 02h00 du matin pour les terrasses classiques - l'été dernier.

A la mairie de Paris, où une concertation est en cours sur cette question, Frédéric Hocquard admet qu'"il faut qu'il y ait une meilleure régulation que celle de l'été dernier", mais insiste: "il va y avoir besoin d'un tout petit peu de décompression."

- "Y mettre du sien" -

Entre mi-mai et fin septembre 2020, entre le premier et le deuxième confinement, les agents de la Ville ont dressé 800 procès-verbaux aux établissements pour les nuisances sonores de leurs clients en terrasse, sans inclure les chiffres de la préfecture de police, selon la mairie.

Loin d'être nouvelles, les crispations entre riverains et lieux de fête existent depuis "la nuit des temps", reconnaissent les professionnels du secteur.

Mais depuis vingt ans, ces tensions sont montées d'un cran, avec la loi antitabac de 2007 qui a poussé les fumeurs sur le trottoir, et ont été particulièrement vives à Paris comparé à d'autres grandes capitales, selon William Straw, pionnier des "night studies".

Pour ce professeur à l'université canadienne de McGill, cette évolution résulte d'associations de riverains mieux organisées qu'ailleurs et de camps convaincus de représenter chacun "l'âme du quartier" dans lequel ils se trouvent.

Pour Frédéric Hocquard, il ne faut pas oublier que "Paris est quand même une ville dans laquelle il y a du monde, donc il y a un degré de niveau sonore plus important que si on habitait à la campagne, en zone périurbaine ou au bord de la mer".

Droit au sommeil et droit de festoyer "ne sont pas incompatibles, à partir du moment où chacun y met du sien", ajoute l'élu.

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