"La nourriture tient une place primordiale dans le développement de l'enfant" (Dr Catherine Salinier)

  • "Pendant les 1000 premiers jours de vie, de sa conception à ses 2 ans au moins, l'enfant connaît une période de développement unique, autant physique que physiologique, cognitive et psychologique"
    "Pendant les 1000 premiers jours de vie, de sa conception à ses 2 ans au moins, l'enfant connaît une période de développement unique, autant physique que physiologique, cognitive et psychologique" eclipse_images / Getty Images
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Relaxnews

(ETX Daily Up) - Présidente du Programme Malin et pédiatre, le Dr Catherine Salinier présente l'importance d'une bonne alimentation dès les 1000 premiers jours de la vie de l'enfant et les objectifs du Programme Malin, testé depuis 2012 dans quelques départements. Ce programme, qui vise à aider les familles en situation de fragilité socio-économique à bien nourrir leurs jeunes enfants, est dorénavant disponible dans toute la France.


En quoi les mille premiers jours de la vie d'un enfant peuvent impacter le reste de sa vie ?
Pendant les 1000 premiers jours de vie, de sa conception à ses 2 ans au moins, l'enfant connaît une période de développement unique, autant physique que physiologique, cognitive et psychologique. De nombreuses études épidémiologiques internationales montrent que la prévalence des maladies chroniques non transmissibles de l'adulte est moindre si l'enfant a bénéficié pendant cette période d'un environnement nutritionnel adapté à ses besoins et à ses capacités métaboliques.
Quelle est la place de la nourriture dans le développement des enfants et leur futur alimentaire ? 
La nourriture tient une place primordiale dans le développement de l'enfant, que ce soit pour son développement somatique (sa taille et son poids) que pour son développement intellectuel, au développement de ses organes, etc. Par exemple, certains éléments comme le fer, les acides gras essentiels oméga 3, l'iode, les vitamines sont nécessaires à la croissance et à l'organisation cérébrale. La nourriture doit être adaptée à l'enfant et non à l'adulte (pas de graisses saturées, chaque nutriment en quantité nécessaire et suffisante).
Le fait de bien nourrir son bébé peut-il donner de nouvelles habitudes alimentaires aux parents?
Les parents d'un petit bébé puis enfant seront d'autant plus susceptibles de changer leurs habitudes nutritionnelles qui veulent le mieux pour leur enfant et auront compris les principes d'une nutrition saine qu'ils appliqueront forcément à toute la famille dès que l'enfant sera à la table familiale. 
Les bienfaits seront donc pour eux aussi une amélioration de leur santé en termes de poids mais aussi de métabolisme (moins d'hypertension, de cholestérol, d'obésité …) s'il y avait des dérives auparavant. 
Pouvez-vous nous expliquer le principe du Programme Malin ?

L'offre budgétaire du Programme Malin est ouverte aux familles en situation de fragilité socio-économique.  Elle se présente sous forme de bons de réductions, allant de 20 à 80% pour certains produits, utilisables dans toutes les enseignes de la grande distribution et par des systèmes de vente en ligne. Ils permettent d'acheter des produits adaptés à l'alimentation de la famille et des produits pour cuisiner plus facilement. Les familles n'ont pas besoin de se rendre dans des circuits spécialisés pour acheter les produits.
Ce sont des produits dédiés à l'alimentation infantile adaptés et de qualité (lait infantile, plats d'alimentation infantile) et à l'alimentation familiale faite maison (des produits bruts comme de la volaille et des matières grasses, des produits laitiers, des ustensiles de cuisine, du petit électroménager). Associés aux conseils nutritionnels et aux recettes proposées par le Programme Malin, ces produits permettent aux familles de cuisiner régulièrement des plats adaptés à leurs besoins. Notre objectif est peu à peu d'aider les familles à constituer l'assiette idéale du Programme national nutrition santé (PNNS).
Quels sont les impacts observés sur les régions pilotes ? Qu'est-ce que le programme a déjà changé ? 
Tout d'abord, le programme Malin a réussi à mettre en place un dispositif de communication innovant permettant de toucher des familles sous contraintes budgétaires pas toujours touchées par les dispositifs publics et associatifs. Cette communication est passée par l'envoi d'e-mails de la CAF et un réseau de structures locales partenaires (santé, social, petite enfance…). Cela a permis de toucher au moins 30% des enfants éligibles. Ensuite, l'offre proposée a été co-construite par des familles et des acteurs de terrain ; ce qui a permis de vérifier sa pertinence pour répondre aux besoins des familles.
Combien de temps faut-il pour que les effets positifs se fassent ressentir chez l'enfant ? Et les parents ?
On ne peut le savoir que sur de grandes études interventionnelles en santé publique comme celle qui est incluse dans le Programme Malin et menée en partenariat avec l'Inserm et des maternités et dont les résultats seront connus après 2024. L'impact sur l'enfant d'une bonne nutrition se voit déjà en population générale (hors Malin) puisque les recommandations du PNNS ont fait stagner la courbe de prévalence de l'obésité qui, avant, était en hausse permanente. 
En ce qui concerne les bienfaits à long terme chez les adultes, ils seront visibles à l'échelle d'une génération si les personnes adultes continuent à avoir une nutrition saine. Il est bien évident que malgré une nutrition saine jusqu'à 2 ans si par la suite l'individu n'applique pas les recommandations générales adaptées à l'adulte (PNNS) il y aura effacement des effets bénéfiques, mais peut-être moins que si rien n'avait été fait avant 2 ans.
Dans quelles mesures y a-t-il urgence à déployer ce programme sur toute la France ?   
La crise sanitaire a entraîné une dégradation de la situation financière des ménages, affectant aussi bien les ménages les plus pauvres que les classes moyennes. Les ménages avec enfants sont plus nombreux à déclarer une dégradation de leur situation financière.
 
L'aide alimentaire ne peut pas répondre seule correctement à l'ensemble des besoins. Le Programme Malin touche des profils de familles qui n'ont pas l'habitude ou ne sont pas éligibles à des dispositifs sociaux portés par des associations ou les pouvoirs publics. Ces familles vont se situer juste en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté. Il nous semble donc très important de pouvoir leur apporter un coup de pouce budgétaire et des conseils adaptés afin que ces familles puissent avoir une alimentation de qualité et contribuer à éviter la bascule dans la grande précarité. Et ce d'autant plus dans la situation de crise actuelle.  
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