Aveyron : « Les librairies vont pouvoir mieux résister à Amazon » selon Benoît Bougerol

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  • Benoît Bougerol est le patron de la Maison du livre, à Rodez, et de la librairie Privat, à Toulouse.
    Benoît Bougerol est le patron de la Maison du livre, à Rodez, et de la librairie Privat, à Toulouse. Centre Presse - José A. Torres
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Patron de la première librairie aveyronnaise, la Maison du livre de Rodez, Benoît Bougerol revient sur la loi, votée cette semaine, qui va obliger les plateformes en ligne à facturer des frais de port.

Cette semaine, les députés ont voté un texte de loi sur la réglementation des frais de port du livre. Une décision, quelques semaines après le passage du même texte au Sénat, saluée unanimement par les libraires indépendants et par Benoît Bougerol patron de la Maison du livre, à Rodez, mais aussi, depuis quelques années de la librairie Privat, deux des plus grandes librairies d’Occitanie. Longtemps président du Syndicat de la librairie française, qui défend la profession, il est à l’origine, il y a une dizaine d’années des actions en justice contre Amazon, le géant du commerce en ligne, quand il s’attaquait au marché français du livre, avec des armes dont ne disposent pas les boutiques indépendantes. S’il a aujourd’hui passé la main au sein du syndicat, pour se concentrer sur son mandat de vice-président à la CCI de l’Aveyron, il ne pouvait que se réjouir de cette nouvelle loi.

Pourquoi y a-t-il une iniquité entre les plateformes et les librairies indépendantes sur les frais de port ?

Historiquement, les grands acteurs numériques du livre, Amazon suivi par la Fnac, ont décidé de ne pas facturer de frais de port pour leurs ventes sur internet. L’envoi d’un livre coûte à l’expéditeur en moyenne 7 €. Eux les offraient. C’était donc une vente à perte. C’est le débat que nous avions en 2009, 2010 et 2011. La vente à perte est interdite en France, mais La Poste étant considérée comme un service additionnel et non pas comme la vente du livre en elle-même, nous avons fini par perdre en justice. À l’époque, Amazon perdait plusieurs millions d’euros en offrant les frais de port, ce n’est pas du tout envisageable pour un libraire indépendant et cela provoquait un phénomène de prédation avec un acteur qui veut s’imposer sur le marché, vend à prix cassés, et une fois qu’il est tout seul, peut remonter les prix. C’est ce qu’on voit aujourd’hui aux États-Unis.

Cette loi va régler définitivement le problème ?

Elle prévoit des frais de port minimum dont le montant doit encore être fixé par le décret d’application. Il y aura sans doute encore une différence entre les plateformes et les librairies indépendante. Si demain Amazon doit faire payer 4 € de frais de port sur les livres, nous, à la maison du livre, on facture une expédition 5,90 €. On prend en charge la différence par rapport au coût réel (environ 7 €, NDLR). Le delta sera moins grand que par rapport à la situation actuelle. Les centaines de librairies indépendantes qui ont des sites en France, seront un peu plus compétitives.

Cette décision ne vient-elle pas trop tard pour les indépendants ?

Les librairies indépendantes ne peuvent pas se mesurer à une multinationale qui s’est permis d’avoir jusqu’à 5 milliards de pertes annuelles pour s’implanter sur le marché. Aujourd’hui, Amazon représente plus de 10 % des ventes de livres en France. Cela vient un peu tard. Si en 2004-2005 il y avait eu cette obligation de frais de port minimum pour limiter ce dumping, aujourd’hui, le réseau et le maillage des librairies aurait mieux tenu. Beaucoup ont lâché. En Aveyron, Comédia a fermé à Millau, comme la maison de Presse de Réquista, la librairie Lagarde dans le Lot, deux à Albi… Maintenant, ceux qui restent vont mieux pouvoir résister.

Pendant le premier confinement, il y a eu une mobilisation des clients pour faire reconnaître le caractère "essentiel" des librairies et obtenir qu’elles puissent rester ouvertes. Sentez-vous, en sortie de crise, cette mobilisation dans votre activité ?

Depuis la réouverture après la fin du premier confinement, la vente des livres a beaucoup augmenté. Toutes les librairies ont connu un rebond. Les consommateurs ont pris conscience qu’il fallait aider les commerces de proximité, et qui alors qu’ils commandaient sur internet sont revenus. Ensuite, probablement à la faveur du confinement, les gens sont revenus à la lecture. Depuis plusieurs années, le temps moyen consacré à la lecture, presse ou livre, baissait et on a vu un retournement pendant cette période-là. Il faudra voir si c’est pérenne.

La présidente du Syndicat de la librairie française a maintenant fixé pour objectif d’obtenir de l’État une évolution de la convention collective pour augmenter les salaires des libraires. Pourquoi cette démarche ?

Le livre est vendu au même prix partout. C’est donc l’éditeur qui fixe le prix, mais aussi la part qui revient au libraire. Notre marge est contrainte. Nos plus gros fournisseurs, Hachette et Editis, qui représentent 60 % du marché, font 12 % de résultat après impôts. La dernière enquête pour les librairies montre que nous sommes nous à 0,6 %. Nous n’avons pas de marge pour les salaires. Depuis le 1er octobre le Smic est à 1 589 € bruts, et 80 % des salaires en librairie sont entre 1 600 et 1 700 € bruts. 1 700 € bruts, c’est environ 1 250 € nets. Pour des gens qui ont souvent fait des études littéraires, ce n’est pas extraordinaire.

Comment trouver un accord avec les éditeurs ?

Nous avons des accords qui datent et qui ne cessent d’être rognés. Nous demandons aux éditeurs de réduire leur marge de 2 points et nous nous engageons à les reverser directement dans les salaires. Pour garantir cela, il faudrait revoir la grille des accords collectifs de la branche.

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