Précarité: des soins de beauté pour reprendre confiance et se réinsérer

  • La socio-esthétique, initialement créée pour apporter du confort aux personnes malades, se tourne de plus en plus vers l'insertion professionnelle des plus précaires.
    La socio-esthétique, initialement créée pour apporter du confort aux personnes malades, se tourne de plus en plus vers l'insertion professionnelle des plus précaires. supersizer / Getty Images
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(AFP) - Soin du visage, gommage du corps, savoir choisir des vêtements qui mettent en valeur: la socio-esthétique, initialement créée pour apporter du confort aux personnes malades, se tourne de plus en plus vers l'insertion professionnelle des plus précaires.

Aurore Fayolle, socio-esthéticienne à Tours (Indre-et-Loire), exerce depuis dix ans, après avoir été esthéticienne. La différence entre ces deux métiers ? "La socio-esthétique aide des patients" et non des clients, explique-t-elle à l'AFP.

Des organismes, tels que Pôle emploi ou des associations, recrutent les socio-esthéticiennes pour délivrer des soins gratuits à des personnes précaires: "Des jeunes, des personnes handicapées, éloignées de l'emploi, malades", détaille Aurore Fayolle.

"Quand une personne a +décroché+, on travaille sur l'hygiène pour reprendre soin de soi", dit-elle. "Il est important qu'une personne se rende compte que se motiver à s'habiller tous les matins, à sortir de chez soi, ça fait du bien".

Pour elle, les soins ont un impact à long terme: "Souvent, je rencontre des hommes qui se sont laissés aller, ne se sont pas rasés depuis longtemps. Après un rappel théorique et pratique, ils reprennent l'habitude de le faire".

Elle organise aussi des ateliers en groupe. "C'est valorisant, quand un inconnu dit au patient +Oh, ça te va bien+ pendant une +mise en beauté+".

- "La couleur guérit" -

Si les soins réalisés sont "différents pour chaque personne", ils poursuivent un but commun: reprendre confiance et se réinsérer, rappelle Mme Fayolle.

Le handicap ou la maladie peuvent aussi conduire à un repli sur soi. L'association Etincelle, à Paris, accompagne "une centaine de femmes", dont certaines en situation de grande précarité, malades ou ex-malades de cancers, à travers divers ateliers. Le mercredi, Christelle Panek, socio-esthéticienne, leur propose des soins d'une heure.

"Certaines sont à la rue", précise-t-elle.

Le soin est ainsi l'occasion pour elles de se confier sur leur vie personnelle, ou professionnelle pour celles qui ont un travail.

Sous les poutres, au sous-sol aménagé du local de l'association dans le 11e arrondissement de Paris, "beaucoup de patientes arrivent d'abord habillées de noir, mais la couleur guérit, elle est importante pour rebondir", assure la socio-esthéticienne.

A 9H00 heures, une "habituée" de cet atelier se présente. "J'arrive en mode tortue, mal dans ma peau, et je ressors toujours pleine d'énergie".

Les patientes accompagnées par l'association sont "de plus en plus jeunes", assure sa présidente, Catherine Adler Tal. Raison pour laquelle cette aide à la réinsertion est cruciale.

- Soins et CV -

Apparue en France dans les années 1970 pour apporter des soins de confort aux malades, la socio-esthétique connaît un essor ces dernières années, et se tourne vers un public plus large. Le Covid-19 a accéléré la tendance: "On voit qu'il y a davantage de personnes en souffrance, les structures font de plus en plus appel à nous", dit Aurore Fayolle.

L'association Joséphine accompagne depuis plus de dix ans des femmes souvent bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) ou sans revenus, en leur proposant des soins. En 2020, elle a décidé d'aller plus loin, en créant un programme baptisé "Estim'Emploi", alliant soins esthétiques et ateliers d'insertion.

Pendant six mois, dans le salon de l'association à Barbés, un quartier populaire à Paris, ces femmes précaires bénéficient de soins mais pas seulement: elles "élaborent et concrétisent un projet professionnel ou de formation", détaille Amélie Mouret, cheffe du projet. Au menu: coiffure et maquillage mais aussi bilan de compétences, découvertes de métiers, rédaction de CV, simulations d'entretiens etc.

Ces femmes éloignées de l'emploi "sont souvent isolées", dit-elle. Le programme leur permet de "retrouver un groupe", tout en renouant avec elles-mêmes durant les moments de soins. "On apprend à gérer le stress, les émotions, tout ce qui peut poser problème dans l'insertion professionnelle".

Sur 54 femmes ayant terminé le parcours, "40% sont en emploi et 18% suivent des formations professionnalisantes", déclare Amélie Mouret.

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