Clairvaux-d'Aveyron. Aveyron : la tour de la porte ouest de Clairvaux, hier défensive, aujourd’hui en péril

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  • La tour de la porte ouest de Clairvaux, hier défensive, aujourd’hui en péril
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Centre Presse

La tour de Clairvaux, du XIVe siècle, portera les espoirs aveyronnais de la Mission patrimoine et de son loto national. Un coup de pouce bienvenu pour les Amis du patrimoine et la commune, associés pour la restauration de l’édifice estimée à 500 000 €. La tour y prendra garde. En attendant, elle nous raconte.

Si le conseil municipal et l’association des Amis de Clairvaux s’affairent à mon chevet, c’est que vu mon grand âge et les affres du temps et des intempéries, je crois pouvoir avouer avoir subi quelques altérations : j’ai perdu mon chef il y a longtemps déjà et mes paliers intérieurs ; le pire est l’effritement de ma pierre, ce grès rouge si prisé par ici, mais si fragile parfois.

On me dit joyau de la commune de Clairvaux, le plus emblématique, est une des plus belles portes tours de l’Aveyron. Si je rivalise en originalité et en curiosité avec ma cousine de l’est ou porte dite de Rodez, le clocher de l’église romane voisine, les "toats" dans les caves des maisons du bourg, les statues anciennes ou des parisiens, la fontaine et avec les caveaux et les dégustations de vin, je reste la référence de l’architecture médiévale dans l’imaginaire de bien des visiteurs de ma cité.

Mon pays de Clairvaux et mon histoire

Une draye, ou chemin de transhumance, du Quercy à l’Aubrac, sans doute préhistorique, puis romaine et médiévale passait par Rignac, Ruffepeyre et Murat (Clairvaux), lieu qui tire son nom d’un enclos de nuit pour les troupeaux en marche vers les verts pâturages de l’Aubrac. Au début du XIe siècle, on trouve déjà dans la vallée de l’Ady, sous Panat, des vignes que supportent des terrasses de pierre et des maisons de vignerons. Au bord de la rivière, sur la rive gauche, se dressent les ruines d’un petit monastère en partie ruiné appelé Bonneval. Sur la rive droite, une petite chapelle dédiée à saint Didier de Cahors (sant Drezier) sert de lieu de culte.

La belle histoire : en 1060, revenant d’un long pèlerinage qui l’a mené à Jérusalem, à Rome et à Brantôme (la Venise du Périgord), le prince Alboin, fils d’Harold roi d’Angleterre, suivant la "vieille draye", aperçoit le vallon bien cultivé de Bonneval et les tours de Panat et de Cassagnes Comtaux qui se font face. Il décide de s’y rendre et découvre avec tristesse les ruines du monastère au milieu des vignes qu’il décide de relever. Il s’enquiert des accords de la famille de Panat, de la comtesse de Rodez et même de l’évêque et il fait un coup de maître : le territoire autour du monastère sera un "alleu", une terre sans seigneur qui sera placée sous la seule autorité de l’abbaye de Brantôme. Ainsi naît la sauveté de Claravals, lieu d’asile et de paix, pour la peupler, les gens qui s’y installeront seront affranchis de toutes redevances, il y aura un marché ou les transactions ne seront pas taxées. Les constructions remplissent bientôt les lots attribués selon un plan à peu près rectangulaire caractéristique découpé par un réseau de rues et de ruelles. Les limites de la sauveté sont encore visibles lorsqu’on visite Clairvaux (visite que les Amis de Clairvaux ont documentée, il suffit de se procurer le plan et de suivre les plaques explicatives).

Le statut de sauveté et son rempart spirituel et moral, qui avaient protégé "ma ville" pendant trois siècles, ne suffisaient plus en face de gens sans foi ni loi. On décida donc d’élever des défenses matérielles : une enceinte, dont la ligne se devine toujours, au nord et à l’ouest, des tours (disparues) et deux portes de ville, dont celle surnommée la "tour".

Ma construction doit être immédiatement postérieure à l’année 1356, au cours de laquelle des routiers se sont emparés de Clairvaux et ont dû être délogés par une armée envoyée par les voisins de Rodez. Mes bâtisseurs avaient fait le choix d’une tour ouverte à l’arrière, l’assaillant ayant pu pénétrer dans la cité n’aurait pu utiliser cet avantage contre l’intérieur, parce qu’il aurait été lui-même sans défense. On pouvait en outre se permettre une ouverture à l’est, car ce n’est pas le côté de la pluie.

Dans son ouvrage "L’architecture militaire dans le Rouergue au Moyen Âge" (1981), Jacques Miquel, historien des châteaux et des fortifications, a analysé mes originalités. Je suis "tour à gorge ouverte", sans façade du côté de "la ville", un des rares cas de porte de ville de ce genre en Aveyron, avec celle de Peyrusse-le-Roc. C’est une architecture qui se donne des airs de puissance, afin de dissuader un éventuel assaillant : peu de profondeur, pas de grandes plateformes pouvant porter des engins lourds, pas d’escaliers en pierre pour les réunir, mais, sans doute des escaliers en bois du type des échelles de meunier. L’ensemble était abrité par un toit à quatre pentes, dont les piliers d’angle de soutien ont été conservés. Je possède quatre niveaux, dont trois dotés d’archères, elles-mêmes datables du milieu du XIVe siècle.

J’ai été restaurée par les habitants, en 1412, dans la crainte de nouvelles attaques. La population d’un territoire, presque équivalent de l’actuelle commune de Clairvaux (moins Panat, mais comprenant en plus tout le secteur de Ruffepeyre), y avait un droit de refuge et, en contrepartie, elle était tenue de participer à l’entretien de ses remparts.

La porte de Clairvaux, qui est un des plus beaux témoins de l’architecture défensive du XIVe siècle et qui serait digne de figurer dans un choix de tête, à côté des portes de Mur-de-Barrez, de Peyrusse, de Villecomtal, de Villeneuve, etc, mériterait de figurer sur la liste des monuments historiques. Je suis la mémoire emblématique de cette histoire d’hommes et de femmes qui depuis plus d’un millénaire comptent sur moi et me contemplent.

Les hommes et les femmes du troisième millénaire ont décidé ma sauvegarde, les élus et les amis interrogent la conscience collective ; ils sollicitent la participation de toutes les structures et font à nouveau appel, en partenariat avec la Fondation du patrimoine et la Mission Bern, à la générosité publique pour me remettre en état. Je reprendrai du service en offrant aux visiteurs un point de vue inédit sur la sauveté de Claravals.

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