Psychiatrie : l’Aveyron paye aujourd’hui la facture du Covid-19

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  • À Sainte-Marie, cet accroissement de l’activité est bien perceptible. "Avec aucun signe d’apaisement pour le moment", souligne le Dr Rohmer.
    À Sainte-Marie, cet accroissement de l’activité est bien perceptible. "Avec aucun signe d’apaisement pour le moment", souligne le Dr Rohmer.
Publié le
Xavier Buisson

Ainsi que le révèlent plusieurs études récentes, dont celle de Santé publique France, la situation est actuellement très tendue du côté de l’état psychologique des Français, avec en ce début d’année une hausse généralisée, notamment, du nombre des consultations pour idées suicidaires (+500 % chez les 11-14 ans) à travers le pays. Une situation à laquelle n’échappe pas l’Aveyron, comme l’explique le Dr Rohmer, psychiatre et médecin chef au centre hospitalier Sainte-Marie.

Des gestes suicidaires en hausse de 105 % chez les 11-17 ans, +23 % chez les 18-24 ans, +36 % pour les plus de 65 ans lors de la première semaine de 2023 par rapport à la semaine précédente. Sur la même période, des idées suicidaires en augmentation de 500 % chez les 11-14 ans. +110 % chez 15-17 ans ou 37 % pour 18-64 ans, des troubles de l’humeur comptabilisés à +145 % chez les 11-17 ans, +34 % chez 18-24 ans ou +14 % chez les 25-64 ans… Le constat est alarmant, ainsi qu’en témoigne la dernière étude nationale de Santé publique France.

Selon le docteur Gérard Rohmer, psychiatre et médecin chef de la filière courte du centre hospitalier Sainte-Marie de Rodez, " il y a eu un très net impact du Covid sur les troubles anxieux ", même si d’autres critères ("insécurité globale, guerre, économie, état de la planète") entrent en ligne de compte.

Et l’Aveyron n’échappe pas à cette tendance, avec une hausse sévère de l’activité constatée localement. Pour exemple le seul Centre médico-psychologique de Rodez (CMP) "accueille 15 à 20 nouveaux patients chaque semaine", explique le spécialiste. "Lors du premier confinement, on a observé une baisse drastique du nombre des suicides et de 20 % du nombre des consultations en psychiatrie pour pensées suicidaires alors que dans le même temps on notait une augmentation des troubles anxieux selon les études menées sur cette période", retrace le psychiatre.

Jeunes et nouveaux patients

Dans la même ligne, le second confinement a été marqué par une baisse du nombre des suicides (-8 % dans l’Aveyron) avec, toujours, des alertes issues des enquêtes sur des "éléments anxieux très forts". "Il y a toujours une baisse des suicides dans les moments anxiogènes. C’est le même phénomène que pendant les guerres, même si les guerres sont horribles, il y a très peu de suicides. Quand la population, au même moment, fait face à un adversaire, il y a une cohésion très forte. Les pensées suicidaires sont en quelque sorte éteintes", affirme le Dr Gérard Rohmer.

C’est uniquement après les confinements que les tentatives de suicide et troubles dépressifs sont devenus "extrêmement importants", surtout chez les 16-25 ans. Des jeunes, mais aussi de nouveaux patients "qui n’étaient pas repérés dans le champ de la psychiatrie auparavant. Des personnes sans antécédent psychiatrique mais qui avait une fragilité interne, comme une enfance carencée. Ils tenaient le coup jusqu’aux confinements et l’isolation a réveillé des failles, surtout d’abandon, chez ces individus confrontés à eux-mêmes".

"Aucun signe d’apaisement pour le moment"

Il y a " trois grands modèles de pensées qui vont vers un risque suicidaire ", poursuit le psychiatre de Sainte-Marie : " Une situation de rupture de vie, un sentiment brutal de solitude (perte d’un emploi, rupture amoureuse, déménagement) ; la pensée que l’on est un fantôme, transparent, une position d’infériorité, de mise à distance de la société " et enfin une " incapacité à arriver à nouer des liens solides : "j’ai l’impression que l’on s’ennuie avec moi. Ma parole devient silencieuse, que les autres ne portent plus d’intérêt à moi" ".

À l’hôpital Sainte-Marie, cet accroissement de l’activité est bien perceptible. "Avec aucun signe d’apaisement pour le moment… Et sur fond de sous-effectif global de psychiatres ou infirmiers en psychiatrie", renchérit le soignant.

Pour remédier à ce mal-être grandissant, des mesures sont mises en place dans l’Aveyron. À commencer par une " procédure spécifique d’accompagnement des crises suicidaires ", notamment dans les six mois qui suivent une tentative de suicide, où les risques sont les plus importants. Des plages horaires sont alors réservées pour ces patients, dans les CMP ou chez les médecins traitants. Autre mesure : le dispositif Vigilans : "Une équipe qui, une fois alertée de la sortie, appelle le patient une vingtaine de jours après et alerte en cas de risque. Cela permet une baisse de 10 % du nombre de récidives de tentatives de suicide. 130 à 140 personnes sont suivies par ce dispositif dans l’Aveyron".

L’entourage d’une personne en danger a aussi son rôle à jouer, comme le souligne le Dr Rohmer : "Un patient qui fait un geste suicidaire impacte en moyenne 130 personnes dont 12 gravement, qui verront leur parcours de vie bouleversé. Quand on voit une personne dans un processus suicidaire qui dit qu’il va "laisser les autres tranquilles" une fois son geste accompli, il faut lui dire que ce n’est pas vrai du tout. Il faut alerter et ne jamais prendre à la légère la mention d’une idée suicidaire. Il est absolument faux de dire que si l’on parle avec une personne ayant ces idées, on va la pousser à le faire. En cas d’inquiétude, il faut se tourner vers un médecin traitant ou les services spécialisés".

SOS Déprime : 05 65 72 40 20
UADO (Unité d’accueil, de diagnostic et d’orientation) : 05 65 67 54 02.
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