Installé en Belgique, Benoît Segonds a retrouvé le goût du bon pain aveyronnais

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  • Sur les marché, lors des tournées ou en magasin bio, le pain de Benoît Segonds a séduit la Belgique.
    Sur les marché, lors des tournées ou en magasin bio, le pain de Benoît Segonds a séduit la Belgique. Reproduction L'Aveyronnais
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Emmanuel Pons

Benoît Segonds a abandonné une brillante carrière dans l’informatique, aux Pays-Bas, pour devenir boulanger. Aujourd’hui installé en Belgique, il fabrique et vend avec succès son pain, concocté en suivant les bonnes recettes traditionnelles aveyronnaises.

Je ne suis pas devenu boulanger par hasard, précise d’entrée Benoît Segonds. Depuis toujours, j’aimais la pâtisserie, le bon pain. Pour moi, devenir boulanger, c’était comme un fantasme." Pourtant, l’Aveyronnais, né en 1964 à Saint-Jean-de-Luz, dans les Pyrénées-Atlantiques d’un père ruthénois et d’une mère millavoise, avait choisi une autre voie. Après la fac à Bordeaux où il décroche un DESS d’économie, il poursuit à Paris avec un DEA "intelligence artificielle". "J’ai fait de l’informatique parce que j’étais bon en maths, explique-t-il. Ça ne me passionnait pas mais j’aimais faire travailler mon cerveau."

"Je m’ennuyais chez IBM"

Parti en 1997 pour travailler à Maastricht, aux Pays-Bas, avec son épouse brésilienne rencontrée à Paris, Benoît Segonds devient père, l’année suivante, de Joana puis de Saskia deux ans plus tard. "Au début des années 2000, j’ai commencé à me lasser de mon métier. Je m’ennuyais chez IBM. Alors j’ai commencé à regarder les annonces sur Internet et j’ai repéré un petit hôtel, dans le sud de la France, dans les Alpes-de-Haute-Provence, raconte l’Aveyronnais. Un gros coup de cœur ! Mais je n’avais pas un centime. Mais surtout, l’hôtelier me dit : "Le plus difficile, c’est la cuisine. Si ton cuistot te lâche, il vaut mieux que le patron soit aussi cuisinier". Alors à mon retour aux Pays-Bas, je me suis inscrit à des cours du soir pour apprendre le métier. Et j’ai ensuite travaillé au Salonard, un petit restaurant gastronomique de Maastricht. Là, le patron a vu que j’étais très motivé !"

En Belgique, Benoît Segonds  et ses équipes déclinent toute  la gamme des pains de type français : campagne, seigle, céréales, au levain… Et aussi des pâtisseries. Des recettes qui séduisent de plus en plus d’amateurs.
En Belgique, Benoît Segonds et ses équipes déclinent toute la gamme des pains de type français : campagne, seigle, céréales, au levain… Et aussi des pâtisseries. Des recettes qui séduisent de plus en plus d’amateurs. Reproduction L’Aveyronnais

Et comme un coup de pouce du destin, IBM propose à l’informaticien de quitter l’entreprise, fin 2004, avec deux ans de salaire. Ce qui lui permet de se consacrer à sa nouvelle passion. "J’ai appris les exigences du métier, les grands principes. Et au bout d’un an, le patron a ouvert une épicerie fine, à deux pas du restaurant avec des produits maison et un peu de pain au levain." Et c’est le déclic : "Un jour, je lui ai dit : Laissez-moi faire le pain moi-même."

Deux jours chez Pascual, à Rodez

En bon Aveyronnais, le jeune quadragénaire, en pleine reconversion, n’entend pas faire de la baguette mais plutôt du "bon pain de campagne". "J’appelle mon frère à Rodez qui me dit qu’il se sert chez Pascual. Je demande alors à passer deux jours chez lui, dans sa boulangerie de la rue de Bonald. Il y avait un four à bois. Il m’a accueilli avec beaucoup de gentillesse et de simplicité. Et m’a expliqué comment il travaillait. C’était super !"

À son retour, toujours installé dans la petite boutique, Benoît Segonds se met immédiatement au travail. "J’ai mis en pratique des idées de types de fermentation que j’applique toujours aujourd’hui pour fabriquer mon propre levain. Et quand j’ai goûté mon pain, ça a été la confirmation." À l’étroit dans son minuscule fournil, le "jeune" boulanger installe son atelier dans un hangar loué par le patron du restaurant. Patron avec lequel il s’associe en septembre 2006. Une seconde boutique est même ouverte en ville.

Le fameux pain au levain

"Mais en décembre 2006, j’ai voulu voler de mes propres ailes. Dès janvier, j’ai passé une annonce pour trouver un atelier. J’étais alors installé à Liège, en Belgique. J’ai acheté un four, un pétrin. Et mon meunier m’a donné quatre sacs de farine, soit cent kilos. Ce qui m’a permis de faire deux cents kilos de pain. Ensuite, je suis allé le vendre sur les marchés. Et je livrais aussi un ou deux restos. J’avais une petite niche, grâce au pain au levain qu’on ne trouvait pas ailleurs."

"Le pain est devenu ma vie, au-delà de la passion."
"Le pain est devenu ma vie, au-delà de la passion." Reproduction L’Aveyronnais

Les débuts sont prometteurs et le succès grandissant. "Je me suis développé, j’ai acheté un nouveau four, plus grand. Puis un four à sole. J’étais content, totalement épanoui. Je dormais trois heures par jour. J’étais à fond !" Une révélation ! "J’ai retrouvé le pain de campagne de ma jeunesse. Et de mon enfance en Aveyron, quand je goûtais le pain tout chaud qu’on achetait, avec mon père Michel [lire ci-dessous] à Pont-les-Bains, raconte, avec émotion, Benoît Segonds dont l’arrière-grand-père était… boulanger. Tout un tas de liens se recréent. C’est pour moi un retour aux sources. Durant tout ce temps, j’avais ça dans le sang."

L’année 2015 marque l’achat d’un nouvel atelier, beaucoup plus grand. Et une production qui se développe, vendue sur les marchés du jeudi au dimanche à Bruxelles, lors de deux tournées de 300 km par jour et trois le samedi et en magasins bios. Il faut dire que le pain aveyronnais a de quoi séduire, en Belgique, où le pain est "dur comme du caillou ou mou comme de la chique".

"Mes racines aveyronnaises"

Depuis, l’affaire s’est bien développée au sein de l’atelier de 1 000 m2 où travaillent douze boulangers. Quatre personnes se chargent des livraisons et trois autres assurent la vente sur les marchés. "Aujourd’hui, je suis un chef d’entreprise mais je reste boulanger. Je suis tous les jours à l’atelier."

Heureux papa de "trois petits d’une seconde fournée", Marius (9 ans) et les jumelles (7 ans) Idoia et Amaia, avec sa seconde femme, d’origine camerounaise, Benoît Segonds n’oublie pas ses origines – "Basque de sol et Aveyronnais de sang" – et la petite maison sur les hauteurs de Pont-les-Bains.

"Je suis retombé sur mes pieds en faisant du pain, confie-t-il. Mes racines aveyronnaises sont revenues à moi."

Un message de son père

"Veinard d’avoir pu retrouver seul le secret de fabrication du pain de campagne au levain que tu avais découvert, il y a 30 ans, chez un petit boulanger de campagne et dont tu avais conservé pieusement le goût et le souvenir gourmand. Tu peux déguster maintenant ce pain qui est ton œuvre et je comprends que tu sois ému et heureux au souvenir des tartines mangées malgré l’interdit, quand le pain était encore chaud…"
Papa, le 24 avril 2013

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