Tribunal de Rodez : "Ah, elle est belle la justice !", s'énerve une victime de vols

Abonnés
  • L'affaire était jugée ce mardi en comparution immédiate.
    L'affaire était jugée ce mardi en comparution immédiate. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour

Drôle d'audience ce mardi 22 août devant le tribunal de Rodez, entre des prévenus poursuivis pour divers vols et une victime à la colère mal maîtrisée.

Serait-ce une nouvelle illustration de la défiance, souvent empreinte de populisme, des Français envers la justice ? Ou bien une simple colère mal maîtrisée ? Ce mardi après-midi, devant le tribunal de Rodez, il faisait aussi chaud à l'extérieur qu'à l'intérieur de la salle d'audience. Rien de croustillant pourtant à se mettre sous la dent en cette période estivale particulièrement calme sur le front judiciaire : deux Villefranchois comparaissaient pour plusieurs vols dans la région depuis le mois de mai. De l'outillage notamment mais également du cuivre. La plupart du temps, le mode opératoire était le même : les artisans profitaient d'une pause déjeuner pendant que les voleurs, en repérage sur des parkings, en profitaient. En tout, ils sont une dizaine de victimes. Parmi elles, une seule était présente lors du procès. Un paysagiste du villefranchois. Lui s'est fait dérober un souffleur, "posé à côté de mon camion alors que j'étais sur un chantier"... Appelé à témoigner, l'homme a demandé réparation : plus de 400€ pour son outil, un devis en mains, ainsi que plusieurs centaines d'euros pour "la perte de chiffre d'affaires".

"Dans notre société, on peut nourrir ses enfants sans voler"

Jusque-là, rien d'anormal. Mais face au président, Marc Gambaraza, la victime n'a pas conservé son calme bien longtemps. "Je suis venu témoigner alors que tous mes collègues me disent que ça sert à rien ! Les victimes, on s'en fiche totalement et je le dis ouvertement. Nous aussi, on aimerait avoir notre mot à dire et j'espère qu'il y aura une justice pour une fois", a-t-il lancé avant de se rasseoir dans la salle. Et d'écouter les réquisitions de la procureure de la République, Esther Paillette. Elle aussi n'y est pas allée de main morte, comme en réaction "à cette colère légitime d'une victime qui nous rappelle à tous que derrière un vol, il y a des gens". "C'est plus facile de voler que de se lever le matin et travailler", a-t-elle débuté. Avant de s'adresser directement à l'un des deux prévenus. Issu de la communauté des gens du voyage, ce père de cinq enfants a arrêté l'école à 14 ans et ne sait ni lire, ni écrire. Il a créé sa société d'autoentrepreneur dans le bâtiment, "mais ce n'est pas simple tous les mois, je fais du porte à porte", explique-t-il. Son casier compte 19 condamnations et plusieurs passages en détention, souvent pour des vols. "Dans notre société, on peut très bien survivre et nourrir ses enfants sans voler. Et surtout en Aveyron où l'on cherche des travailleurs partout", lui lance la représentante du ministère public. Avant de demander une peine de... 3 ans ferme. "Aujourd'hui, une peine alternative n'aurait pas de sens après autant de condamnations. Sa réinsertion ? Non, la seule peine est de l'exclure de la société afin d'éviter qu'il y ait d'autres victimes". Comprenez, la détention. Dans le public, le paysagiste retrouve son calme. Le prévenu, lui, tente de réparer ses méfaits comme il peut : "Je vous rembourse et s'il le faut, je viens travailler pour vous gratuitement. Je vous aide, je vous promets", lance-t-il.

Une peine "affolante" pour la défense

Pour son conseil, Me Cédric Galandrin, la peine requise est "affolante". "Aujourd'hui, on vous demande ouvertement d'éliminer quelqu'un de la société. Juger, ce n'est pas cela. Il faut être juste, comprendre. Nous ne sommes pas face à une organisation bien ficelée de voleurs. Ce sont des vols d'opportunité, un outil traîne, mon client le prend... Cela ne l'excuse en rien mais soyons raisonnables : ne donnons pas à ce dossier une ampleur qu'il n'a pas. À 35 ans, cet homme n'est pas fichu ! Dans quel état sortira-t-il après tant d'années en prison, loin de ses enfants qui sont sa raison de vivre ?" Après une longue délibération, le délibéré tombe : le prévenu est condamné à deux ans de prison ferme. Il les purgera d'emblée à Druelle. Le paysagiste villefranchois, lui, récolte 300€ pour son souffleur dérobé. Faute de documents et justificatifs, il est débouté de sa demande d'indemnisation pour la perte de revenus liée au vol. "On comprend la colère, mais nous sommes ici pour faire du droit. Pas de la morale. Sans justificatifs, on ne peut pas croire une victime sur parole, sinon c'est la porte ouverte à tout", avait prévenu Me Laurence Foucault, dans sa plaidoirie pour le deuxième prévenu, un jeune homme en perte de repères. Il a été condamné à 210 heures de travail d'intérêt général. "Ah elle est belle la justice !", s'est alors écrié à plusieurs reprises le paysagiste, particulièrement agacé, à la fin de l'audience. Avant de se montrer vindicatif envers l'un des avocats de la défense. Preuve que dans cette colère grimpante envers la justice, l'on ne sait plus différencier la robe noire et son client...

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (2)
Altair12 Il y a 8 mois Le 25/08/2023 à 09:56

Comme il a raison !
Mais toute vérité n'est pas bonne à dire !
De Gaulle disait déjà :
" Chacun sait que la justice n'est pas rendue en France"
Que dirait-il à présent ?

Palourde Il y a 8 mois Le 24/08/2023 à 08:14

'on ne sait plus différencier la robe noire et son client... C'est pas les mêmes ?