Traitements interdits, purification : pourquoi les eaux minérales en bouteilles ne valent pas mieux que l'eau du robinet

  • Autorisées pour l'eau du robinet ou les "eaux rendues potables par traitements", les techniques de purification comme les filtres à charbon actifs ou les ultraviolets sont interdites pour les eaux minérales naturelles ou les eaux de source.
    Autorisées pour l'eau du robinet ou les "eaux rendues potables par traitements", les techniques de purification comme les filtres à charbon actifs ou les ultraviolets sont interdites pour les eaux minérales naturelles ou les eaux de source. ermingut / Getty Images
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Laurent Roustan, avec ETX

Le recours à des traitements interdits pour purifier les eaux minérales, reconnu ce lundi 29 janvier par le groupe Nestlé, concerne environ un tiers des marques en France, ont rapporté le lendemain le quotidien Le Monde et Radio France. Ce qui pose la question de la véritable qualité des eaux en bouteille.

Vous achetez des eaux minérales en bouteille parce que vous pensez qu'elles sont meilleures que l'eau du robinet ? Désormais, ça n'est plus aussi sûr. Ce lundi 29 janvier, Nestlé Waters a révélé qu'il avait recouru à des traitements interdits d'ultraviolets et de filtres au charbon actif sur certaines de ses eaux minérales (Perrier, Vittel, Hépar et Contrex, selon Géo). Nestlé avait obtenu cette autorisation "interdite" au niveau européen auprès même du gouvernement en février 2023, après l'avoir informé sur ces pratiques en 2021.

Ce mardi 30 janvier, Le Monde et Radio France révélaient que cette pratique concernait un tiers des eaux minérales en bouteille, et "l'ensemble des minéraliers".

"Les travaux ont permis de révéler que près de 30% des désignations commerciales subissent des traitements non conformes", écrivent les deux médias, évoquant les "conclusions" d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), remis au gouvernement en juillet 2022.

"La mission (de l'Igas) n'a pas de doute sur le fait que la proportion de 30% (des dénominations commerciales concernées) sous-estime le phénomène et que l'ensemble des minéraliers soient concernés", est-il indiqué dans ce rapport, assurent Le Monde et Radio France.

Sollicitée par l'AFP, l'Igas n'avait pas réagi dans l'immédiat.

"Secret des affaires"

"Ce rapport contient des données relevant du secret des affaires", a affirmé mardi une source gouvernementale à l'AFP. Cette source estime "qu'aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n'a été identifié à ce stade".

Dans son enquête, la radio publique Radio France souligne pourtant que selon les inspecteurs de l'Igas, si "globalement", le "niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique".

La source gouvernementale a confirmé à l'AFP qu'une "mission d'inspection des usines de conditionnement d'eaux minérales naturelles et d'eaux de source" en France a été confiée à l'Igas, et ce à la suite d'une démarche de Nestlé à l'été 2021 qui avait reconnu auprès des autorités des "pratiques de traitements non-conformes sur (ses) sites" de production.

Des procédures judiciaires

Autorisées pour l'eau du robinet ou les "eaux rendues potables par traitements", les techniques de purification comme les filtres à charbon actifs ou les ultraviolets sont interdites pour les eaux minérales naturelles ou les eaux de source.

Selon Le Monde et Radio France, l'affaire a commencé fin 2020, quand un ancien salarié de la société Sources Alma, qui produit une trentaine d'eaux en bouteilles en France dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy Célestins, a signalé à la répression des fraudes (DGCCRF) des "pratiques suspectes dans une usine du groupe". Cette enquête de la DGCCRF a débouché sur une enquête préliminaire visant des faits de tromperie, précisent les deux médias.

Contacté par l'AFP, le groupe Alma, qui produit une trentaine de marques d'eaux en bouteilles en France dont Cristaline, Saint-Yorre et Vichy Célestins, fait bien l'objet d'une "procédure judiciaire" portant "sur des faits anciens et isolés propres à certains sites de production", a-t-il déclaré.

Coupées à l'eau du robinet ?

Une autre enquête judiciaire a été ouverte visant le groupe Nestlé Waters pour des manquements à la réglementation, a confirmé la source gouvernementale. Selon l'association Foodwatch qui lutte pour la sécurité alimentaire (et qui a déclaré vouloir porter plainte), d'autres pratiques jugées "frauduleuses" aurait été relevées par les agents de la répression des fraudes, comme des aeux minérales coupées avec de l'eau du robinet, "ajouté du gaz industriel ou injecté du sulfate de fer dans ses eaux minérales, désinfecté l’eau à l’ozone, ou encore filtré de l’eau aux UV", détaille-t-elle.

Le marché des eaux minérales en bouteille pèse chaque année environ 5 milliards d'euros.

Eric Neveu, le procureur de la République de Cusset (Allier) où se trouve l'usine du groupe Alma incriminée, doit décider "d'ici la fin de semaine" quelles suites donner à ces faits susceptibles d'être de "tromperie sur la nature ou la qualité d'une marchandise",

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Les commentaires (1)
Milsabords Il y a 2 mois Le 01/02/2024 à 20:44

En fait si "aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n'a été identifié à ce stade" on peut juste leur reprocher d'avoir vendu de l'eau du robinet au prix de l'eau minérale, après tout si leurs clients n'y ont vu que du feu, c'est pas si grave ... :=))