Syrie: être enlevés par des jihadistes, risque majeur pour les reporters

  • Le reporter espagnol du quotidien el Mundo, Javier Espinoza, recevant le prix de la presse écrite à Bayeux, en France, le 13 octobre 2011
    Le reporter espagnol du quotidien el Mundo, Javier Espinoza, recevant le prix de la presse écrite à Bayeux, en France, le 13 octobre 2011 AFP/Archives - Charly Triballeau
  • Le directeur du quotidien espagnol El Mundo, Pedro Ramirez (g), la présidente de la Fédération des journalistes espagnols Elsa Gonzalez (c) et le porte-parole des familles des journalistes enlevés Gervasio Sanchez (d), le 10 décembre 2013
    Le directeur du quotidien espagnol El Mundo, Pedro Ramirez (g), la présidente de la Fédération des journalistes espagnols Elsa Gonzalez (c) et le porte-parole des familles des journalistes enlevés Gervasio Sanchez (d), le 10 décembre 2013 AFP - Gérard Julien
  • Portraits du correspondant du quotidien espagnol El Mundo, Javier Espinoza (g) et du photographe freelance Ricardo Garcia Vilanova (d), enlevés en septembre en Syrie par un groupe proche d'al-Qaida
    Portraits du correspondant du quotidien espagnol El Mundo, Javier Espinoza (g) et du photographe freelance Ricardo Garcia Vilanova (d), enlevés en septembre en Syrie par un groupe proche d'al-Qaida El Mundo/photo fournie par la famille/AFP - -
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AFP

Une poignée de journalistes va encore en Syrie au péril de leur vie pour rendre compte du conflit: ils bravent les bombes mais risquent aussi d'être enlevés par des jihadistes d'Al-Qaïda comme les deux Espagnols dont le kidnapping a été annoncé mardi.

Javier Espinosa, correspondant d'El Mundo, et le photographe indépendant Ricardo Garcia Vilanova sont retenus depuis le 16 septembre par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe affilié à Al-Qaïda.

Encadrés par des rebelles combattant le régime de Bachar al-Assad, ils venaient d'effectuer deux semaines de reportage sur "les conséquences de la guerre sur les civils" dans la région de Deir Ezzor (est), quand ils ont été capturés, selon le quotidien El Mundo.

Malgré les obstacles immenses qu'ils rencontraient dans la couverture du conflit, les deux reporters "étaient déterminés à raconter l'histoire du peuple syrien, sur fond de crise humanitaire dévastatrice", ont indiqué leurs familles dans un communiqué.

Javier Espinosa s'est rendu une dizaine de fois en Syrie depuis le début de la révolte contre le président Assad en mars 2011, qui s'est transformée face à la répression en une insurrection armée ayant fait plus de 126.000 morts, selon une ONG.

Le 22 février 2012, il avait survécu au bombardement ayant tué sous ses yeux la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik dans le quartier assiégé de Bab Amr, à Homs (centre), a rappelé mardi son épouse, Monica Prieto, lors d'une conférence de presse à Beyrouth.

Il avait ensuite "choisi de rester dans le quartier jusqu'à ce que le dernier civil soit évacué".

M. Vilanova, qui a travaillé pour de nombreux médias internationaux dont le New York Times, Newsweek, Le Monde, El Mundo et l'AFP, avait de son côté déjà été enlevé une première fois par l'EIIL lors d'un reportage à Alep (nord).

Les deux hommes voulaient raconter "au monde la souffrance des Syriens", "nous croyons que le peuple syrien a besoin de notre travail", a souligné Mme Prieto, elle-même journaliste plusieurs fois récompensée.

Syrie, pays le plus dangereux au monde pour la presse

"Personne ne gagne argent, reconnaissance ou notoriété avec ce type de boulot. C'est notre passion même si elle peut mal se terminer", confiait M. Vilanosa en août 2012 à l'AFP.

Depuis le début du conflit, 27 journalistes et 91 citoyens-journalistes syriens ont perdu la vie, selon Reporters sans Frontières (RSF), qui considère la Syrie comme le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes.

D'après cette ONG, plus d’une soixantaine de journalistes ou citoyens-journalistes sont parallèlement détenus, portés disparus ou retenus en otages, dont l'Américain Austin Tice et les Français Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torrès.

Le nombre exact de reporters étrangers enlevés est cependant difficile à estimer, dans la mesure où certaines familles et gouvernements demandent aux médias ne pas révéler leur disparition.

Outre les risques inhérents au reportage de guerre, les journalistes doivent faire face aux groupes jihadistes, dont l'EIIL, "la principale menace pour les acteurs de l’information", selon RSF.

La semaine passée, le caméraman irakien Yasser Faisal al-Joumaili a ainsi été exécuté par ce groupe.

"Menacés par (l'EIIL), les acteurs syriens de l’information fuient le pays (...) Depuis le début du mois de novembre, plus de dix d’entre eux ont ainsi quitté la Syrie pour trouver refuge en Turquie", a affirmé récemment RSF.

Harcelé par l'EIIL, Moussab al-Hamadee, un journaliste syrien, a ainsi récemment fui son domicile à Hama (centre) tout en restant en Syrie. MM. Espinosa et Vilanova "ont payé un lourd tribu pour défendre la vérité et notre combat pour la liberté et la justice", a-t-il affirmé dans un message à la famille.

Face aux risques grandissants, de nombreux médias occidentaux ont cessé d'envoyer des journalistes dans le nord de la Syrie contrôlée par des rebelles, préférant se rendre dans le pays sous la protection d'escortes gouvernementales.

MM. Espinosa et Vilanova seraient retenus à Raqa (nord), un bastion de l'EIIL qui en a évincé un groupe rebelle non jihadiste.

Evoquant "une impasse avec les ravisseurs, après plusieurs semaines de tentative de médiation" menée par les familles des journalistes et leurs employeurs, Mme Prieto, voilée, a lancé un appel vibrant à leurs ravisseurs et à tous les groupes armés, les appelant à "honorer la révolution (qu'ils) protégeaient et à les libérer".

Source : AFP

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