Agriculture : "Si le mouvement n’est pas contrarié..."

  • Le regard de François Purseigle, sociologue à l’Ensat.
    Le regard de François Purseigle, sociologue à l’Ensat. CP
Publié le , mis à jour
Philippe Routhe

Entretien. Présent au salon de l'agriculture, François Purseigle est maître de conférences, habilité à diriger des recherches en sociologie à l’Ecole nationale agronomique de Toulouse (ENSAT). Son point de vue sur l’agriculture aujourd’hui.

François Purseigle est maître de conférences, habilité à diriger des recherches en sociologie à l’Ecole nationale agronomique de Toulouse (ENSAT) donne son point de vue sur l’agriculture d'aujourd’hui.

Assiste-t-on à un retour à la terre ?

Non, plutôt à un retournement de l’exode rural. À un renversement des tendances d’exode. Dans certains territoires ruraux, on note une forte croissance démographique, mais c’est une nouvelle population, qui n’est pas forcément issue de la sphère agricole qui s’installe. Ce qui signifie que la campagne favorise d’abord la fonction résidentielle et pas celle de production. La campagne est aussi marquée par une mobilité sociale et professionnelle, avec beaucoup de va-et-vient, avec une grande variété de situation.

Et pour ce qui est domaine agricole ?

On assiste à une hausse d’installation dite de hors cadre familial. Mais cela ne signifie pas un retour à la terre. Il y a un retour à la campagne pour d’autres fonctions. Ce qui génère le conflit d’usage. Le foncier agricole est difficile. On a du mal à installer des jeunes, l’accès est difficile.

Ce n’est pas très optimiste pour l’avenir...

Mais parce que ce qui nous choque, c’est de ne pas voir revenir les enfants ou les petits-enfants. Et ceux qui reviennent vont faire autre chose. Ce qui nous trouble est que la campagne soit investie pour autre chose que pour la production. Mais c’est normal, les campagnes sont des lieux ou se transmettent les richesses agricoles. Or, il y a d’autres ambitions, mais il faut éviter le déséquilibre. Ce qui signifie que l’agriculture ne va pas de soi. Il faut une volonté politique. Si le mouvement n’est pas contrarié pour favoriser l’installation ou la création, on peut alors assister à un effacement et une disparition des actifs agricoles. Et aujourd’hui, reprendre une exploitation agricole, ce n’est pas reprendre une exploitation familiale.

L’agriculture s’organise-t-elle pour trouver des solutions ?

Clairement, oui. Il y a des dispositifs plus complexes qui peuvent associer des collectivités, des coopératives... En viticulture ou dans la filière ovine, par exemple, cela s’organise pour permettre le portage du foncier. A chaque territoire de trouver sa solution. Il n’y a pas de cadre idéal, je ne crois pas en tout cas que cela puisse marcher ainsi. À côté des dispositifs nationaux, il faut des territoires inventifs, créatifs, pour aller au-delà de l’installation. L’arrivée de population extérieure a été longtemps un tabou. Bien que l’on parle encore de «hors cadre», cela change. Mais il faut aider, protéger ceux qui s’installent, tout en acceptant l’idée que cela sera difficile pour eux.

Mais est-ce que la réflexion est engagée ?

Oui, c’est en mouvement. Ce que j’observe, c’est une dissociation entre le projet patrimonial et le projet d’entreprise. Contrairement à ce qu’il se passait il y a trente ans, le partage se fait désormais en terme équitable et il y a un cap difficile pour celui qui reste. En Aveyron, le tissu a résisté grâce à la stratégie successorale qui a été mise en place.

On va cependant vers des situations de blocage.

C’est le paradoxe. Une très belle exploitation aujourd’hui devient intransmissible. C’est pourquoi, si le mouvement n’est pas contrarié...

Et dans 20 ans, comment voyez-vous l’agriculture ?

Ce n’est pas mon métier de projeter. Mais si je m’avance, je dirai qu’il peut y avoir une agriculture sans agriculteur. Mais le monde agricole ne veut pas de cela. Il faut aussi qu’il le dise, et construise un projet en ce sens. Tout cela nécessite de la réflexion, de l’expérimentation. Il faut se rappeler le combat des Lacombe et Debatisse (1)... On l’a un peu oublié. Ils se sont battus contre des mouvements qui échappaient à leur contrôle.

François Purseigle vient de publier avec Bertrand Hervieu un ouvrage intitulé “Sociologie des mondes”, aux éditions Armand Colin - Collection U. 

(1) Présidents de la FNSEA. De 1971 à 1978, de 1986 à 1992 pour le second.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?