Oklahoma: l'agonie d'un condamné à mort rouvre le débat sur les méthodes d'exécution

  • Le 29 février 2000, la "chambre de la mort" dans l'unité de justice criminelle de Huntsville du Texas
    Le 29 février 2000, la "chambre de la mort" dans l'unité de justice criminelle de Huntsville du Texas AFP/Archives - Paul Buck
  • Le 30 novembre 2009, la chambre d'exécution du centre correctionnel de Lucasville dans le sud de l'Ohio
    Le 30 novembre 2009, la chambre d'exécution du centre correctionnel de Lucasville dans le sud de l'Ohio AFP/Archives - Lucile Malandain
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AFP

La longue agonie d'un condamné à mort, mardi soir en Oklahoma, illustre la grande confusion des Etats américains qui, en panne de barbituriques pour procéder à leurs exécutions, bataillent pour trouver une solution de repli.

Quelques minutes après le début de l'injection d'un nouveau cocktail létal, qui n'avait jamais été testé aux Etats-Unis, Clayton Lockett "a été pris de convulsions, soulevant la tête et la poitrine de la table d'exécution, tremblant, agitant la tête et grognant des mots inaudibles", a raconté un journaliste local Graham Brewer, partiellement confirmé par les autorités pénitentiaires.

Le rideau a alors été fermé, empêchant les quelques témoins d'en voir davantage. Peu après, dans une grande confusion, le directeur des prisons, Robert Patton, a invoqué "l'échec de l'intraveineuse" et ordonné l'arrêt de l'exécution.

Mais les trois produits ayant déjà été injectés, Clayton Lockett a succombé à "une crise cardiaque foudroyante" exactement 43 minutes après le début de l'injection létale, contre une dizaine de minutes habituellement. Dans la foulée, le directeur Patton a décrété le report de 14 jours de l'exécution suivante programmée deux heures plus tard, celle de Charles Warner.

La gouverneure de l'Oklahoma, Mary Fallin, ordonne aux autorités pénitentiaires "un réexamen complet de la procédure d'exécution" pour déterminer ce qui s'est passé et pourquoi.

Mais, estimant que "Clayton Lockett a été torturé à mort", l'avocate de Charles Warner, Madeline Cohen, réclame de son côté "une enquête indépendante", une autopsie, ainsi que la levée du secret "sur les médicaments, y compris leur degré de pureté, leur efficacité, leur origine et les résultats de tous les tests".

A l'instar de deux récentes exécutions qui ont mal tourné, "le détenu semble avoir énormément souffert", souligne Lyn Entzeroth, professeur de droit à l'Université de Tulsa, Oklahoma. "C'est une forme de torture qui soulève des questions de constitutionnalité".

Depuis cinq à sept ans, plusieurs Etat américains ont choisi d'abolir la peine capitale notamment à cause "de l'incroyable difficulté à conduire les injections létales de manière transparente et conforme au 8e Amendement" interdisant toute "punition cruelle et inhabituelle", explique-t-elle.

- "Improvisation et cacophonie" -

En raison du refus de fabricants européens de fournir l'anesthésiant le plus courant (pentobarbital) pour des exécutions humaines, les 32 Etats pratiquant encore la peine capitale "ont de très grandes difficultés à trouver des barbituriques et s'échinent à chercher" une source d'approvisionnement, explique Deborah Denno, professeur de droit à la Fordham University.

Ils changent de procédure ou se tournent vers les très controversés préparateurs en pharmacie, dont les médicaments ne sont pas homologués par les autorités fédérales.

"Cela force les Etats qui utilisent l'injection létale à improviser, et cette improvisation crée cette cacophonie dans les exécutions", a observé Robert Blecker, professeur à l'Ecole de droit de New York.

Les rares laboratoires acceptant de fournir les produits pour le châtiment suprême le font dans le plus grand secret de peur de représailles et les Etats préfèrent taire leur source d'approvisionnement de peur d'être la cible d'incessantes procédures judiciaires.

"C'est la réponse à la menace d'un boycott économique: si vous continuez à fournir les produits d'injection létale, alors nous boycotterons tous vos produits", a expliqué à l'AFP l'auteur de "The Death of Punishment".

Cet ardent défenseur de la peine de mort se félicite que cette controverse permette de rouvrir le débat sur des méthodes alternatives à l'injection létale.

Chaise électrique, pendaison, chambre à gaz... "Je suis personnellement favorable au peloton d'exécution qui reconnaît qu'il s'agit d'une punition et ne prétend pas être de la médecine", dit le Pr Blecker, qui s'est toujours opposé, pour cette raison, à la généralisation de l'injection létale.

"Les procédures d'injection létale ne marchent simplement pas dans ce pays", a renchéri la Pr Denno, experte des méthodes d'exécution. "Les autorités pénitentiaires travaillent dur pour les faire marcher, alors ils essaient quelque chose de différent".

Le Tennessee a déjà approuvé le retour à la chaise électrique, la Géorgie, la Virginie, l'envisagent, tandis que le Missouri et le Wyoming parlent de renouer avec le peloton d'exécution, mais "ils n'en sont qu'au stade de la discussion".

Source : AFP

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