Le "sombre passé" catholique de l'Irlande : 800 bébés enterrés

  • L'archevêque de Dublin Diarmuid Martin qui a permis ces fouilles est ici photographié le 26 novembre 2009 à Dublin
    L'archevêque de Dublin Diarmuid Martin qui a permis ces fouilles est ici photographié le 26 novembre 2009 à Dublin AFP/Archives - Peter Muhly
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AFP

L'Eglise catholique irlandaise a été la cible de nouvelles accusations particulièrement sordides mercredi, après qu'une historienne a fait état de l'inhumation secrète dans une fosse commune d'environ 800 enfants de mères célibataires hébergées par des soeurs, il y a plus de 50 ans.

"Ces révélations sont profondément bouleversantes", a réagi le ministre chargé de l'Enfance, Charlie Flanagan. Elles sont "un rappel choquant d'un sombre passé de l'Irlande, quand nos enfants n'étaient pas aussi choyés qu'ils auraient dû l'être", a-t-il dit.

Le gouvernement, a-t-il ajouté, étudie "les meilleurs moyens" de gérer cette affaire, alors que des membres de l'opposition ont appelé à une enquête.

Il s'agit d'un nouvel épisode incriminant l'Eglise catholique, déjà éclaboussée par des scandales de pédophilie et de maltraitance dans ses institutions au cours des dernières décennies.

L'affaire rappelle aussi le sort tragique des "filles perdues" évoqué au cinéma dans les films "Magdalene Sisters" et plus récemment, "Philomena".

Le dernier épisode dramatique résulte des recherches d'une historienne, Catherine Corless. Elle en est arrivée à la conclusion que 796 enfants de mères célibataires, accueillies par des soeurs entre 1925 et 1961, avaient été ensevelis dans une une fosse septique d'un ancien foyer catholique irlandais, St Mary, à Tuam (ouest).

Les enfants étaient des bébés pour la plupart, mais certains avaient jusqu'à huit ans.

La fosse, remplie à ras bord d'ossements, a été découverte en 1975 par les habitants de Tuam, lorsque les dalles de béton qui la couvraient se sont dissociées.

Jusqu'à présent, les habitants croyaient qu'il s'agissait des restes de victimes de la grande famine qui a touché l'Irlande à partir de 1840.

"Quelqu'un m'avait mentionné l'existence d'un cimetière pour nouveau-nés, mais ce que j'ai découvert était bien plus que cela", a déclaré l'historienne.

C'est en étudiant les archives de cette institution catholique, aujourd'hui reconvertie en lotissement, qu'elle a découvert les registres de décès suggérant les quelque 800 inhumations secrètes, sans cercueil ni pierre tombale, par les soeurs de "Bon Secours".

Selon les documents, ces enfants sont morts de malnutrition et de maladies infectieuses comme la tuberculose.

En 1944, un rapport d'inspection gouvernemental avait décrit certains enfants accueillis à Tuam comme "fragiles, émaciés", avec des "ventres gonflés" caractéristiques de la malnutrition.

L'archevêque de Dublin Diarmuid Martin s'est dit favorable "à des fouilles sur ce qui pourrait être des tombes anonymes", affirmant qu'il était nécessaire de se pencher sur l'histoire de ces institutions en l'absence d'enquête publique.

Des membres de l'oppposition et Ciaran Cannon, secrétaire d'Etat à l'Education, ont souhaité une enquête gouvernementale exhaustive sur cette affaire, affirmant que "ne rien faire n'était simplement pas possible".

Une levée de fonds a également été lancée pour ériger un mémorial avec le nom de chaque enfant.

Au début du XXe siècle, des milliers de femmes célibataires enceintes, considérées à l'époque comme des "femmes perdues", ont été envoyées dans ce genre d'institutions pour accoucher dans la discrétion.

Ostracisées par la société conservatrice catholique, elles ont souvent été contraintes d'abandonner leur enfant pour qu'il soit adopté.

Le film "Philomena" du Britannique Stephen Frears retraçait l'histoire de l'une de ces mères à la recherche pendant des décennies de son fils adopté par des Américains.

L'affaire de Tuam rappelle également un autre scandale impliquant des mères célibataires. Entre 1922 et 1996, plus de 10.000 jeunes filles et femmes avaient travaillé gratuitement dans des blanchisseries exploitées commercialement par des religieuses catholiques en Irlande.

Les pensionnaires, surnommées les "Magdalene Sisters", étaient des filles ayant accouché hors mariage ou qui avaient un comportement jugé immoral dans ce pays à forte tradition catholique.

Le scandale des maltraitances au sein d'institutions et de foyers catholiques n'est pas cantonné à la république d'Irlande : de l'autre côté de la frontière, en Ulster, une commission d'enquête a entendu pendant quatre mois jusqu'en mai des victimes de maltraitances, commises notamment dans les institutions catholiques des Soeurs de Nazareth.

Source : AFP

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