Le Mahabharata de Satoshi Miyagi, 30 ans après l'épopée de Peter Brook

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  • Une actrice de la compagnie japonaise Shizuoka pendant la répétition de "Mahabharata, le Nalacharitam" dirigé par le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi au Festival d'Avignon le 5 juillet 2014
    Une actrice de la compagnie japonaise Shizuoka pendant la répétition de "Mahabharata, le Nalacharitam" dirigé par le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi au Festival d'Avignon le 5 juillet 2014 AFP - Bertrand Langlois
  • Les comédiens de la compagnie japonaise Shizuoka pendant la répétition de "Mahabharata, le Nalacharitam" dirigé par le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi au Festival d'Avignon le 5 juillet 2014
    Les comédiens de la compagnie japonaise Shizuoka pendant la répétition de "Mahabharata, le Nalacharitam" dirigé par le metteur en scène japonais Satoshi Miyagi au Festival d'Avignon le 5 juillet 2014 AFP - Bertrand Langlois
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Centre Presse Aveyron

Trente ans après l'épopée du "Mahabharata" de Peter Brook en 11 heures dans le cadre majestueux de la Carrière de Boulbon à Avignon, le Japonais Satoshi Miyagi y donne mardi soir une version de deux heures, nourrie aux sources des styles théâtraux nippons.

"C'est un lieu très important pour moi: lorsque Peter Brook a monté son Mahabharata, je n'étais qu'un amateur, et c'est depuis mon plus grand rêve de présenter à la Carrière de Boulbon ma propre pièce", a confié à l'AFP le metteur en scène. "Maintenant que je l'ai réalisé, je suis perdu, je ne sais pas ce que je vais faire ensuite!" lance-t-il en riant.

De la saga indienne - dix-huit livres, plus de 200.000 vers datant de 2.200 ans avant Jésus Christ - Satoshi Miyagi a retenu un épisode qui "concentre comme une maquette toute l'histoire du Mahabharata, le Nalacharitam".

Le roi Nala joue aux dés toutes ses possessions, y compris son royaume. Dépouillé de ses biens, et même de son épouse bien aimée, il doit partir en exil avec ses frères, laissant la branche ennemie de la famille au pouvoir.

Ce "Nalacharitam" est pour Satoshi Miyagi une miniature de l'épopée indienne, et surtout, un des rares épisodes "où il n'y a pas de guerre".

"Dans les épopées les plus populaires, on retrouve toujours la guerre, comme si c'était là, dans la guerre, qu'on trouve le mieux le noyau de l'être humain", observe-t-il. "Pour moi, il s'agit d'une pensée très masculine, j'essaie de montrer que l'essence de l'être humain peut se trouver ailleurs que dans la guerre."

Le fait que Satoshi Miyagi soit citoyen japonais, un pays dont la guerre est totalement absente depuis la tragédie de la deuxième guerre mondiale, n'est pas étranger à ce choix. De même puise-t-il dans la tradition japonaise pour sa mise en scène épurée, d'une grande beauté visuelle.

La pièce a été créée au Japon, mais il a "monté une version complètement différente" pour tenir compte des dimensions spectaculaires de l'ancienne carrière située à 15 km d'Avignon.

- Kimonos de papier -

"Ce qui caractérise ma mise en scène, c'est la division du travail entre les acteurs, qui jouent mais ne parlent pas, les conteurs, et les musiciens", explique-t-il. Une dissociation qui emprunte aux codes du théâtre traditionnel japonais, du nô, du kabuki et du bunraku (grandes marionnettes), mais qu'on retrouve aussi dans le kutiyattam indien et le théâtre de papier japonais (kami-shibaï).

"J'ai puisé dans cette tradition, mais mon but était de remonter bien avant, de retrouver le respect des gens de l'antiquité pour la nature", explique-t-il.

S'est-il senti influencé par la version de Peter Brook datant de 1985? Satoshi Miyagi sourit: "En tant qu'Asiatique, je perçois surtout la façon qu'a Peter Brook d'appréhender l'Asie comme très européenne."

Il souscrit en revanche totalement à la "diversité, la pluralité des valeurs" mises en oeuvre par Peter Brook. Le metteur en scène anglais avait réuni une distribution de 15 pays différents et avait fait un voyage fondateur en Inde avant de monter ce qui allait devenir un spectacle culte du festival d'Avignon, puis un film.

Le "Mahabharata" de Satoshi Miyagi, avec ses tableaux vivants et ses kimonos de papier se veut une oeuvre "modeste", comme son metteur en scène à la voix douce et à la silhouette frêle. Satoshi Miyagi, reconnu comme un des grands novateurs du théâtre japonais, dirige le Shizuoka Performing Arts Center, une plateforme de création ouverte aux metteurs en scène étrangers.

Selon lui, le Mahabharata "nous invite à reconnaître qu'il y a des choses qu'on ne peut expliquer", que l'homme ne contrôle pas tout, de la nature et de la terre. "Si bien qu'on ne peut traiter cette histoire sans avoir une telle modestie."n

Source : AFP

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