Amérique latine : "radicales" ou "pragmatiques", les gauches au défi de l'alternance

  • Les présidents uruguayen Jose Mujica (g), argentine Cristina Kirchner, vénézuélien Nicolas Maduro et brésilienne Dilma Rousseff (d) le 29 juillet 2014 lors du sommet du Mercosur à Caracas
    Les présidents uruguayen Jose Mujica (g), argentine Cristina Kirchner, vénézuélien Nicolas Maduro et brésilienne Dilma Rousseff (d) le 29 juillet 2014 lors du sommet du Mercosur à Caracas AFP/Archives - Léo Ramirez
  • Le président bolivien Evo Morales (d) et son vice-président Alvaro Garcia Linera en conversation lors d'une visite sur le site gazier de Gran Chaco, près de la ville de Yacuiba le 16 octobre 2014
    Le président bolivien Evo Morales (d) et son vice-président Alvaro Garcia Linera en conversation lors d'une visite sur le site gazier de Gran Chaco, près de la ville de Yacuiba le 16 octobre 2014 AFP/Archives - Aizar Raldes
  • Le président nicaraguayen Daniel Ortega (c), aux côtés du Secrétaire Général de l'ONU Ben Ki-moon à l'aéroport international de Managua le 29 juillet 2014
    Le président nicaraguayen Daniel Ortega (c), aux côtés du Secrétaire Général de l'ONU Ben Ki-moon à l'aéroport international de Managua le 29 juillet 2014 AFP/Archives - Inti Ocon
Publié le
Centre Presse Aveyron

Au pouvoir dans la majorité des pays d'Amérique latine depuis les années 2000, la gauche, radicale ou pragmatique, se trouve parfois menacée dans les urnes, comme en témoignent les difficultés des partis au pouvoir par exemple au Brésil ou en Uruguay.

En ce mois d'octobre printanier, les élections présidentielles se multiplient dans la région, mettant parfois à rude épreuve des partis de gauche confortablement installés aux manettes depuis de nombreuses années et affichant d'indéniables réussites dans la lutte contre la pauvreté.

Pour Erick Langer, historien et directeur de recherches sur l'Amérique latine à l'université américaine de Georgetown, il y a en Amérique latine "deux gauches" : la pragmatique et la radicale, en "particulier en termes économiques".

"La distinction s'opère entre modérés sociaux-démocrates et radicaux populistes", estime quant à elle Vicky Murillo, professeur de sciences politiques à l'université de Columbia, aux Etats-Unis.

Les premiers comprennent le Parti des travailleurs au Brésil, le Frente amplio en Uruguay ou encore les socialistes chiliens. Les seconds seraient le chavisme vénézuélien, le Mouvement vers le socialisme bolivien, le sandinisme au Nicaragua, Alianza Pais en Equateur voire le kirchnérisme argentin, selon elle.

Tous ont conquis le pouvoir au tournant des années 2000, après des années de gestion néolibérale ayant mis les populations locales à genoux, expliquent les analystes.

"Meilleur exemple" de pragmatisme, pour M. Langer : le président de la Bolivie, Evo Morales, plus ancien dirigeant en exercice du continent et triomphalement réélu le 12 octobre pour un troisième mandat de six ans.

Malgré un discours radical, très axé sur l'anti-américanisme et l'anti-élitisme, "il a bien fait les choses économiquement", commente-t-il pour l'AFP. "Il a nationalisé les ressources naturelles, mais seulement pour augmenter les revenus de l'Etat", sans ingérence dans la gestion des affaires, poursuit-il.

- Discours contre politique économique -

Mais "il y a une autre gauche qui veut appliquer complètement le socialisme", poursuit l'historien, citant en haut de la liste le Venezuela, "où les choses ne fonctionnent pas" car le gouvernement du président Nicolas Maduro fait fi "des règles économiques".

Il cite également dans cette catégorie, dans une moindre mesure, l'Argentine de la présidente Cristina Kirchner. Les deux pays ont en commun de forts taux d'inflation et des politiques de contrôle des changes sévères.

"Le discours est une chose, la politique économique en est une autre", renchérit Francisco Mora, directeur du centre latino-américain de l'université internationale de Floride, qui souligne chez certains gouvernants "une contradiction".

Pour lui, des représentants de la gauche radicale comme M. Morales ou son homologue nicaraguayen Daniel Ortega "ont mené des politiques de droite" d'un point de vue "macro-économique".

"Critiquer les Etats-Unis n'est plus un marqueur gauche-droite", affirme-t-il, jugeant aussi que la distinction s'opère désormais entre les "populistes" (membres de l'axe "bolivarien", inspiré du libérateur Simon Bolivar, emmenés par le Venezuela) et les autres.

Une distinction confirmée par Mme Murillo, pour qui la nuance modérés/radicaux s'applique avant tout "à la rhétorique et au rapport aux institutions, à la séparation des pouvoirs, car en matière macro-économique, Correa et Morales sont très orthodoxes".

S'ils ont aussi su profiter d'une décennie de forte croissance pour améliorer la redistribution des richesses, certains gouvernements peinent toutefois aujourd'hui à satisfaire les exigences d'une classe moyenne qu'ils ont contribué à faire émerger.

A ce titre, le Parti des travailleurs de Dilma Rousseff au Brésil est à la peine dans la campagne présidentielle actuelle, de même que le Frente amplio en Uruguay, dont l'hégémonie semble entamée après 10 ans de pouvoir, à la veille de la présidentielle du 26 octobre.

- Les classes moyennes coûtent cher -

Ces gouvernements "ont très bien su traiter la pauvreté mais ils n'ont pas pris en compte que désormais (...) ceux dont il faut s'occuper, c'est la classe moyenne", ce qui est "beaucoup plus coûteux" et difficile en ces temps de ralentissement économique, reprend Erick Langer.

"Au Brésil, au Chili ou en Uruguay, l'éducation et la santé sont d'importants thèmes de campagne et des dettes de la gauche au pouvoir", confirme Mme Murillo. "Dans d'autres cas, comme au Venezuela, l'urgence ne laisse pas le temps de penser à ces sujets".

Pour Francisco Mora, on observe dans la région "ce que l'on constate dans toutes les démocraties : l'usure du pouvoir". Après 10 ou 12 ans de gestion par un parti, "les gens votent pour l'opposition, quelle qu'elle soit", explique-t-il.

A l'heure de l'alternance, les observateurs mettent toutefois en garde contre deux écueils : la propension de la gauche "populiste" à mettre les institutions à son service, notamment en permettant la réélection des présidents (Venezuela, Bolivie, Equateur, Nicaragua), ainsi que la "criminalisation" de l'opposition.

Source : AFP

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?