A l'heure du risque jihadiste, des entretiens pour décortiquer le parcours des demandeurs d'asile

  • Des réfugiés dans un centre d'accueil à Cergy le 16 septembre 2015
    Des réfugiés dans un centre d'accueil à Cergy le 16 septembre 2015 AFP/Archives - JACQUES DEMARTHON
  • Pascal Brice, le président de l'Ofpra dans un centre d'accueil des réfugiés à Cergy le 16 septembre 2015
    Pascal Brice, le président de l'Ofpra dans un centre d'accueil des réfugiés à Cergy le 16 septembre 2015 AFP/Archives - JACQUES DEMARTHON
  • Des migrants syriens arrivent sur l'île grecque de Kos le 17 août 2015
    Des migrants syriens arrivent sur l'île grecque de Kos le 17 août 2015 AFP/Archives - LOUISA GOULIAMAKI
  • Un migrant boit de l'eau en attendant d'être enregistré par la police dans un stade sur l'île grecque de Kos le 12 août 2015
    Un migrant boit de l'eau en attendant d'être enregistré par la police dans un stade sur l'île grecque de Kos le 12 août 2015 AFP/Archives - ANGELOS TZORTZINIS
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Centre Presse Aveyron

Il raconte sa fuite avec minutie et multiplie les anecdotes sur sa vie en Syrie: pour Selim, l'obtention du statut de réfugié semble faire peu de doute. Mais à l'heure du risque jihadiste, les officiers de l'Ofpra sont attentifs au moindre détail.

"Combien de temps avez-vous vécu dans le camp? Pouvez-vous me le décrire? Où est votre frère? Combien valait le pain quand vous êtes parti?"

L'agent de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) enchaîne les questions, pour mettre son interlocuteur en confiance par des demandes basiques, mais aussi pour tester sa sincérité.

En face, Selim (le prénom a été changé) répond avec méthode. "Mon engagement était plus social que politique. Mais d'autres personnes de mon groupe ont été arrêtées et torturées. Un jour je me suis dit: le prochain c'est toi", explique-t-il en jouant avec les franges de son écharpe noire.

Le jeune homme, presque adolescent encore, a apporté son passeport, un certificat de travail, et même son relevé de notes du baccalauréat, où trône une impressionnante note finale de 98 sur 100.

L'issue de la procédure semble pour lui toute dessinée, car "son cas est assez simple: sa nationalité est établie, sa crédibilité ne semble pas faire de doute..." explique Mourad Derbak, responsable de la division Europe et Moyen-Orient à l'Ofpra.

Selim est typique de ces nouveaux migrants arrivés de Syrie: plutôt diplômés, issus des classes moyennes. "Le niveau d'éducation est largement au-dessus" des autres nationalités, assure M. Derbak. "On a un nombre d'ingénieurs incroyable".

Comme beaucoup de ses compatriotes, Selim a tenté de passer en Grande-Bretagne. "On m'a dit qu'il fallait passer par Calais, mais je me suis fait arrêter Gare du Nord. Alors j'ai décidé de tenter ma chance ici".

Environ 4.300 Syriens ont demandé l'asile en France depuis le début de l'année. Avec un taux d'accord proche de 98%, au titre de réfugié (donnant droit à une carte de séjour de dix ans) ou de la protection subsidiaire (un an renouvelable plusieurs fois).

- "Alerte" -

Mais les récents attentats de Paris ont jeté le doute dans les esprits, puisque deux kamikazes au moins ont réussi à s'introduire en Grèce en se faisant passer pour des réfugiés. Comment distinguer un candidat à l'asile d'un aspirant jihadiste?

"Nous avons des dispositifs en place de longue date", assure Pascal Brice, le directeur général de l'Ofpra. "Dès qu'il y a une alerte, on prend tout le temps nécessaire pour examiner le dossier".

Les 310 officiers de protection de l'Ofpra, spécialisés par zones géographiques, peuvent décider de pousser plus loin leurs recherches. "Un entretien peut durer de 45 minutes à six heures, et un demandeur peut être reconvoqué deux, trois ou quatre fois", assure M. Brice.

L'attitude lors de l'entretien, le passage par "telle ou telle région" connue pour abriter des jihadistes peuvent attirer l'attention. Mais l'expérience des officiers de protection joue aussi. "Parfois on sent que quelque chose ne colle pas. On recoupe les informations avec notre base de données, ou alors sur les réseaux sociaux..."

Le risque pour la sécurité de l'Etat est d'ailleurs une cause d'exclusion du dispositif d'asile, rappelle Pascal Brice.

Mais le problème est à prendre bien en amont. L'Ofpra instruit les demandes à l'arrivée en France. Or les apprentis-kamikazes n'ont pas forcément pour objectif de solliciter l'asile.

La détection ne peut donc se faire que dans les centres où arrivent les migrants, en Grèce ou en Italie, et où ils sont enregistrés par des agents locaux et des équipes de Frontex (l'agence européenne de coordination de la surveillance des frontières).

Pour l'instant, l'Ofpra intervient avec six agents mis à disposition du bureau européen d'appui à l'asile dans ces "hotspots". Mais "il n'instruisent pas la demande", souligne M. Brice, leur rôle se bornant actuellement à "informer les migrants" qui souhaitent bénéficier du mécanisme de répartition européen.

Source : AFP

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