Chine: la journaliste française expulsée a quitté la Chine

  • Ursula Gauthier, correspondante de L'Obs en Chine, quitte son appartement de Pékin pour rentrer en France, le 31 décembre 2015
    Ursula Gauthier, correspondante de L'Obs en Chine, quitte son appartement de Pékin pour rentrer en France, le 31 décembre 2015 AFP - FRED DUFOUR
  • Ursula Gauthier, correspondante à Pékin pour L'Obs, travaille dans son bureau le 26 décembre 2015 à Pékin
    Ursula Gauthier, correspondante à Pékin pour L'Obs, travaille dans son bureau le 26 décembre 2015 à Pékin AFP/Archives - GREG BAKER
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Centre Presse Aveyron

La correspondante en Chine de l'hebdomadaire français L'Obs, Ursula Gauthier, expulsée de facto du pays suite à un article ayant déplu aux autorités chinoises, a quitté Pékin pour Paris dans la nuit de jeudi à vendredi.

L'avion dans lequel elle avait pris place a quitté Pékin à vendredi à 01H17 locale (jeudi à 17H17 GMT), et était attendu à 5H00 française (04H00 GMT) à l'aéroport Charles-de-Gaulle de Paris.

Mme Gauthier devait sortir du territoire chinois au plus tard le 31 décembre, les autorités locales ayant décidé qu'elle n'obtiendrait pas le renouvellement de son visa. Elle était accusée d'avoir "défendu de manière flagrante" des actes terroristes dans un article, et d'avoir ainsi "provoqué l'indignation du peuple chinois".

"Depuis un mois et demi, je n'ai pas réussi à établir un dialogue avec la Chine, c'est kafkaïen", a-t-elle déploré jeudi soir depuis son appartement.

La correspondante, en poste à Pékin depuis six ans, s'est déclaré "fatiguée" avant, visiblement émue, de charger ses nombreuses valises dans la voiture d'une amie et de partir en direction de l'aéroport international de Pékin, où l'attendaient deux diplomates français chargés de l'assister.

Le ministère chinois des Affaires étrangères avait informé vendredi Ursula Gauthier que, faute d'"excuses publiques" de sa part, elle n'obtiendrait pas de nouvelle carte de presse, sésame indispensable aux journalistes étrangers afin de renouveler leur visa.

Dans son article publié le 18 novembre dernier sur le site internet de L'Obs, Mme Gauthier écrivait notamment que l'attaque meurtrière visant des employés d'une mine dans la région troublée du Xinjiang (nord-ouest) "ne ressemble en rien aux attentats du 13 novembre" à Paris, mais était "une explosion de rage localisée" de Ouïghours musulmans, nombreux dans la région, et dont certains se plaignent de la tutelle de Pékin.

- 'Le gouvernement chinois a été piégé' -

Deux journaux officiels, le Global Times (lié au Parti communiste) et le China Daily, ont publié des éditoriaux incendiaires dans lesquels ils ont reproché à la journaliste d'user de "deux poids deux mesures" sur le terrorisme.

Mme Gauthier dit également avoir reçu des menaces de mort de lecteurs chinois en colère.

"C'est le Global Times qui a décidé de pointer mon article, de telle façon que le gouvernement, piégé, a été obligé d'entériner ce que le journal a dit, a estimé Mme Gauthier. C'est un événement extrêmement dangereux."

"Cela n'a pas sens pour Pékin de se retrouver avec un énorme buzz dans le monde, avec la Chine qui apparaît comme elle ne veut pas apparaître, autoritaire. Elle ne gagne rien", a déclaré la journaliste jeudi à l'AFP.

Mme Gauthier avait estimé que Paris commettait une "erreur d'appréciation en ne la défendant pas plus vigoureusement. "C'est très important de garder des bonnes relations avec la Chine. Mais on peut faire des choses avec l'Europe, ce qui peut noyer les responsabilités si on n'a pas trop de courage."

"On ne peut pas fermer les yeux sur ce que fait la Chine, en disant +Oh, c'est pas si grave+. Il est très important que nous, les Français et les Européens, soyons là, et que nous lui disions constamment +Non, là, ça ne va pas+. Si tout le monde le dit, peut-être que ça aura un petit effet."

- 'Un sentiment d'irréalité' -

Les responsables de plusieurs médias français ont publié mercredi une tribune dénonçant son expulsion et la faiblesse de la réaction de la France, accusée de mener une "diplomatie de paillasson".

Mais alors qu'elle quittait Pékin le ministère français des Affaires étrangères a assuré dans un communiqué transmis à l'AFP avoir "multiplié les démarches" pour tenter de convaincre la Chine de renoncer à cette expulsion.

"Dès que la situation de Mme Gauthier a été connue, la France et ses partenaires de l'Union européenne avaient multiplié les démarches, à Paris comme à Pékin", écrit le ministère.

De son côté, après que la journaliste eu quitté la Chine, la Commission européenne a "demandé aux autorités (chinoises) de reconsidérer leur décision", estimant que cela "jette le doute sur l'engagerment de la CHine en matière de liberté de la presse".

Ursula Gauthier est le premier correspondant étranger en Chine à faire l'objet d'une mesure d'expulsion depuis celle en 2012 visant Melissa Chan, qui travaillait pour la chaîne de télévision Al Jazeera.

Interrogé sur le fait de savoir si la journaliste sera autorisée à revenir en Chine, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, a déclaré jeudi que "cela dépend entièrement d'elle".

"Évidemment, si on me laisse revenir sans exiger des excuses solennelles et publiques, je reviendrai, a répondu la journaliste. Je n'hésiterais pas une seconde."

Source : AFP

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