Douleur chronique: des propositions pour moins de patients "en errance"

  • La douleur chronique touche "20% à 30% de la population
    La douleur chronique touche "20% à 30% de la population Albina Glisic / Shutterstock
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Relaxnews

(AFP) - Plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous, des patients "en errance", des traitements pas toujours soutenus par les autorités... Les centres spécialisés pour la douleur chronique sont "victimes de leur succès", estiment des spécialistes de ce symptôme qui touche environ un quart des Français.

Les 243 structures labellisées "douleur chronique" ont fait nettement progresser le diagnostic et le traitement de ces douleurs persistant au-delà de plusieurs mois et rebelles aux traitements usuels. Mais "il faut les désengorger", par exemple en formant mieux les médecins généralistes, explique à l'AFP Frédéric Aubrun, président de la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD).

Cet organisme vient de publier un "Guide de bonnes pratiques" formulant 50 recommandations pour améliorer la situation.

Alors que la douleur chronique touche "20% à 30% de la population" selon la définition retenue, seuls 400.000 patients par an passent par ces structures spécialisées. Résultat, "beaucoup de patients sont en errance diagnostique ou thérapeutique", déplore le Pr Aubrun, anesthésiste-réanimateur à Lyon.

"Les recommandations pour une bonne prise en charge de la douleur chronique, en particulier l'usage des morphiniques, sont mal connues, et les médecins généralistes qui ont une expertise poussée dans ce domaine ne sont pas très nombreux", ajoute-t-il.

La SFETD suggère de renforcer la formation sur le sujet pour l'ensemble des soignants et propose que des médecins généralistes sensibilisés à la question voient les patients "en amont", pour n'adresser aux "structures douleur chronique" que ceux dont "la situation n'est pas maîtrisée".

Inversement, des "coupe-file" seraient créés pour certains patients prioritaires pour éviter les six à sept mois d'attente pour une consultation.

- "Se mettre autour de la table" -
La SFETD demande aussi que les infirmiers "ressource douleur" puissent participer davantage à la prise en charge du patient, en concertation avec le médecin, pour alléger les consultations médicales. Cela passerait par une meilleure "valorisation financière" de leur activité et la création d'un diplôme d'"infirmier en pratique avancée" dans le domaine de la douleur.

Plus largement, le guide recommande de désormais mettre les patients "au centre des préoccupations".

"Aujourd'hui, tout le monde travaille en silo, chacun fait son travail mais il n'y a pas d'interactivité entre les professionnels. Une meilleure coordination ferait gagner du temps pour concevoir une stratégie thérapeutique efficace", observe le Pr Aubrun.

Et de souligner l'importance du rôle des psychologues ou des médecins du travail, "acteurs essentiels dans la prévention de la désinsertion professionnelle", un risque élevé chez ceux souffrant de douleurs chroniques.

"Il faut se mettre tous autour de la table", confirme Gérard Mick, neurologue et médecin de la douleur à Voiron (Isère), évoquant les acteurs de la prise en charge sanitaire, mais aussi la dimension sociale, professionnelle, psychologique...

"Il faut voir le patient comme une personne, respecter son projet de vie" au-delà de l'addition de ses symptômes, résume-t-il.

Pour "harmoniser" la qualité des consultations et des soins dispensés dans ces centres, le guide liste aussi des préconisations, "un fil rouge pour accompagner celles et ceux qui y travaillent", explique le Pr Aubrun.

Outre une formation spécifique pour tous les médecins exerçant dans ces structures, la société savante recommande aussi, avant de prescrire "un traitement comportant des opioïdes pour une douleur non cancéreuse", d'informer "le patient sur la possibilité de survenue d'une dépendance". Et si des facteurs de risques sont identifiés, "un suivi personnalisé devra systématiquement (en) découler".

Certains traitements comme la kétamine ou la toxine botulique peuvent par ailleurs être recommandés dans le traitement de douleurs chroniques résistantes aux traitements conventionnels, mais à certaines conditions, selon elle.

Pour avoir prescrit ces médicaments hors de leur AMM (les indications pour lesquelles ils ont été mis sur le marché), certaines structures "douleur chronique" sont dans le collimateur des contrôles des autorités sanitaires. La société savante défend "une démarche d'expertise, pour expliquer aux agences sanitaires les raisons" pouvant justifier, dans certains cas, l'utilisation de tel ou tel médicament.

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