L'Aveyronnais Lucas Tousart : « Je savais que ce ne serait pas Klinsmann le coach »

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  • Lucas Tousart a signé son contrat fin janvier, aux côtés du directeur sportif du Hertha Berlin, Michael Preetz.
    Lucas Tousart a signé son contrat fin janvier, aux côtés du directeur sportif du Hertha Berlin, Michael Preetz. Reproduction Centre Presse
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Propos recueillis par Vincent Naël

L’Aveyronnais de 22 ans, actuellement milieu défensif de l’Olympique Lyonnais, s’est longuement confié à Centre Presse jeudi 13 février. Il revient sur sa signature au Hertha Berlin cet hiver, qui l'a prêté jusqu'à la fin de la saison à Lyon, son attachement à l’Aveyron, son parcours à l’OL ou encore ses objectifs avec l'équipe de France Espoirs.

BERLIN
« Je savais que ce ne serait pas Klinsmann le coach la saison prochaine »

Comment s’est présentée l’opportunité de rejoindre le Hertha Berlin fin janvier ?

Déjà, je tenais absolument à finir la saison en prêt avec Lyon (il y joue depuis l’été 2015). Le Hertha était très chaud, et voulait m’accueillir dès cet hiver. C’est un club qui a un projet intéressant pour l’avenir (il vise la qualification en Ligue des champions dès la saison prochaine), et j’avais besoin de découvrir un nouveau championnat. Je suis content d’avoir pu finaliser ce transfert dès le mercato hivernal.

Jürgen Klinsmann a démissionné mardi du poste d’entraîneur…

Il avait forcément pesé dans mon choix. Mais je savais déjà que ce ne serait pas lui le coach la saison prochaine parce qu’il me l’avait dit. En fait, il faisait partie du conseil d’administration du club depuis deux ans. Et au moment où les résultats ont commencé à être mauvais, on lui a demandé de reprendre l’équipe. Pour l’instant, je ne peux pas vous en dire plus. C’est forcément un peu bizarre, même le Hertha a été surpris, mais bon, je m’y étais déjà préparé. Au club, il n’y avait pas que lui qui me voulait, donc ça ne change pas énormément de choses.

Comment vous êtes-vous renseigné avant de signer ?

J’en ai d’abord parlé avec mes conseillers, puis ma famille, et mes amis très proches depuis l’enfance. Ce sont des gens sur qui je peux compter. Je me suis aussi renseigné auprès des joueurs des équipes de France jeunes qui évoluent en Bundesliga. Beaucoup sont allés là-bas et y réussissent, notamment des anciens coéquipiers à Valenciennes comme Moussa Niakhaté et Jean-Philippe Mateta (Mayence). Par rapport à mes qualités, c’est le championnat qui me correspondait le mieux. Puis il n’y a pas que Dortmund et le Bayern, d’autres équipes jouent les premiers rôles. Je vais jouer de gros matches tous les week-ends.

Le Hertha Berlin joue le maintien (13e sur 18) et il y a une clause dans votre contrat annulant votre transfert en cas de descente.

Je me suis sécurisé au maximum, mais je savais très bien qu’en quittant Lyon, ce serait difficile de retrouver la coupe d’Europe dès ma première saison. Un nouvel investisseur est arrivé cet été au Hertha, et l’objectif est d’en faire l’un des meilleurs clubs d’Allemagne. Ce qui m’a plu, c’est de pouvoir être au début du projet. On a vu des gros recrutements cet hiver (Piatek, Ascacibar, Cunha) et ils vont encore continuer cet été.

Vous sentez-vous capable de jouer un peu plus haut sur le terrain, davantage en milieu relayeur qu'en sentinelle ?

C'est possible que je sois amené à le faire, mais ma qualité première se situe au niveau de la récupération. Je n'aimerais pas forcément aller plus haut. J'aime mon poste, jouer en sentinelle devant la défense, c'est ce qui correspond le mieux à mes qualités. Je sais très bien que je peux avoir une étiquette, mais ça n'est pas dérangeant. Après, si je dois évoluer plus haut, je le ferais.

 

L’OL « Lyon m’a tout appris, j’y ai découvert la Ligue 1 »

Lucas Tousart dispute actuellement sa cinquième et dernière saison avec Lyon.
Lucas Tousart dispute actuellement sa cinquième et dernière saison avec Lyon. Repro CP (archives)

Pourquoi teniez-vous absolument à terminer la saison avec Lyon ?

Parce que je voulais finir mon passage sur un titre. On a une finale de Coupe de la Ligue (le 4 avril) et une demi-finale de Coupe de France (le 4 mars) à disputer contre le Paris Saint-Germain. On va tout faire pour gagner. Lyon m’a tout appris, j’y ai découvert la Ligue 1, la Ligue des champions, l’Europa League… Je dois beaucoup au club. Ils m’ont fait grandir, ce serait une récompense pour l’OL et tous ceux qui l’aiment qu’on soulève un trophée en fin de saison. Puis on a aussi d’autres matches intéressants à jouer avant la fin de la saison, comme le 8e de finale de la Ligue des champions contre la Juventus (l’aller le 26 février, le retour le 17 mars).

Le rêve, ce serait de gagner les deux coupes nationales ?

On ne va pas faire les gourmands (rires). Une, ce serait déjà bien. Mais si on peut prendre les deux, on ne va pas se gêner.

En Ligue 1, croyez-vous encore au podium ?

Ouais, tout est possible. On a déjà eu des points de retard dans les saisons précédentes (sept sur le 3e actuellement). Pour revenir, il faut enclencher des séries, mais le championnat est vraiment serré cette saison. La Ligue 1 devient de plus en plus homogène et de moins en moins d'équipes tirent leur épingle du jeu. C'est plutôt bizarre, mais tant mieux pour nous. Après, on y verra plus clair lorsque l'on aura joué contre nos concurrents directs.

En parlant de concurrence, vous allez en avoir à votre poste avec l'arrivée de Bruno Guimaraes...

Ça ne change pas grand-chose. Je vais continuer à m'entraîner de la même façon. Le coach fera ses choix et on verra bien ce qui se passera. En tout cas, je vais tout donner pour enchaîner les titularisations jusqu'à la fin de la saison. Je ne lâcherai pas.


L'ÉQUIPE DE FRANCE  « Il faut être réaliste »

Lucas Tousart devrait disputer les Jeux Olympiques sous le maillot de l'équipe de France.
Lucas Tousart devrait disputer les Jeux Olympiques sous le maillot de l'équipe de France. Repro CP (archives)

Était-ce important pour vous d’aller dans un championnat aussi médiatisé pour ne pas que Didier Deschamps vous perde de vue ?

C’est vrai que j’ai fait quasiment toutes les sélections de jeunes avec la France, mais je ne pense pas forcément à ça. J’ai plus vu le projet sur le long terme. Après, si je suis performant avec le club, ça attirera les regards, mais les sélectionneurs surveillent avant tout ceux qui jouent la Ligue des champions. Cette année, j’ai la chance de la jouer avec l’OL, mais il faudra voir sur les prochaines saisons.

Avez-vous l’Euro (12 juin – 12 juillet) dans un coin de la tête ?

Non, pas du tout. Il faut être réaliste. Mais j’ai participé au championnat d’Europe Espoirs (éliminé en demies en juin dernier), où on s’est qualifié pour les Jeux Olympiques (24 juillet – 9 août). Ça, ça fait pleinement partie de mes objectifs de fin de saison.

En tant que capitaine de l’équipe de France Espoirs, vous êtes quasiment assuré d’y aller…

Avec le sélectionneur (Sylvain Ripoll), on se connaît bien, mais je ne suis pas assuré d’y aller parce que j’ai contribué à la qualification pour les JO. Le coach fera en fonction des états de forme du moment. Après, je ne connais pas l’orientation que la FFF va vouloir donner à ce tournoi, mais il prendra les meilleurs jeunes sélectionnables.

Avec la présence probable de Kylian Mbappé, quelles sont vos ambitions pour les Jeux ?

Avant, on aura peut-être deux matches de préparation fin mai avec les Espoirs. Devenir champion olympique, ce serait beau, mais on v a y aller doucement, parce que c'est une compétition qu'on va découvrir. C'est déjà énorme de pouvoir y aller. On a hâte d'y être, mais il n'y a pas vraiment d'objectif. Après ça, je ne pourrai plus être appelé chez les jeunes, donc j'espère finir sur une bonne note.

 

L’AVEYRON
« Je suis très, très heureux pour Rignac et Rodez »

À l’automne dernier, Lucas Tousart est venu, à nouveau, rencontrer les jeunes de son premier club de football, à Rignac.
À l’automne dernier, Lucas Tousart est venu, à nouveau, rencontrer les jeunes de son premier club de football, à Rignac. Centre Presse

Selon nos estimations, Rodez (7,1 millions d’euros de budget prévisionnel) et Rignac (60 000), deux de vos anciens clubs, devraient toucher 250 000 et 125 000 euros grâce à votre transfert (25 millions d’euros).

Franchement, je suis très, très heureux pour eux, très fier aussi. J’ai demandé à savoir les chiffres et je crois que c’est ça, oui. Ça leur fera une belle surprise (rires). Rignac, j’y ai passé toute mon enfance (2003-2010) et je dois aussi beaucoup à Rodez (2010-2013). C’est normal qu’ils touchent leur part. La mise en place de ce mécanisme de solidarité, c’est vraiment top pour les petits clubs. Ça leur permet de voir leurs efforts de formation des jeunes récompensés.

Cet automne, vous avez offert plein de maillots aux enfants de l’US Pays Rignacois. Vous revenez souvent en Aveyron…

Oui, c’est très important pour moi. Quand on grandit dans un petit village comme Rignac… J’y ai gardé beaucoup de potes d’enfance. Lorsque tu perces dans le football, beaucoup de gens gravitent autour de toi et tu n’as pas forcément les bonnes personnes. Le football est un monde de requins, alors c’est mieux de s’entourer de personnes comme ça, qui sont là depuis le début. J’ai toujours eu le même cercle d’amis, c’est important pour mon équilibre. J’essaye de revenir le plus régulièrement possible, mais ce n’est pas facile. Eux aussi, ils vont vouloir venir me voir la saison prochaine. Mais Berlin est bien desservi, il n’y a pas de problème (rires).

À Rignac, aviez-vous déjà l’ambition de devenir pro ?

En fait, c’est venu avec le temps. Quand on est petit, on ne se pose pas forcément ces questions. On a forcément des rêves, mais pour moi, c’est venu au fur et à mesure du temps. Après, il y a aussi eu une part de chance dans le recrutement. Quand j’étais au pôle Espoirs de Castelmaurou (2010-2012) ou à Valenciennes (2013-2015), il y a beaucoup de joueurs que j’ai vus passer et très peu ont fini par devenir pros. C’est très, très dur, donc je mesure le chemin parcouru. Le fait que mes parents m’ont toujours bien éduqué et appris la valeur du travail depuis tout petit m’a aussi permis d’y arriver.

Vos échecs dans votre jeunesse vous ont aussi beaucoup servis.

Oui, après Castelmaurou, j’avais eu des clubs pros intéressés, été faire des stages, mais aucun ne m’avait proposé de signer dans son centre de formation. Je suis donc revenu à Rodez, en me posant beaucoup de questions. J’ai eu de la chance au final, parce que ceux qui étaient partis dans des clubs pros ne jouaient pas tous. Ils étaient 35 joueurs pour une équipe de U17 nationaux. Alors qu’au même niveau à Rodez, il y avait forcément moins de monde. Du coup, j’ai pu enchaîner les matches alors que mes anciens camarades de Castelmaurou ont dû attendre l’année d’après. Mais mon arrivée à Valenciennes s’est aussi jouée sur un coup de chance.

C’est-à-dire ?

Au moment des tournois de fin de saison, Valenciennes recherchait un numéro 6 en jeunes. Le recruteur de Valenciennes de l’époque, Claude Delpierre, avec qui on est devenu très proche, se rend alors à Castelmaurou. Moi, j’étais parti depuis un an. Il va voir un Aveyronnais justement, Joël Bonnal, qui travaille encore là-bas. Il lui dit qu’il doit ramener un milieu défensif pour un tournoi. Et Joël pense à moi. Il savait que je jouais à Rodez. Claude appelle donc mon père, c’était un jeudi soir et il y avait aussi Alexis Chambéry (qui est toujours l’entraîneur des U17 nationaux). « Alex » vient me voir pour m’annoncer la nouvelle. Le vendredi, on vient me chercher à 8 heures pour monter dans le Nord et je passe ma journée dans la voiture. Le tournoi se tenait du samedi au lundi. Moi, j’étais comme un dingue. Je n’avais pas été exceptionnel, mais j’avais fait le « taf ». J’étais un pari au début pour VA, puis je suis parti en convention non payée au début. Après, très vite, j’ai signé mon premier contrat, au bout de trois mois. Puis j’ai enchaîné, j’étais stagiaire. J’ai ensuite fait une saison au centre de formation. L’année suivante, j’ai commencé à aller avec les pros. Ensuite, ça s’est fait très vite au mois de janvier : j’ai joué toute la deuxième partie de saison en Ligue 2. Franchement, c’est allé tellement vite entre mon arrivée et mon départ à Lyon…

Avoir ce parcours-là vous donne-t-il plus faim que les autres ?

Oui, parce que le cursus classique de formation, c’est vraiment long. J’ai eu chance de repasser par Rodez. Ça m’a permis de prendre conscience des choses et de voir comment ça se passait dans la vie extérieure. J’étais entouré de mecs normaux, qui faisaient des études. Quand tu passes pro, tu prends conscience que tu es privilégié, donc à partir de là, il faut que tu te donnes à fond dans ce que tu fais. C’est ça qui a fait ma force, qui m’a permis d’y arriver.

Votre réussite est-elle une belle revanche sur ceux qui vous critiquent depuis votre signature à Lyon ?

Ouais, je suis encore en train d'apprendre mon métier car je n'ai que 22 ans, mais le monde du foot est exposé, donc il y a beaucoup de jalousie. Les critiques, ça va, ça vient, ça change en fonction du match qu'on fait le week-end... Moi, je joue avant tout pour moi et ceux qui m'aiment. Après, mon profil ne fera jamais l'unanimité.

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