Violences sexistes et sexuelles en milieu étudiant : "l'effet de groupe" est-il vraiment la principale cause de ces agressions ?

  • Selon l'enquête de l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'Enseignement supérieur, une étudiante sur vingt déclare avoir subi un viol.
    Selon l'enquête de l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'Enseignement supérieur, une étudiante sur vingt déclare avoir subi un viol. istock
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Relaxnews

(ETX Studio) - Une étude publiée ce lundi lève le voile sur les violences sexistes et sexuelles commises en milieu universitaire. Elle révèle qu'une étudiante sur vingt a été victime de viol. Un phénomène que les étudiants interrogés attribuent principalement à l'effet de groupe et à la pression pour "bien s'intégrer". 

L'enquête a été réalisée par l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'Enseignement supérieur. Parmi les 9624 réponses obtenues, 76% ont été formulées par des personnes se déclarant comme "femmes" et 24% par des individus se considérant "hommes".

Les données de l'étude font froid dans le dos : une étudiante sur vingt déclare avoir subi un viol, et une étudiante sur dix une agression sexuelle. Ces violences surviennent le plus souvent hors du campus, en week-end ou lors d'une fête étudiante.

À la question "quelles sont les principales causes des violences observées dans votre établissement ?", les personnes sondées ont cité l'effet de groupe et la pression pour être bien "intégré" (20%), l'impunité pour les personnes ayant commis ce type d'acte (18%), l'alcool (18%) et le manque d'éducation des étudiants (18%).

Décryptage avec Chantal Michard, psychologue à Paris spécialisée dans la prise en charge de victimes de violences sexuelles. 

Selon vous, "l'effet de groupe" évoqué par les sondés peut-il expliquer l'ampleur et la fréquence des violences sexistes et sexuelles mises en lumière dans cette enquête ? 

L'expression ne me plaît pas trop, car je trouve que le dire ainsi profite aux agresseurs, un peu comme si cela leur fournissait un prétexte, une circonstance atténuante. En revanche l'effet de groupe a bien une incidence sur les violences sexistes : plus on est dans des "secteurs traditionnels", plus les stéréotypes de genre sont présents. L'effet de groupe va encourager cela. Il y a donc une action de prévention à mener très tôt. 

L'ampleur de ces violences viendrait-elle alors plutôt de "l'impunité", également pointée par les sondés ? 

À mon sens, c'est davantage la permissivité au niveau institutionnel qui pose problème. À partir du moment où l'on fait des soirées en mettant le mot "pute" dans le nom et que la direction de l'université ou de l'école n'intervient pas pour mettre le holà, alors on va dans le sens de ce que peuvent se dire les victimes : qu'il est "normal" de se faire traiter ainsi pour "s'intégrer." Dans ce milieu, on a tendance à considérer des propos sexistes comme de simples blagues alors que l'on est déjà dans des violences psychologiques.

Or, cela peut ouvrir la porte à d'autres violences, plus graves, car tant qu'un cadre n'est pas posé, il n'y a pas de limite. Sans compter que le "premier" qui parle peut vite se faire éjecter et devenir le "bouc émissaire" de la promo. Je ne dis pas que ces violences n'auraient plus lieu, mais je pense que le fait d'instaurer un cadre permettrait en tout cas de les réduire. 

Quid de l'alcool ? 

Beaucoup de viols sont commis sous alcool ou sous drogue. Je le vois auprès de mes patients dans mon cabinet : je reçois beaucoup de personnes, hommes ou femmes, qui se demandent si elles ont été droguées au moment de leur agression sexuelle ou de leur viol. Dans le milieu étudiant, il y a des attitudes extrêmement sexistes et violentes. Par exemple inviter les filles à une soirée beaucoup plus tôt histoire de les faire boire un maximum, puis de faire entrer des garçons qui, eux, n'ont pas bu. Ces phénomènes sont connus, mais on en parle depuis peu.

Le problème réside aussi dans l'accueil que l'on réserve aux personnes qui ont subi une agression sexuelle ou un viol dans ce contexte. J'ai récemment entendu parler d'une histoire de refus de plainte car la victime était alcoolisée au moment des faits. On a lui fait comprendre qu'elle était en partie responsable, puisqu'elle était alcoolisée. Or, agresser sexuellement ou violer une personne qui n'est pas en état de donner son consentement est considéré comme un facteur aggravant aux yeux de la justice. Il est donc plus que temps de faire passer le message qu'une fille ivre, ce n'est pas "open bar." 

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