Rodez. Artistes et réseaux sociaux, l’âge de (dé)raison

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    Artistes et réseaux sociaux, l’âge DE (dé)raison
Publié le
Aurélien Delbouis

On en parlait déjà comme d’une révolution. D’un moyen offert aux artistes pour s’affranchir des schémas classiques de la diffusion de l’art. Aujourd’hui incontournables, les réseaux sociaux n’en restent pas moins "un outil" que les artistes aveyronnais s’approprient très différemment.

Il fut un temps, pas si lointain, où les seuls musées, galeristes et curateurs de tous poils avaient la main sur la notoriété des artistes. La naissance d’internet et avec elle, la prolifération des réseaux sociaux a sérieusement changé la donne. En bien ? La question mérite d’être posée, tant la créature a aujourd’hui dépassé le maître, la visibilité de l’artiste faisant désormais partie intégrante de la valeur de son œuvre et in fine de sa cote…

Critiquable ou pas, impossible pourtant pour un artiste de tourner aujourd’hui le dos aux réseaux sociaux. "Que l’on aime ou non, il faut exister à travers eux pour faire exister son travail, résume le photographe ruthénois Balint Porneczi qui avec ses 130 000 followers sur Instagram – dont, excusez du peu, la comédienne Julia Roberts ! – culmine sur l’Olympe de la création aveyronnaise. En tire-t-il certains avantages ? "Des contraintes surtout. Partager son travail nécessite justement beaucoup de travail, une veille quasi permanente. Animer une communauté est une tâche à part entière". Usante sur la durée. Devenu célèbre avec la série "Figurak", le photographe aveyronnais envisage même de faire machine arrière… en organisant, "pourquoi pas" son retour à l’anonymat digital.

Une posture, loin du courant dominant où le talent dit-on, se confond avec la notoriété.

Conseil de nombre d’institutions publiques et acteurs du marché de l’art, le fondateur de l’agence Communic’Art, François Blanc résume l’air du temps : "Pour exister, il faut être visible, et pour être visible, il faut être fort sur internet et les réseaux sociaux."

Une injonction qui prend tout son sens avec la fermeture des musées, corollaire du contexte sanitaire que l’on connaît. "La crise a accéléré la bascule numérique trop longtemps différée par les professionnels, galeristes, musées, engagés dans la présentation physique des œuvres. Le débat théorique sur l’expérience physique de l’œuvre a enfin été tranché : le virtuel est une invitation à pousser la porte des musées et des galeries", poursuit le Pygmalion de Communic’Art.

"Miroir aux alouettes"

Attention, met cependant en garde le graffeur Jo di Bona pour qui Instagram reste un vecteur puissant de notoriété. On peut vivre en dehors des réseaux. Certains artistes très présents sur les réseaux ne vendent rien, d’autres au contraire très discrets exposent dans le monde entier. Rien n’est écrit. Il faut juste comprendre que les réseaux restent un outil. D’un marteau, on peut tout faire. Planter un clou ou casser une fenêtre !" Pour lui, que les Aveyronnais ont découvert avec l’opération "Mur-Murs" de Decazeville, pas question pour autant de s’en passer. Chacune de ses publications s’accompagnant d’un flot de sollicitations. "Sur Insta, je reçois beaucoup de demandes, des propositions de collaborations… Certaines très sérieuses, d’autres plus improbables…"

Installé à Paris, l’artiste Chris Calvet ne dit pas autre chose. "En trois clics, Insta offre une visibilité mondiale. À ce titre, c’est un outil très puissant. Mais il ne faut pas oublier les galeries, les musées. Si tu n’as pas l’occasion de présenter ton travail, l’impact de tes publications restera modeste."

À chaque artiste, son approche. Or, pour ces deux exemples, une chose en commun : le temps passé à peaufiner cette fameuse "stratégie digitale", le nouvel oméga de l’artiste 2.0.

"On peut vite se laisser déborder, reconnaît le graffeur Di Bona. C’est malgré tout très addictif. Quand tu postes un truc et que tu as beaucoup de gens qui t’écrivent, et que tu mets un point d’honneur à répondre à tous, c’est du temps en moins pour la création. De ce point de vue, il faut réussir à prendre un peu de recul."Un recul qu’a pris sans le savoir le plasticien Gérard Marty. "Les réseaux sont devenus un mal nécessaire, reconnaît le créateur du supermarché de l’art de Rignac, mais c’est avant tout un métier à part entière dont les retombées, je parle de mon cas, sont loin d’être très probantes." Instagram, miroir aux alouettes des artistes de demain. "Certains réussissent à exister sur les réseaux, à entrer dans une galerie par ce biais-là, mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt." Un avis que partage le galeriste ruthénois Philippe Annotiau. "Pour moi, l’art développe l’émotion et l’émotion ne peut être que réelle. Derrière une œuvre d’art, il y a des heures et des heures de travail. Ne voir ça que "tout plat" derrière son écran, c’est triste."

Le chiffre

80

En minutes, le temps que passent par jour, en moyenne, les Français à publier, à liker, à visionner, à follower, à partager, à commenter...

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