Rodez. Aveyron : pour le Dr Rohmer, "il faut réapprendre les liens sociaux"

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  • Le psychiatre met en garde contre d’éventuelles conduites excessives ou à risque.
    Le psychiatre met en garde contre d’éventuelles conduites excessives ou à risque.
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Propos recueillis par Xavier Buisson

Outre le fait "extrêmement positif", psychologiquement, de retrouver des liens sociaux avec une "extinction de l’angoisse de mort", le docteur Rohmer, psychiatre et médecin chef de la filière courte du centre hospitalier Sainte-Marie de Rodez, prône une reprise progressive pour éviter notamment des "comportements excessifs" propres à notre "esprit latin".

Cette étape du déconfinement, synonyme de retour à la vie sociale, est un fort signal d’espoir pour les Aveyronnais.

Dr Rohmer : Il y a une part d’espoir qui arrive dans cette situation. Le premier point fort positif : le constat de la diminution des entrées dans les hôpitaux, dans les réa, les morts bien sûr… Globalement ça nous met à distance de cette angoisse de mort qui était très anxiogène et très répétitive. Une extinction de l’angoisse de mort, c’est le premier élément à mettre en avant. La vaccination joue un rôle énorme. Quand la population s’aperçoit que la vaccination avance, ça sécurise sur le fait de favoriser la reprise du lien social.

Les différentes périodes de confinement ont été diversement vécues. Certains ont-ils cependant pu mettre ce temps à profit ?

Le point positif du confinement c’est qu’il a permis à beaucoup de se repositionner sur le vrai sens qu’on met à sa vie. On voit des personnes qui lancent des projets qu’ils n’auraient pas eu la possibilité de lancer… Une réorientation. Beaucoup sont orientés vers la nature, des métiers où l’on peut se donner le temps de faire les choses, ne pas être dans une course effrénée, toujours dans la performance, dans l’action. Deuxième point positif : on a appris à maîtriser ce sentiment d’ennui, de perte de stimulation pour le travailler et mieux se connaître, mieux se projeter… Ça sera un déconfinement réussi pour ceux qui auront réussi à faire ce chemin-là.

Quels seront les premiers bienfaits à retrouver autrui ?

Un point positif qu’on peut espérer, ça sera dans le milieu professionnel. Le télétravail a été protecteur, mais le retour dans le milieu professionnel va sûrement permettre un regard différent de la hiérarchie sur les salariés, repenser leurs modalités de travail, de prise de temps, rythmes… On peut espérer que cette séparation prolongée cyclique va permettre une relation plus humaine et plus adaptée aux salariés. La reprise des liens sociaux est évidemment quelque chose d’extrêmement positif, mais il y a une étape intermédiaire qu’il va falloir travailler, digérer…

Laquelle ?

C’est la peur des autres, cette espèce d’agoraphobie qu’on peut avoir avec un nombre important de personnes… On a tellement été déshabitués avec le discours "le groupe est dangereux" qu’il faut se réapproprier les liens sociaux dans une autre vie. On retrouve nos vies, mais le virus est toujours là. On est dans une amélioration de la situation, une forme de convalescence. Il va falloir apprendre à ne pas rester dans des positions suspicieuses, anxiogènes voire agressives si dans un magasin on est un peu confiné, si dans un bus il y a un peu de monde… On a eu peur de l’autre, il faut réapprendre les liens sociaux.

Il y a d’autres éléments à prendre en compte pour réussir son déconfinement ?

Il faudra arriver à tempérer la réaction émotionnelle qui va avec cette forme de libération qui, dans notre esprit latin à tous, se manifeste par des comportements qui peuvent être excessifs : alcoolisation, conduite à risque en voiture, consommations qui pourraient nous mettre dans le rouge au niveau de nos finances, une espèce de frénésie de reprendre en excès, sur un temps très court, ce dont on a été privé pendant des mois, sans que ce soit un besoin réel de la personne. Les protections mutuelles que nous avons les uns envers les autres, familles ou amis, permettront de se pondérer d’éventuels excès dans ces réactions qu’on va avoir.

Durant le premier confinement notamment, nous avons vécu une extinction de nos stimulations naturelles : dans tous nos échanges, interactions, conflits qu’il pouvait y avoir au travail ou dans nos liens sociaux, il y a un phénomène de manque de stimulation de notre cerveau qui, maintenant que ça va repartir, risque d’être un petit peu en ébullition.

Vous prônez une sorte de déconfinement progressif ?

Il y a eu une grande période de mise au régime et le cerveau doit se remettre comme un sportif doit se remettre, comme un sportif remet son corps au travail.

Le cerveau a besoin aussi d’expériences de stimulations et de contacts progressives, sinon il a ces à-coups soit d’agressivité, soit de conduite compulsive, soit de phobie et de repli sur soi et d’angoisse. Mais globalement, on va vers du positif malgré tout.

Le déconfinement sera-t-il davantage bénéfique à certaines générations ?

Non, tout le monde est en souffrance ! Dans les Ehpad, les personnes âgées étaient autant en souffrance du manque de relations que les adolescents qui n’allaient plus dans leurs soirées ou dans les rencontres avec leurs pairs. La psychologie humaine, quel que soit l’âge, n’est pas faite pour être isolée, privée des relations avec les autres.

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