Rignac. Football - Lucas Tousart : "C’était un peu ridicule"

Abonnés
  • Lucas Tousart garde un goût amer des JO de Tokyo.
    Lucas Tousart garde un goût amer des JO de Tokyo. FFF
Publié le , mis à jour
Vincent Nael

Éliminé dès la phase de groupes du tournoi olympique avec l’équipe de France, le milieu rignacois Lucas Tousart (24 ans) regrette l’impuissance de la FFF face aux clubs, qui ont refusé de libérer bon nombre de joueurs sélectionnés. Dans cet entretien avec Centre Presse, il évoque également son club du Hertha Berlin et renouvelle son attachement à Rignac et l'Aveyron.
 

Comment avez-vous vécu ce huis clos pour vos premiers Jeux olympiques ?

On a tellement cru qu’ils allaient être annulés à cause du Covid-19 que pouvoir y participer a été une chose exceptionnelle. Mais on ne va pas se le cacher, sans les fans, avec les restrictions sanitaires... c’était moins bien, d’autres JO. De ne pas pouvoir visiter Tokyo et de ne quasiment pas sortir du village olympique, ce n’était pas fou. Quand on en sortait, c’était seulement pour un entraînement ou un match, mais juste avant ou après, on devait rester cloîtré. Et encore, on s’en est bien sorti parce que certaines équipes ont fait le choix de rester le plus possible à l’hôtel pour limiter au maximum le risque d’attraper le virus. Mais comme la saison dernière, à huis clos, c’était plus compliqué de se motiver.

Quel bilan tirez-vous de votre tournoi avec l’équipe de France, éliminée dès la phase de groupes ?

Ça a été une compétition compliquée (défaite 4-1 contre le Mexique le 22 juillet, victoire 4-3 face à l’Afrique du Sud le 25 puis défaite 4-0 contre le Japon le 28). L’équipe a été constituée quinze jours avant le début et on n’a fait qu’un amical (victoire 2-1 contre la Corée du Sud le 16 juillet). En face, nos adversaires se préparaient depuis un mois et demi. Et eux, ils avaient les meilleurs joueurs.

Votre sélection était loin de ressembler à celle qui a été demi-finaliste de l’Euro Espoirs 2019, vous y étiez, qualifiant les Bleus pour leurs premières olympiades depuis 1996.

C’est dommage parce qu’à l’époque, on avait une équipe super compétitive. Mais les clubs n’ont pas voulu libérer ceux qui voulaient venir. Là, rien que pour constituer une liste, ça a été une vraie bagarre. Au final, on était très loin de la première communiquée par l’entraîneur (Sylvain Ripoll) et on n’avait même pas le nombre de joueurs qu’il fallait (19 sur 22). Il y avait une base de cinq ou six joueurs qui se connaissaient et à côté, des éléments n’ayant jamais joué en sélection ou déjà appelés en équipes de France jeunes, mais sans avoir évolué en U23. Par rapport au groupe qu’on avait, on a fini à notre place.

En voulez-vous aux clubs qui ont refusé de libérer leur joueur (les JO ne sont pas une compétition Fifa) ?

La question, je me la suis posée pas mal de fois à Tokyo. Chacun a ses raisons, mais le coach avait quand même fait l’effort de ne sélectionner qu’un joueur par club. C’est dommage qu’on n’ait pas pu montrer une belle image du foot français. Dans les autres pays, il y a un accord entre les clubs et la fédération pour que les footballeurs puissent être libérés. La France doit travailler là-dessus. C’était une des conditions quand j’ai signé au Hertha Berlin (le 27 janvier 2020, avant de finir la saison en prêt à Lyon). Je remercie les dirigeants d’avoir respecté notre accord.

Le football français fait office de mauvais élève à côté des médailles rapportées au pays par les équipes de volley-ball, handball, basket-ball...

C’est super pour la France de voir que les autres équipes sont allées aussi loin. Nous, à côté, c’était un peu ridicule et c’est dommage car ce n’est pas forcément de notre faute. Le problème ne vient pas de nous, mais de plus haut. Les volleyeurs n’étaient pas privés d’Earvin Ngapeth, les handballeurs de Nikola Karabatic... Si on avait eu les meilleurs, ça aurait été différent.

Que retenez-vous de positif ?

Il y avait la possibilité de prendre trois joueurs au-dessus de la limite d’âge dans la liste et ils (André-Pierre Gignac, Florian Thauvin et Téji Savanier) ont été d’une grande aide. Pouvoir côtoyer des mecs comme "Dédé" Gignac, c’est fou. Quand tu vois son palmarès, qu’il a joué l’Euro 2016... Quand il parle, tout le monde l’écoute. Ça fait grandir de travailler avec des joueurs comme ça. Dans le village olympique, j’ai aussi fait de belles rencontres, avec Karabatic et le tennisman Gaël Monfils notamment. On pouvait échanger avec des athlètes de toutes les nationalités, observer différentes manières de s’entraîner... Quand on voit ce que les Jeux représentent pour eux et leur préparation pendant quatre ans, c’est quelque chose qu’on ne ressent pas dans le foot, où on est dans un certain confort. C’est une belle leçon d’humilité car on se rend compte que nous, on est très, très bien chouchouté.

C’était peut-être votre dernière avec l’équipe de France.

En tout cas, c’est fini pour moi avec les sélections de jeunes. J’aurais préféré finir sur de meilleurs JO. Maintenant, il ne me reste plus que les A. Ça reste un rêve, mais il y a vraiment beaucoup de monde au milieu de terrain. Si ma première sélection doit arriver un jour, elle arrivera. Mais je suis réaliste, il y a encore beaucoup de travail pour en arriver là.

Pensez-vous qu’elle sera mieux armée pour Paris 2024 ?

J’espère que les JO de Tokyo vont servir de leçon à la FFF pour que ce ne soit pas la même liste en 2024. Je suis impatient de voir comment ça va se passer. Mais cette fois, je pense que pas mal de gens voudront mettre la meilleure équipe...

« J’espère pouvoir assister aux 80 ans de Rignac »

Avez-vous prévu de revenir dans l’Aveyron cette saison ?
Après les JO, le Hertha m’a laissé trois ou quatre jours pour souffler. On (avec sa conjointe) est passé à Rodez fin juillet - début août, avant de partir en vacances avec mes amis aveyronnais. Pouvoir profiter de mes proches après avoir été privé d’eux pendant les confinements et passé toute la saison dans des hôtels… ça fait un bien fou. Dès que j’en ai l’occasion, j’essaye de revenir malgré mon planning chargé. Les trêves internationales sont souvent les bons moments pour le faire. J’ai fait cadeau d’un maillot pour les 80 ans du club de Rignac (le 25 septembre). J’espère pouvoir y assister en fonction de mon emploi du temps.

Allez-vous inviter des jeunes Rignacois pour venir voir l’un de vos matches à Berlin ?
Il n’y a rien de prévu. À cause de la pandémie, ce genre d’événements n’ont pas pu avoir lieu.

Rodez, que vous suivez, peut-il viser plus que le maintien ?
J’espère, l’objectif est de pérenniser le club en Ligue 2 et le mercato de cette année a été dans ce sens. Peut-être qu’un jour, ils aspireront à jouer les premiers rôles, mais dans le football, tout prend un certain temps. Il faut savoir être patient. Je suis tous leurs résultats et regarde leurs matches dès que je peux. J’aimerais bien venir à Paul-Lignon cette saison, on essaiera si l’occasion se présente.

Avez-vous vu le résumé de Valenciennes - Rodez (1-4), vos deux anciens clubs ?
Oui, l’expulsion a tout changé. Rodez a su en profiter. Je ne peux pas vraiment vous dire pour qui je suis car ce sont deux clubs qui comptent beaucoup et que j’affectionne particulièrement. Je n’ai chambré aucun joueur de Valenciennes car l’effectif a beaucoup changé et je n’ai gardé des contacts qu’avec des gens du staff.  

Une saison " moins turbulente" au Hertha ?

« Le championnat allemand s’est terminé le 22 mai la saison dernière, donc j’ai pu être en vacances tout le mois de juin. C’est pour ça que j’ai pu enchaîner rapidement après les Jeux olympiques. » Onze jours après la défaite aux JO face au Japon le 28 juillet, Lucas Tousart entamait déjà l’exercice en cours avec le Hertha Berlin, jouant trente minutes lors de la victoire 0-1 à Meppen (D3 allemande). Les débuts en Bundesliga, le 15 août, ont été plus compliqués avec une défaite d’entrée lors de sa première titularisation, à Cologne (3-1), avant que son équipe ne soit battue par Wolfsburg (1-2) il y a une semaine, à l’Olympiastadion, où le milieu a joué cinq minutes.
Compliquée, la saison dernière l’a été aussi pour les Berlinois, 14es sur 18 après avoir joué le maintien, et le Rignacois, pas à son poste dans un premier temps. « L’ancien entraîneur (Bruno Labbadia) me faisait jouer relayeur au début, donc c’était délicat pour moi, confie celui qui préfère évoluer à la pointe basse d’un milieu à trois. En tant que sentinelle, je peux récupérer plus de ballons et mieux orienter le jeu. D’autant qu’en Allemagne, on passe pas mal par le numéro six. Là, on a des profils variés dans l’entrejeu, donc on se complète bien. »


En concurrence avec une idole du club


Mais le retour au club de Kévin-Prince Boateng cet été l’a contraint à repasser relayeur pour lui laisser sa position préférentielle lors du premier match. Interrogé sur cette concurrence, Lucas Tousart la trouve bénéfique : « L’arrivée de Stevan Jovetic et la sienne pour encadrer les jeunes rendent le projet du Hertha plus cohérent. La saison dernière a été compliquée parce qu’il n’y avait pas d’anciens. » Un exercice difficile à vivre, comme le précédent, que le joueur formé à Rodez (2010-2013) devait finir à Lyon (2015-2020) en prêt puisqu’il appartient au Hertha Berlin depuis janvier 2020. Mais Lucas Tousart a dû quitter l’OL deux mois plus tard à cause de l’arrêt du foot français. Sans pouvoir faire ses adieux au public, ni disputer, en juillet puis en août, la finale de Coupe de la Ligue perdue contre le PSG et le huitième de finale retour de Ligue des champions contre la Juventus (défaite 2-1, mais qualification en quarts), alors qu’il avait marqué à l’aller. « Le Covid est arrivé au pire moment. Derrière, l’intégration en Allemagne n’a pas été facile puisque tout était fermé, donc on restait beaucoup à l’appartement. Dans le vestiaire, j’étais avec des joueurs qui arrivaient de pays différents et ne parlaient pas la langue, comme moi. Sur le terrain, ça n’a pas pris et on s’est mis dans la mer** à tel point qu’on a dû jouer le maintien. »
Venu pour jouer l’Europe, Lucas Tousart n’abandonne pas le club allemand pour autant. « Je vais rester car je ne veux pas partir après seulement une saison, annonce l’ancien Valenciennois (2013-2015). Même avec de l’argent, c’est compliqué d’atteindre l’Europe en une ou deux saisons. Il faudra peut-être un peu de temps pour que cela arrive. » Concernant son avenir, il fera « le point » avec les dirigeants berlinois « sûrement » en fin de saison. D’ici-là, des proches viendront le voir défier le Bayern à Munich, aujourd’hui (18 h 30). L’ancien protégé de Claude Janin au club de Rignac, de 2006 à 2010, conclut : « J’ai hâte de découvrir l’Allianz Arena avec des fans. Sur les deux matches de la saison précédente, ce n’était pas passé loin (défaites 4-3 et 0-1). J’espère que cette fois, ce sera la bonne. Ça sera un plaisir de retrouver Lucas Hernandez, Dayot Upamecano et Corentin Tolisso, avec qui j’ai pu évoluer dans ma carrière. » Mais aussi de le suivre cette saison.  

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?